Exquis Cadavre exquis saison 2 : Un pacte sinon rien, la récap. livre 2

Exquis Cadavre exquis saison 2 , la récap. livre 2

 

Allez pour vous qui avez loupé un chapitre, voici le second récapitulatif des premiers épisodes de notre nouveau cadavre exquis

Ici retrouvez la première récap, livre 1 les 8 premiers chapitres.

Un pacte sinon rien, la récap. livre 2

Épisodes 9 à 18

Chapitre 9 

De rouge et de noir

Michel Roberge

 

Le 9 janvier. Ce mémorable deuxième samedi de janvier 2010. L’Europe était alors handicapée par un froid glacial et des chutes de neiges abondantes. La France n’y avait pas échappé avec de nombreuses perturbations sur le réseau routier et des pannes d’électricité localisées. Geneviève en avait un tout autre souvenir : traumatisant et obsédant.

Mais comment Elias Armand avait-il pu être mis au courant de ce qui s’était passé, ce jour-là, dans cet appartement de la rue du Temple ? Cet avertissement, rédigé à la main sur un fragment de papier vergé écru, la troublait. Identique à celui d’un manuscrit que lui avait fait parvenir à la fin de l’automne 2009 un jeune auteur à ses toutes premières armes.

Sanglée dans sa robe de chambre, Geneviève se précipita dans la pièce qui lui servait de bureau. Tout semblait intact. Rien ne laissait paraître que son agresseur avait procédé à une fouille, à la recherche d’une preuve tangible à exhiber aux autorités policières. Dans une potiche servant d’appui-livres, elle récupéra nerveusement la clé du tiroir où elle conservait le manuscrit original qu’elle avait à l’époque accepté de publier. Mais que les événements l’en avaient empêchée. Le document était toujours à sa place, dans une enveloppe scellée. Ce qui suffit à peine à la rassurer.

Les images du passé qu’elle croyait avoir enfouies dans les méandres les plus marécageux de son cerveau remontaient déjà à la surface.

À l’époque, Geneviève avait été séduite par la prose intimiste et décadente et subjuguée par le charme maléfique d’un nouvel auteur, Francis T., un éphèbe musclé au visage juvénile dont l’imaginaire lubrique et morbide était sans limites. Elle était surtout convaincue de détenir le best-seller de la décennie qui rendrait jaloux le milieu français de l’édition. Une romance noire écrite avec un porte-plume, tantôt à l’encre rouge, tantôt à l’encre noire, selon le déroulement de la trame scénaristique dans lequel une éditrice sadique et son auteur pervers outrepassaient les limites de leurs relations professionnelles.

Le texte était toutefois incomplet : quelques pages vierges, dont la dernière avait été amputée d’un morceau déchiré à la main, patientaient le temps que Francis y couche la chute du dernier chapitre.

Exceptionnellement, Geneviève avait accepté de se rendre chez son poulain pour en discuter. Elle avait failli perdre ses esprits et rebrousser chemin lorsque, pieds nus, le beau ténébreux à la longue chevelure blonde et au regard aussi carnassier que celui du jaguar imprimé sur son t-shirt moulant lui avait ouvert la porte.

« Merci d’être venue, Geneviève. »

Geneviève ignorait alors que Francis T. était le neveu d’Elias Armand.

 

Chapitre 10

Alias

Simon Boutreux

Plus elle lui parlait, plus elle se demandait comment Francis T. avait pu écrire un roman à la prose si délicieuse et à l’intrigue si bien ciselée. Elle jeta un œil discret vers le jeune homme alors qu’il cherchait une tasse dans un placard pour lui servir un thé. Il devait avoir une vingtaine d’années, tout au plus, et l’allure de quelqu’un qui passe plus de temps à soulever de la fonte que des livres.

Si son expérience lui avait appris à ne pas se fier aux apparences, Geneviève savait aussi que, bien souvent, il n’y avait aucune profondeur cachée chez ses congénères. Ils ne voulaient qu’une ou deux choses. Pouvoir ou argent. Et ils étaient prêts à se grimper les uns sur les autres pour parvenir au sommet, à la manière de créatures gluantes et aveugles qui tentent de s’extraire de la fange pour découvrir qu’il n’y a rien d’autre là-haut qu’un trône pour régner sur un royaume de merde. Elle ne dérogeait pas à la règle, d’ailleurs. Mais elle le savait et c’était ce qui lui donnait une longueur d’avance.

