Fata Morgana, Chika Unigwe

Le livre : Fata Morgana, Chika Unigwe ; traduit de l’anglais (Nigeria) par Marguerite Capelle. Paru le 12 janvier 2022 chez Globe. 23€. (299 p.) ; 23 x 15 cm

4e de couv : 

L’offre est brute, directe : C’est 30 000.

30 000 euros pour quitter Lagos et le désespoir qui tue.

30 000 euros pour atteindre l’Europe débordante de richesses. Une dette à laquelle s’ajoute le loyer qu’il faut rembourser par mensualités en travaillant dix heures par jour dans une rue du quartier chaud d’Anvers. Sisi, Ama, Efe et Joyce ont quitté le Nigeria, animées par cette volonté universelle : survivre pour se construire une vie meilleure. En attendant, elles partagent un modeste appartement et rejoignent chaque soir les vitrines du quartier rouge, les yeux rivés sur les promesses de l’Europe.

Mais soudain, le meurtre brutal de Sisi fait voler en éclats la routine et les silences. Et c’est toute leur histoire qui surgit alors des profondeurs de l’humanité.

Dans ce roman haletant et débordant d’une énergie vitale, Chika Unigwe raconte avec verve, grâce et passion la trajectoire de ses héroïnes malmenées par la vie, mais bien décidées à prendre leur avenir en main. Elle livre ainsi un regard rare sur la migration au féminin, le prix du déracinement et la brutalité du rêve occidental.

L’auteur : Chika Unigwe est née en 1974 à Enugu, au Nigeria, où elle a vécu avant de poursuivre ses études en Belgique et d’obtenir un doctorat en littérature. Elle vit aujourd’hui Elle vit aujourd’hui dans la région d’Atlanta aux États-Unis avec son mari et leurs quatre enfants. Fata Morgana est son deuxième roman. Chika Unigwe est considérée comme l’un des cinq auteurs africains les plus importants de ces dix dernières années. Voilà ce comment, elle se défini : Chika Unigwe danse mal, adore les chaussures et aurait rêvé d’être une girafe (parce que les girafes ont les MEILLEURS cils). Elle rêvasse beaucoup et a encore de nombreux amis imaginaires : elle n’a jamais grandi.

 

 

Extraits :
« Chantonnant tout bas, savourant l’idée de ce nouveau départ, elle songea à tous les changements dans sa vie : Luc. De l’argent. Une maison. Elle était déjà en train de devenir une autre. De se métamorphoser. Souvenir de ce terme appris en cours de biologie, il y a bien longtemps. Muer, se défaire d’une vie qui ne lui convenait plus.
Ce qu’elle ne savait pas, ce qu’elle allait découvrir dans quelques heures à peine, c’était à quel point la transition se révélerait absolue. »
« Dans une maison de la rue baptisée Zwartezusterstraat, les femmes auxquelles pensait Sisi – Ama, Joyce et Efe – étaient à cet instant précis en train de se préparer pour le travail, multipliant les allées et venues précipitées dans la salle de bains dont les murs peinaient à contenir leurs espérances : pourvu que ça marche pour elles ce soir ; qu’il y ait des hommes à la pelle ; qu’ils ne soient pas trop exigeants. Et surtout, surtout, qu’ils soient généreux. »
« « Comment t’as fait ton compte pour cramer le riz, Sisi ? Pas moyen de ravoir cette foutue casserole !
– Je comprends pas ce que t’as, Ama, et laisse-moi en dehors de ça. Je sais pas qui t’envoie mais fais comme si tu m’avais pas vue, par pitié. » Elle balança le torchon dont elle s’était servie sur son épaule et leva les mains en signe de reddition. « J’ai pas envie de me battre abeg.
– Va te faire voir. Allez dégage, t’as qu’à aller faire une de tes grandes balades ! » La voix d’Ama était une tempête sur le point d’éclater.
Sisi avança d’un pas vers Ama et allait dire quelque chose quand Efe intervint : « Les filles, les filles, c’est une magnifique journée. Faut pas la gâcher ! Make una no ruin am ! » Elle espérait qu’il ne pleuvrait pas ce jour-là. « 

 

Le post-it de Ge

Fata Morgana, Chika Unigwe

Ce livre est arrivé dans mes mains un peu par hasard. Il était sur une pile de livre à équiper sur mon bureau quand je suis rentrée de vacances. Je me suis dit : « tiens c’est un polar que j’ai commandé, je ne m’en souviens pas. » Et pour cause, c’est ma complice Marianne qui l’avait repéré et ajouté à notre commande directe…

Mais alors que nous raconte ce « Fata Morgana »

