Franco la muerte , par Alain Bellet, extrait 8

Coucou mes polardeux,

C’est une chroniques un peu spéciale que je vous propose aujourd’hui.

En effet, je vais tenter de vous présenter un recueil de nouvelle à travers les textes des auteurs de celui-ci.

A travers différents extraits et différents auteurs.

Je reviendrai régulièrement vous parler de…

Franco la muerte .

Un peu comme un leitmotiv tout au long de ce mois de Noël

Et vous allez comprendre pourquoi en lisant la suite

Aujourd’hui je vous donne à lire l’extrait de la nouvelle de

Alain Bellet

Les prochaines fois, ce sera d’autres extraits et d’autre auteurs.

Le but avoué et de vous faire aimer ces extraits et vous faire lire ce bouquins et pourquoi pas… acheter et offrir ce recueil de nouvelles passé inaperçu lors de sa sortie.

Et non je n’ai aucune action chez cet éditeur, promis, craché.



Le livre : Franco la muerte, Patrick Amand, Alain Bellet, Antoine Blocier et al. Paru le 17 août 2015 chez Arcane 17. 21€. (279 p.) ; 22 x 14 cm

4e de couv :

Franco la muerte

Novembre 1975, le Caudillo meurt de sa belle mort. Dans son lit, en toute impunité !

Janvier 2015, l’idée jaillit de célébrer l’anniversaire de Franco de porc, pour les 40 ans de sa mort.

40 ans… Si le temps a passé, la détestation est intacte, inscrite au plus profond de notre ADN. Et l’envie d’écrire est immédiate. Franco, les garrots, les fachos, les bigots, les toubibs, les courtisans, les cocos, les anars, les Basques : vingt auteur(e)s entament ici la grande parade des règlements de compte. Ces snipers de la plume visent juste, et sur tous les tons : drôle, cocasse, grave, ironique, coléreux. À l’arrivée, on se dit que l’affaire n’est pas soldée. D’autant que l’Ogre a fait des petits, beaucoup de petits…

L’auteur du jour : Alain Bellet, Sa bibliographie est impressionnante : auteur de romans noirs et policiers, de romans historiques pour la jeunesse, il écrit également des documentaires sur l’Histoire de France médiévale, l’histoire de Paris et des Parisiens, des ouvrages de mémoires ouvrières et de nombreuses nouvelles. Une cinquantaine de livres et la direction littéraire de plus de cent ouvrages écrits et imaginés avec des amateurs

 

Le post-it de Ge

Franco la muerte

Vingt nouvelles autour de la figure du dictateur espagnol.
Vingt nouvelles contre l’oubli.
Des textes forts, engagés parfois, rageurs souvent.
Car plus de 40 ans après la mort de Franco, le nationalisme a toujours beau jeu. Et pas qu’en Espagne. Partout en Europe et ailleurs il égraine son mépris des autres, de l’étranger. Partout il sème son dégoût des différences, sa haine pur et simple. Partout il me fait honte.
Ces 20 nouvelles sont salutaires, aujourd’hui encore plus qu’hier.
Elles nous rendent vigilants.
Nous redonnent de l’espoir en l’Homme, en l’Humain.
Vingt texte nécessaires.
Un grand merci aux auteurs et à l’éditeurs pour ce choix risqué quand on sait que le format de la nouvelle n’est pas très lu en France.
Un recueil à acheter, à transmettre, à faire circuler et à lire de toute urgence.

Et pour vous le prouver, lisez la prose ci-dessous tirée de ce merveilleux recueil.

LE BANQUET DU BAS MONDE

de Alain Bellet

Depuis le temps que j’attends l’heure, enfin j’exulte. La nouvelle vient d’arriver chez nous ! Je ne tiens plus en place, j’imagine la focale, le bon angle, le gros plan surprenant et hideux de celui qui aspire au repos promis ! Il est impossible qu’il passe inaperçu, qu’il se glisse dans l’anonymat douillet, il m’appartient d’organiser les choses en grands confettis, comme dit toujours Robert !

Nous allons accueillir un vieillard, nous les jeunes et les moins jeunes, les respectables et les moins respectés, les hommes armés et les désarmés, ceux des phrases officielles et des pouvoirs grignotés, et ceux des images ! Oh, oui ! Surtout des images ! Blanches et noires pour le criminel ! Robert me dira qu’il n’a pas de Leica à sa disposition. Pas davantage de Rolleyflex pour moi, mais on fera comme si. La photo sera bonne, même si personne ne pourra la saisir ! Elle sera excellente même, et nous serons très, très, près de l’objectif !

Un comité d’accueil, c’est cela qu’il faut organiser, juste avant le tintouin officiel du maître des lieux et la réception du nouveau en grandes pompes, le ban, l’arrière-ban, les barbes blanches, les psaumes et les ailes déployées. Je n’ai pas envie de laisser l’exclusivité aux divinités larmoyantes et moralistes. Quand un salaud débarque, il faut le recevoir avec ce qu’il convient d’éclat !– Bahamonde, l’immonde, arrive ! Venez vite !

Je gueule, je trépigne, j’oublie mon accent germanique, je mélange les syntaxes, chuinte du catalan, distille du yiddish, rigole en français… Depuis le temps que j’attends cet instant… Quarante ans à repenser à mon anniversaire, mes vingt-sept ans qui se sont achevés sous les chenilles d’un tank républicain voulant défendre l’Escurial ! Le 26 juillet 1937…

Ah… J’ai réussi mon coup, ça bouge là-bas, on vient… Le premier, évidemment, c’est Robert, mon  amoureux.