Il faisait froid chez Francis T. et elle serra les pans de sa veste contre elle. Alors que le jeune homme versait de l’eau chaude dans la tasse, elle observait ses muscles qui roulaient tel des câbles sous sa peau dorée.

« Comment avez-vous eu cette idée de roman ? s’enquit Geneviève à voix basse comme si elle lui demandait de révéler son plus intime secret.

— Oh, comme ça. Un jour, l’histoire est venue.

— Toute l’intrigue ? Et les rebondissements avec ?

— Ouais.

— C’est un roman complexe et magnifique, pour un tout premier manuscrit.

— Merci.

— Francis, je vais être honnête avec vous.

Le jeune homme pencha la tête sur le côté et lui lança un regard interrogatif. Geneviève laissa quelques secondes s’écouler volontairement pour sonder ses yeux sombres. Elle avala une gorgée de thé puis posa les mains bien à plat sur l’îlot central de la cuisine qui les séparait.

— Je ne crois pas que vous soyez l’auteur de ce manuscrit.

Francis T. ouvrit la bouche avant de la refermer. Il repoussa une mèche de ses longs cheveux blonds et soupira.

— Je lui ai dit que ça ne marcherait pas, finit-il par avouer. Mais il a insisté. Les honneurs, le côté  » chien de race qu’on exhibe dans les salons « , mon oncle Elias n’en veut pas. »

Chapitre 11 

La L.I.S.

 

Laurent Loison

Geneviève claqua la porte avec fracas. Elle avait failli être bernée par leur stratagème minable. Et c’est bien ce qui l’inquiétait.

Comment n’avait-elle pas compris plus rapidement ? « Ma cocotte, il est temps de te reprendre en main ». S’être déplacée, avoir perdu un temps précieux chez ce Francis T. !

Assurément, T pour Tocard ou Tricard. Non, pour   » Trou du cul « .

Le plan A tombé à l’eau, il devenait urgent de passer au B.

Geneviève ne l’avait pas envisagé de prime abord. Ce plan lui faisait peur ; outre l’aspect financier, sa dangerosité avait de quoi effrayer les plus téméraires.

Mais aujourd’hui elle en était sûre, sa solution passait par la L.I.S.

Cette association dont la rumeur amplifiait les exploits et les méfaits existait bien envers et contre tout. Et Geneviève devait avoir gardé un numéro d’appel quelque part. Après une fouille méthodique de son bureau durant cinq bonnes heures, le précieux sésame la défiait dans sa main. A ce stade, seule une question subsistait : « Vais-je commettre une erreur en les contactant ? ». Lasse de tergiverser, elle composa les dix chiffres inscrits sur la carte de visite élimée.

Vous êtes sur une messagerie privée, veuillez donner le mot de passe inscrit au dos du document en votre possession. La voix, grave et solennelle, lui fit impression.

Fébrilement Geneviève retourna ladite carte. Elle n’avait jamais prêté attention à l’inscription sibylline qui y figurait.

« La vie et la mort ne font qu’un, osa Geneviève d’une voix chevrotante.

  • Un instant je vous prie, nous vérifions l’auteur et l’authenticité de la demande. Une série de musiques et de ce que l’on aurait pris pour des transferts prit le relais.

– Ligue de l’Imaginaire Sanglante, Jean-Luc B. Cela fait longtemps, Geneviève.

Un silence oppressant s’ensuivit.

– Avant toute chose, maintenant que le contact est établi, sache que tu ne peux plus reculer. Le faire t’expose à des représailles comment dire, définitives.

Alors, poursuivit Jean-Luc B. soudain tout guilleret, qui veux-tu éliminer et avec quel niveau de souffrance ? Le prix te sera alors communiqué.

Geneviève s’écroula dans son fauteuil, abasourdie. La L.I.S. n’était pas un mythe. L’existence d’agents aux noms d’Olivier N., de Patrick B. et même du plus cruel d’entre eux, Barbara A., était réelle. Tout ce qu’il y a de plus vrai !

Geneviève avait une occasion unique de s’en servir. Elle n’avait qu’un nom à donner. Ainsi qu’un mode opératoire. Quelle simplicité !