Issues du Soudan, du Nigeria ou d’autres pays d’Afrique subsaharienne, quatre femmes très différentes ont fait le chemin de l’Afrique vers Bruxelles. Ces femmes partent en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure. Elles sont venues revendiquer pour elles-mêmes les richesses qu’elles croient que l’Europe promet. . Mais des réseaux de prostitution s’organisent pour les piéger. Et lorsque Sisi, la plus énigmatique des femmes, est assassinée, leur monde déjà fragile est brisé. Le meurtre de cette prostituée dans un quartier d’Anvers rompt la routine et les silences qui entourent cette exploitation. Rassemblés par la tragédie, les trois femmes restantes – Joyce, une grande beauté dont la vie a été détruite par la guerre ; Ama, dont les humeurs sombres manifestent une injustice passée ; Efe, dont les efforts pour gagner sa vie sont motivés par un zèle particulier, commence lentement à partager leurs histoires. Et ces histoires de femmes malmenées par la vie et les hommes, Chika Unigwe nous les raconte avec force. Avec engagement même devrais-je dire car ce sont des histoires de terreur, de déplacement, d’amour aussi. C’est aussi celle d’un homme sinistre appelé Dele, un mystérieux proxénète et de la pire des mère macrelle, Madame…

Et c’est avec une intensité incroyable que notre auteur nous fait vivre les trajectoires de ces femmes, de leur déracinement. Le prix payé pour fuir l’Afrique où leur avenir est compromis, celui à payer pour tenter de sortir de sa condition et celui encore plus cher de la réalité quotidienne en Europe.  Car chaque nuit, Sisi, Ama, Efe et Joyce se tiennent aux fenêtres du quartier chaud d’Anvers, promettant de réaliser les désirs des hommes, ne serait-ce que pendant une demi-heure.

 Chika Unigwe nous les montre force et fragiles à la fois.

Elles gardent, malgré tout, la tête haute. Elles savent pourtant qu’il faut qu’elles soient sages et gentilles si elles veulent gagner suffisamment pour se libérer, envoyer de l’argent à la maison ou économiser pour leur propre avenir.

Mais le drame arrive, Sisi meurt, et là les têtes se redressent vraiment.

C’est une histoire de courage, d’unité et d’espoir que nous conte Chika Unigwe

C’est une histoire d’amitiés de femmes et de liens qui, une fois forgés, ne peuvent être rompus. Rapprochées par la tragédie et la perte de l’une des leurs, les femmes réalisent qu’elles doivent choisir entre leurs secrets et leur sécurité.

De leurs histoires se dégagent une énergie folle. Ce qui est marquant aussi c’est que dans toute cette noirceur, notre auteur laisse passé un peu d’espoir en insufflant aussi quelques traits d’humour subtils et bien vus.

Mais ce qu’il il a de diabolique ici c’est que Chika Unigwe nous transporte par la puissance de son style, c’est vif, c’est brut, il y a quelque chose de l’oralité aussi qui transparait ici, une urgence sournoise mais utile.

Son écriture est belle et exaltée. Tellement efficace aussi.

C’est vraiment une très belle découverte que je vous recommande chaudement.

Ce roman sera sans doute un de mes coup de cœur de l’année tellement il semble inoubliable.

 Fata Morgana a reçu le Nigeria Prize for Literature de 2012 et dix ans plus tard, alors que le texte nous parvient seulement, on comprend pourquoi !

Autres extraits
« Dehors, le chien d’un voisin aboie. Son propriétaire lui dit de se calmer, il est bientôt prêt pour leur promenade. Les dames dorment peut-être encore, dit-il. Chut.
Mais les dames ne dorment pas. À l’intérieur, Efe, Ama et Joyce sont rassemblées dans une pièce peinte de langues de feu. Elles sont assises sur un long canapé, dont le revêtement noir s’est défraîchi avec le temps tandis que la structure elle-même cède presque sous leur poids cumulé. Le mur contre lequel il est placé est un peu frais, et quand elles s’appuient contre le dossier elles sentent le froid dans leur cou. Elles ne parlent presque pas, un profond silence les ensevelit comme un tombeau et remplit la pièce au point de ne laisser de place à pratiquement rien d’autre. Le silence est une énorme éponge qui absorbe l’air… »
 » Les trois femmes ne sont pas certaines de ce qu’elles représentent l’une pour l’autre. Réunies par le sort et par un homme tonitruant nommé Dele, elles sont liées par une sorte d’amitié diffuse. À l’aise avec le peu qu’elles savent les unes des autres, elles ne posent pas de question sans y être invitées, partagent des rires sincères et de la musique dans leur salon, se jouant de la vie qui leur a appris à exploiter l’atout que Dieu leur a coincé entre les jambes. Elles décortiquent les hommes qui viennent les voir (les hommes qui passent des heures à s’agiter sur ou sous elles, à malmener, tripoter et agripper leurs fesses brunes pour finir – la plupart du temps – par se servir de leurs doigts pour y enfoncer leur propre chair pâle) et les dénigrent bruyamment. Et désormais, avec la nouvelle qu’elles viennent d’apprendre, les voilà liées par quelque chose de si définitif qu’elles ont peur d’en parler. C’est comme si en tournant autour du pot, en esquivant le sujet, elles pouvait faire comme si ça n’était jamais arrivé.
Pourtant, Sisi occupe leurs pensées
« 

Lu dans le cadre de 4 défis littéraires :

 – Le Pumpkin Autumn Challenge 2022 chez Guimause

– Challenge Thriller et polar 2022- 2023 chez Sharon

 – Challenge « Le tour du monde en 80 livres » chez Bidb (Nigéria).

 – Challenge Les Dames en Noir 2022 chez Zofia

3 réflexions sur “Fata Morgana, Chika Unigwe

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