Enfin je dis ça, c’était mon amoureux, en bas, entre deux voyages, deux mitrailles, deux guerres… Je me souviens de son allure, de ses postures conquérantes, son Leica en bandoulière, l’as du photojournalisme avant même que le mot n’existe

– Que signifie tant d’agitation, ma jolie… ?

– Il arrive ! Robert ! Il arrive ! L’horrible Caudillo arrive !

– Enfin, Gerda, ma toute déchaînée, c’est dans l’ordre des choses…

– Oui, je sais, « Monsieur Capa ». Gardez votre flegme faussement anglo-saxon, mais nous devons le recevoir, tous ensemble, comme il le mérite !

Des pas traînent, des ombres hésitent, des silhouettes s’approchent. Les plus jeunes d’abord. L’allure décontractée, le sourire aux lèvres, une chanson chuintée qui s’échappe…

– El ejercito del Ebro, boum ba da boum boumboum… El ejercito del Ebro…

– Camarade Buenaventura, tu es toujours dans la fanfare ? Nous avons de la visite et je voulais vous prévenir…

Il arrive vers moi, me demande, les yeux rieurs :

– De la visite, Gerda Taro, quelle visite ?

– Le monstre de rebelle a changé de planète…

– Ah ! Fallait bien. On va faire quelque chose ? J’attends ça depuis le 20 novembre 1936, un bail non ? Comme toi, Gerda, à un an près… J’étais dans les premiers à me faire dessouder par traîtrise dans les rues de Madrid…

– Oui, je sais bien… J’ai même photographié tes hommes et tes femmes en train de te pleurer, colonel Durruti ! Comme des mômes, ils étaient tous perdus, orphelins d’un coup… Moi, je captais leur tristesse, leurs regards haineux à la recherche des pourris qui t’avaient descendu…

Robert s’approche davantage et, faute d’appareil, une plaisanterie en bandoulière :

– Toujours bien près de l’objectif, camarade Taro… Si tu veux que le cliché soit bon, n’oublie jamais ce conseil ! Une ombre vacillante s’approche à son tour des silhouettes rassemblées.

– Vous cherchez un quatrième pour jouer aux cartes ? On s’ennuie, non… ?

– Jouer aux cartes ! Non, señor Nin, vous n’y êtes pas ! Venez avec nous, vous avez largement votre place pour fêter l’événement ! Le félon arrive…

– Chère Gerda, ce ne sont ni lui ni ses hommes qui m’ont conduit à la porte de sortie sans retour, le 20 juin 1937, vers la Puerta del Sol… Staline ne supportait pas l’importance du Parti ouvrier marxiste plus ou moins trotskyste que je dirigeais…

– Oui, Andrès, certes, mais aujourd’hui les staliniens vont aussi être de la fête… Regardez qui nous rejoint…

– Oh ! Un héros de l’Union soviétique ! Le capitaine Rubén Ruiz Ibárruri, disparu vers Stalingrad, le 3 septembre 1942…

– Quand les anars et les trotskystes discutent, je me méfie encore et viens aux nouvelles…

– Laissez tomber les vieilles lunes, Rubén, Bahamonde l’immonde arrive et nous voulons le saluer à notre façon !

– Ma mère le sait, Gerda ? Si vous faites quelque chose sans celle que toute l’Espagne appelait la Pasionaria, elle vous en voudra à mort ! Oh, je plaisante…

Je dis que non. Je ne veux pas d’elle dans le comité d’accueil. Robert m’interpelle :

– Et les socialistes, tu les as contactés ?

– Pas encore…

– Faut prévenir les deux vieux, quand même ! Un président et un chef de gouvernement ne peuvent être tenus à l’écart des réjouissances officielles, non ? »

Robert avait galopé sur tous les champs de bataille  de la planète, photographié le débarquement américain en Normandie, capté la résistance chinoise contre le Japon impérial, suivi les Français, pour disparaître à Thái Binh, en Indochine, le 25 mai 1954. Il connaissait bien les deux vieux, comme je les appelais.

– Je m’en occupe, propose Capa, visiblement de bonne humeur. J’ai fait leurs portraits sous tous les angles…

Quelques instants plus tard, il revient vers nous en bonne compagnie. Je plaisante un instant en esquissant un pas de révérence :

– Monsieur le président de la République, mes respects…

– Qui s’en souvient, ma petite ! Qui s’en souvient ?

Manuel Azaña avait réussi à quitter l’Espagne avant d’être tué par un franquiste pour s’éteindre à Montauban le 3 novembre 1940, arrêté par la police de Vichy.

– Personne ne se souvient de rien, en ce qui nous concerne, vous le savez bien, mes amis.

– Mes hommages, el Hombre…

Je  l’aimais  bien,  alors.  L’unique  Premier  ministre de cette drôle de République qui se baladait toujours un fusil à la main ! Francisco Largo Caballero est le seul à avoir pris le temps de quitter la terre. Depuis Paris, en mars 1946, à l’âge respectable de soixante-seize ans…

Maintenant, tous ces hommes illustres se sont regroupés autour de moi. Une phrase fuse dans la bouche de Durrutti :

– Que va-t-on faire ? Si c’est pour la photographie fami- liale, nous vous rappelons, chère Gerda Taro, que vous ne possédez pas d’appareil… Ici, pas de représentation, pas d’image des prophètes…

– La photo sera bonne si nous nous tenons le plus près possible de l’objectif…

Bon, Capa rabâche un peu et cela m’attriste.

Des bruits nous parviennent. Des voix résonnent.…

Alain BELLET

La suite est à découvrir dans Franco La muerte,

Vous avez la parole, laissez un commentaire, ça fait toujours plaisir.

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