Sans hésiter – elle le regretterait plus tard – elle articula lentement.

– Elias Armand.

La réponse ne se fit pas attendre.

– Récipiendaire enregistré.

Geneviève se remémora alors tous ses cauchemars, toutes les tortures qu’elle avait souhaitées lui infliger. Elle lança.

– Mort par gangrène initiée au niveau des parties génitales.

– Requête acceptée, le montant des émoluments s’élèvera à 150.000 euros. Ils seront à verser sous quinzaine dans un lieu qui vous sera communiqué ultérieurement. L’absence de paiement vous exposera à une mort équivalente à celle envisagée. A bientôt ! »

 

 Chapitre 12

Tous dans le même bateau !

Geneviève Van Landuyt

 

Quelques semaines plus tôt

Comment Claude France s’était sorti de ce mauvais pas, il ne le savait pas lui-même. Comment avait-il pu se laisser berner de la sorte, lui et une soixantaine de ses congénères ? Ça aussi c’était un sacré mystère ! Comment ce type totalement dingue avait-il pu attirer autant d’auteurs connus sous un même toit ? Comment les avait-il faits prisonniers, retenus contre leur gré ? Ce que savait Claude France, c’est qu’il en avait un jour soufflé l’idée à l’un de ses fans qui lui racontait un de ses fantasmes : être enfermé seul avec ses écrivains préférés qui écriraient une histoire rien que pour lui.

Oh, il n’avait pas été difficile de le convaincre, le bougre. Le décider à inviter tous les romanciers les plus cotés du moment, lui souffler l’idée d’un salon incroyable où il fallait être sous peine de passer pour un bouffon, un looser. Un nouveau festival qui ferait date puisque les plus grosses pointures anglo-saxonnes seraient elles aussi présentes. Un festival itinérant à travers le monde, un salon sous forme de croisière. Un an à sillonner la planète à la rencontre de ses lecteurs. Un an aussi pour écrire entre chaque escale son prochain roman. Le rêve presque absolu mais pour cela il fallait garder le silence jusqu’au jour du départ. Tout juste pouvait-on dire que l’on partait s’isoler pour écrire.

Et c’est comme cela que lui aussi six mois plutôt il se retrouvait séquestré au milieu de ce beau monde. Et il n’avait pas été plus surpris que cela en recevant l’invitation et le contrat d’exclusivité accompagné d’une clause de non divulgation. Il y avait répondu favorablement. Il avait même prévu un plan pour récupérer à son compte le manuscrit écrit par tous pour son fan.

Ce qu’il n’avait pas prévu en revanche, c’était que ce type était un vrai psychopathe. Qu’il se croyait investi d’une mission. Et la partie allait être rude pour se sortir des griffes de ce malade.

Mais Claude France savait convaincre, et puis il avait un atout. N’était-ce pas lui qui avait financé le projet de son fan, voyant là aussi un remède à son problème de pages blanches ? D’une pierre deux coups ! Non, d’une pierre trois coups : éliminer aussi la concurrence.

Finalement il n’était pas le plus grand auteur de polars et de thrillers pour rien.

Il était le seul survivant, personne ne s’inquiéterait de la disparition des autres écrivaillons. Et en plus, il avait enfin un manuscrit à envoyer à son éditrice qui lui tapait sérieusement sur les nerfs à lui demander sans cesse où il en était dans son prochain roman policier. Elle allait être bien surprise avec ces soixante chapitres tous plus dingues les uns que les autres.

Chapitre 13

Le visiteur du soir

 Patricia Bertin

 

Geneviève se resservit un de ces bordeaux qui vous font croire au miracle de la création. Et d’un miracle elle avait sacrément besoin, vu le fichu pétrin dans lequel elle pataugeait. En fin d’après-midi Claude France avait débarqué à l’improviste, la gueule enfarinée d’un premier de la classe, pour lui demander des nouvelles de son manuscrit. Le texte la laissant perplexe sur la santé mentale de l’énergumène, elle évita l’affrontement frontal. Elle louvoya un moment pour justifier son retard dans l’envoi de sa lecture critique. Claude éclata de rire devant les efforts de son éditrice pour lui annoncer son refus. Il sortit de la poche de son imper une liasse de feuilles A4 enroulées.

« J’avais oublié, mon dernier chapitre. La clef de l’énigme. Lisez et vous m’en direz des nouvelles ! »

Crispée, Geneviève prit le rouleau, ôta l’élastique et commença sa lecture. L’auteur expliquait que soixante auteurs convoqués à un colloque s’étaient retrouvés enfermés dans une prison désaffectée avec la consigne d’écrire encore et encore sous peine d’être exécutés. De ce marathon seul le vainqueur recouvrait la liberté. Orchestré par Méphisto en personne, ce concours alliait cruauté mentale et physique.

« Vous jouez quel rôle ? l’interrogea Geneviève qui peu à peu changeait d’opinion sur le texte hétéroclite.

– Celui du gagnant. L’organisateur possède tous les pouvoirs sauf celui d’être le héros. Il n’est qu’un outil dans les mains du créateur. Mais continuez ! »

Elle reprit sans interruption jusqu’à la dernière phrase qui se révéla être une injonction adressée aux lecteurs : « Relisez, maintenant que vous savez que ce sont les paroles de condamnés. »

« Et ils reliront, se rengorgea l’auteur. Ma main à couper !

Geneviève ne le contredit pas, car elle n’avait qu’une envie : replonger dans cette arène de fous. Claude France savourait son plaisir. Surprendre l’éditrice qui l’avait vu grandir était une victoire à déguster sans modération.

– Mais, s’enquit-elle, ôtez moi d’un doute. Tout ceci est faux, les …

– Bigre non ! Tout est vrai, puisque je l’ai inventé ! »

Sur ce bon mot, le cabotin alla cabotiner ailleurs. Geneviève se retrouva seule face à mille interrogations. La nuit risquait d’être plus blanche qu’une page d’écrivain en manque. Comment organiser le lancement de ce phénomène littéraire sans en dévoiler le secret ? Sacré gageur pour ses petites cellules grises. Mais d’autres soucis la travaillaient : Elias Armand et La ligue de l’Imaginaire Sanglante. Le premier avait fait d’elle une victime et la seconde allait la transformer en assassin.

 

Chapitre 14

«  10h00… c’est l’heure de l’apéro ! »

 

Xavier Massé

 

Il s’était écoulé douze jours sans aucune nouvelle depuis son appel à la L.I.S.

Comme tous les matins, elle touillait son café tel un zombie, se demandant si un des agents de l’organisation avait fait le sale boulot. Toujours aucune relance, pas d’appel ni même un sms. Ceci dit… il était évident qu’elle ne recevrait pas un mail avec un lien internet comme pour un suivi Chronopost :

1/ Mercredi 25/03 : 14h00

Prise en charge de votre colis par nos services.

 

2/Jeudi 26/03 : 8h00

Colis remis à notre agent dans un de nos points relais.

 

3/ Jeudi 26/03 : 15h00

Notre agent nous confirme qu’il lui a bien coupé les couilles.

 

Pour un meilleur suivi de l’état de putréfaction de votre colis, merci de renseigner votre compte à l’aide de votre adresse mail et votre mot de passe.

 

Geneviève se rongeait les sangs… Encore une fois, elle compta les liasses de billets qu’elle devait remettre à la L.I.S. Elle en avait bavé pour regrouper tout ce pognon. Elle n’avait pas pu débarquer à la banque et vider ses comptes d’autant de liquidités. Elle avait dû trafiquer et maquiller, ni vu ni connu je t’embrouille, des virements dans tous les sens : droits d’auteurs, avoirs, avances aux diffuseurs… Geneviève n’en était pas à son premier coup, elle maîtrisait son sujet et le compte y était.

Pour s’occuper, elle relisait sans cesse le dernier chapitre de CF lorsque ce fameux et tant attendu « ding » arriva.

Elle prit son téléphone et lut le message : « Numéro inconnu ».

« RDV à 10 heures ce matin – café “Le Chicanos”, 133 rue des Barges  -Tu commandes une Vodka martini à la fraise sur un fond de jus banane – Au shaker, pas à la cuillère. »

 

Le cœur de Geneviève s’emballa. Elle regarda sa montre : 9 heures. Ce sms provoquait à la fois un soulagement et une montée d’adrénaline. Pendant qu’elle s’habillait, elle imaginait cet enfoiré d’Elias Armand agoniser sous la torture peut-être d’un Nockian ou d’un Tarek ! Un petit rictus se figea sur son visage.

9 heures 10 : elle était prête. Pas le temps de traîner. Au moindre retard, son sort en serait jeté. Elle enfila sa veste, prit son sac bondé, se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Mais Geneviève se statufia sur place.

Devant elle, deux hommes. L’un avait le bras en l’air, comme pour toquer à sa porte. Elle était tétanisée.

«  Madame Van Landuyt ?

— Heu… oui…

— Police.

Geneviève resta stoïque, la bouche entrouverte.

—  Connaissez-vous un certain Elias Armand ?

— Non… enfin… oui… enfin… je veux dire, c’est un auteur qui m’a transmis un manuscrit… Pourquoi ?

Les jambes en coton, blafarde, une envie de vomir soudaine lui monta à la gorge.

— Son neveu nous a signalé sa disparition. Il est sans nouvelle de lui depuis plusieurs jours. Nous avons retrouvé son téléphone à son domicile. Votre numéro est le dernier à apparaître. Vous êtes donc potentiellement la dernière personne à lui avoir parlé. Ou à l’avoir vu… »

Geneviève ne disait plus rien et ne pensait à rien d’autre qu’à ce sac trop lourd et ces minutes qui défilaient à vitesse grand V.

Chapitre 15

L’appel

 

Angélique Petit-Prestout

Incompréhension.

Elle voyait les policiers, ils parlaient, ils s’adressaient à elle. Elle les voyait bien, ils étaient juste en face d’elle. Mais elle était incapable de saisir un seul de leurs mots. Elle n’entendait que du yaourt, un son pénible et brouillé.

Elle avait les yeux perdus dans le vague, et elle réfléchissait. Ses pensées ne pouvaient plus s’arrêter, comme si un train à grande vitesse traversait son crâne d’un bout à l’autre. Geneviève ne comprenait pas comment elle avait pu se retrouver dans cette situation, rien ne se passait comme elle l’avait imaginé. Elle angoissait pour son rendez-vous, ce n’était vraiment pas le moment de devoir faire face à l’imprévu.

Soudain, elle commença à se rassurer. Elle n’avait pas grand-chose à se reprocher pour le moment, c’était bien vrai. Certes, le contenu de son sac était plus que suspect. Elle aurait d’ailleurs bien du mal à se justifier si jamais l’on découvrait la somme qu’elle comptait emporter. Cependant, si les billets étaient encore bien présents, c’était qu’elle n’avait pas encore fourni l’argent demandé par la L.I.S. ; et donc que le service n’avait a priori pas déjà été effectué.

Un blanc s’installa, son stress devenait palpable. Sûrement pas la meilleure attitude à adopter pour avoir l’air innocente. Incapable de reprendre son calme, l’éditrice prétexta devoir se rendre aux toilettes et proposa aux deux agents d’entrer pour l’attendre. Elle parvint à entendre leurs protestations, mais elle fuit aussi vite qu’elle le put. Paniquée, elle s’enferma aux WC. Elle s’assit sur le carrelage frais, et reprit ses esprits peu à peu.

Elle redoutait fortement les conséquences de son absence au café. Mais elle devait de toute façon régler un autre problème, et il semblait impossible à esquiver : la présence des policiers dans son salon. Elle pouvait encore faire bonne figure. Elle n’avait rien à inventer. Non. Geneviève avait juste à ne pas mentionner ce qu’elle complotait.

En se relevant, son portable glissa de sa poche. Elle le saisit instinctivement et composa le numéro d’Elias, comme si elle ne pouvait plus contrôler son propre corps. Ce qu’elle faisait n’avait rien de logique. Et pourtant…

« Allo … Allo ? Geneviève ? »

C’était bien la voix d’Elias. Cette voix lui glaça doublement le sang. S’il répondait au téléphone, cela signifiait qu’il n’avait pas réellement disparu. Alors, pourquoi ? Pourquoi deux hommes de la police l’attendaient dans son salon ?

Une partie de chasse

Jean-Sébastien Pouchard

Ce fumier d’Elias Armand l’avait déjà humiliée par le passé et aujourd’hui encore, au son de sa voix, Geneviève était persuadée qu’il continuait de jouer avec ses nerfs. Elle n’était plus qu’une putain de pelote de laine dans les griffes d’un félin sadique. Pourtant d’habitude, c’était plutôt elle de l’autre côté de la ficelle. Elle avait toujours su tirer son épingle du jeu et encore plus encore ce 9 janvier 2010. Personne n’avait jamais réussi autant à la déstabiliser depuis cette funeste journée. Comment diable était-il possible qu’elle ait pu perdre le contrôle de sa vie à ce point ?

Elias avait décroché à son dernier appel. Il suffisait qu’elle compose à nouveau son numéro et qu’elle le passe aux deux cerbères plantés dans son salon. Ainsi ils connaîtraient la vérité au sujet de cet ersatz d’écrivain et ils lui foutraient la paix. Ensuite, elle n’aurait plus qu’à se rendre à son rendez-vous avec la L.I.S. Il n’était pas encore trop tard pour leur demander des comptes sur l’inefficacité de leurs services à prix d’or. Seulement, c’était beaucoup trop facile. C’est certainement ce qu’attendait Elias Armand de sa part, sinon pourquoi aurait-il hélé son prénom dans l’écouteur ?

Avait-il appris pour le contrat qu’elle s’apprêtait à sceller dans le sang ? Etait-ce sa façon de lui montrer qu’il n’était pas dupe sur ses intentions ? Si tel était le cas, comment aurait-il pu être informé ? Geneviève ne connaissait la L.I.S qu’à travers des bruits de salon et c’était d’ailleurs bon signe pour entretenir sa légende. Tant que les rumeurs bruissaient, la ligue était libre d’agir en toute impunité. Si son hypothèse se confirmait, cela sous-entendait donc que quelqu’un les aurait trahis. Geneviève esquissa un sourire de carnivore. La ligue ne serait certainement pas ravie d’apprendre qu’un traître vivait dans ses rangs. Elle n’avait plus qu’à en tirer profit.

De toute évidence, échapper aux flics relevait de l’exploit olympique. Inutile d’alourdir son statut de suspect en tentant de s’enfuir. Elle devait être plus maligne qu’Armand et lui faire croire qu’il menait la danse. Il lui fallait surtout une aide extérieure pour enquêter en sous-marin et tenter de démasquer la taupe au sein de la L.I.S. Qui de plus légitime qu’un auteur à succès pour endosser ce rôle ? Elle prit son téléphone et chuchota dans le micro. « Allo, Claude ! Ça te dirait d’asseoir ton trône de roi du thriller ?» Quelques instants plus tard, elle tira la chasse d’eau et se rendit au salon. Il ne lui restait plus qu’à être patiente.

Chapitre 17

Changement de programme !

 

Lolo Brodeuse

 

Geneviève posa son téléphone sur son guéridon. Elle tenta de reprendre ses esprits et d’avoir l’air le plus naturel possible face à ces deux policiers plantés au milieu de son salon, et qui attendaient avec impatience qu’elle s’explique sur son entretien téléphonique avec Elias Armand.

« Messieurs, pour en revenir à l’objet de votre visite, en effet j’ai discuté au téléphone avec Mr Armand. Il souhaitait connaître mon avis sur le manuscrit qu’il m’avait déposé et pour lequel je ne lui avais pas encore fait de retour. Pour tout vous dire, Mr Armand est un homme assez imbu de sa personne, qui se croit toujours le meilleur. Il accepte très peu la critique et surtout de devoir modifier certains passages de ses manuscrits. Ce fut l’objet de notre dernier entretien où il a enfin pris conscience que d’éventuels changements seraient nécessaires, afin que je puisse procéder à sa publication.

 – Savez-vous si Mr Armand possède un autre téléphone ? Personnel, peut-être ?

 – Non, pas du tout. Nous ne sommes pas intimes et n’avons que des relations strictement professionnelles !

 – En êtes-vous bien certaine, Mme Van Landuyt ? Nous avons fait des recherches sur les différents appels téléphoniques passés et reçus, et avons remarqué que votre numéro revient très souvent, parfois en plein milieu de la nuit alors que vous affirmez que vos relations sont purement professionnelles. De même que cette photo retrouvée dans les affaires de Mr Armand, datée du 9 janvier 2010, sur laquelle votre attitude prouve le contraire. Votre trouble lorsque vous vous êtes retrouvée face à nous tout à l’heure nous laisse penser que nous n’étions pas les bienvenus. Vous allez nous suivre et nous allons continuer notre entretien dans mon bureau au poste de police. Si vous coopérez, nous ne vous retiendrons pas longtemps. La balle est dans votre camp. À vous de voir, chère madame. »

Geneviève ne savait que répondre. Elle ne pensait qu’à une chose, ce temps qui passait à une vitesse folle. Il ne lui restait que 40 minutes pour déposer son butin à la L.I.S. avant qu’elle ne soit, elle aussi, visée par une « mort par gangrène initiée au niveau des parties génitales ». Elle obtempéra car il fallait absolument qu’elle sorte le plus rapidement possible de cet appartement et qu’elle arrive à semer ces policiers bien trop collants. Direction la L.I.S. Impossible, cependant, d’emmener son sac de voyage, trop lourd et trop dangereux. En quelques secondes, ses clés en mains, elle se précipita hors de l’appartement en claquant la porte derrière elle et en enfermant les deux policiers à l’intérieur.

 

Chapitre 18

Tel est pris…

 

Clarence Pitz

 

« C’est bien, darling. Tu as été parfait. Dommage que Geneviève ait raccroché si vite. J’aurais tant aimé qu’elle entende la suite… »

Elias Armand frémit au son de la voix doucereuse et traînante de la femme qui lui murmurait ces mots à l’oreille, caressant sa joue de son souffle chaud et titillant ses narines de son haleine fruitée. Nu, couché sur le dos, bras et jambes écartés, solidement attaché à la structure d’un lit à baldaquin au beau milieu d’une chambre de style gothique, il se maudissait d’avoir été dupé. Cette femme à la peau de porcelaine et au corps sculptural de korè grecque n’était qu’un vulgaire mais splendide piège à lourdaud. Et il avait été encore plus stupide et affamé que d’habitude.

Il sentit une main affectueuse lui triturer les cheveux tandis qu’un rire moqueur se répandit dans la pièce, se répercuta sur les murs écarlates et se mua en une litanie diabolique qui résonna dans son crâne encore légèrement embrumé par des vapeurs de chloroforme.

Puis les ricanements cessèrent et la voix reprit, tendre et taquine.

« Ne t’inquiète pas, darling, tout va bien se passer. Barbara A. va s’occuper de toi. Cette brave Geneviève a demandé que je te prive de ce que tu possèdes de plus cher. Et tu as beaucoup de chance car je suis experte dans ce domaine. »

Elias se raidit, donna des coups de reins, se tordit comme un ver, hurla à la mort, mais sa geôlière resta d’un calme olympien. Elle se pencha au-dessus de son visage, planta ses pupilles dans les siennes et lui posa un doigt sur la bouche.

« Chuuuuut, darling ! Cela ne sert à rien de te débattre. Avoir peur est inutile. Il faut craindre ce que l’on peut éviter, pas ce qui est inéluctable », murmura-t-elle avant de commencer à fredonner Une souris verte en brandissant une seringue.

Elias cessa alors de crier, bercé par la mélodie hypnotique de la comptine et pétrifié par la piqûre de l’aiguille fichée dans sa nuque.

Quelques secondes plus tard, seuls ses yeux étaient encore capables de bouger et tournaient frénétiquement dans leurs orbites.

Il craignit d’entendre le tintement métallique d’outils de torture.

Il eut peur de sentir l’odeur de la chair brûlée.

Il redouta l’apparition, dans son étroit champ de vision, d’un scalpel ou d’un couteau acéré.

Mais le silence régnait en maître dans la vaste pièce dont il ne voyait plus que le plafond mouluré et décrépi. Les minutes lui parurent une éternité, prisonnier d’un poison qui l’emmurait dans son corps.

Soudain, il fut pris d’une douleur insoutenable au niveau de l’entrejambe. Il devina une morsure ou un pincement diffus, comme si ses parties intimes étaient écrasées par une pierre ou coincées dans un étau.

« Alors, mon chaud lapin ? ça fait du bien, un petit coup de froid, non ? Rien de tel que la glace carbonique pour remettre les idées en place. Promis, une fois la nécrose installée, tu ne sentiras plus rien du tout. »

Je ne sais pas vous mais moi je veux connaître la suite maintenant ?

Alors à  très vite pour la suite de la saison 2 de notre cadavre exquis

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