Exquis Cadavre exquis saison 2 : Un pacte sinon rien, la récap. livre 7

Allez, pour vous qui avez loupé un chapitre, voici le septième récapitulatif des derniers épisodes de notre nouveau cadavre exquis

L’idée avait le mérite d’être simple : liquider son auteur-vedette pour transformer en best seller son dernier manuscrit totalement délirant.
Geneviève V. n’avait plus qu’à trouver le bon tueur. Mais à jouer avec le feu on risque de se cramer les doigts, et tout le reste. L’éditrice n’avait pas prévu de croiser la route de son ancien tortionnaire ni de réveiller le Jaguar. Dans l’ombre un concurrent sadique attend son heure…

Ici retrouvez la première récap, livre 1 les 8 premiers chapitres.

Et là la deuxième, livre 2 chapitres 9 à 18

Ici la troisième, livre 3 chapitre 19 à 31

 la quatrième, livre 4 chapitre 32 à 48

le livre 5 de 49 à 60 ICI

Et le 6 de 61 à 76 ci après

Que les épisodes commencent !

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 77

77

Traîtrise

 Lucienne Cluytens

 

Danielle dévisagea le King sans sourciller bien qu’elle se sentit dans ses petits souliers. Il arborait un air des plus méfiants et c’était pas peu dire.

Obtenir un rendez-vous avait été une vraie gageure mais quand on est une flingueuse, on a du répondant.

– C’est quoi votre problème avec Geneviève et Vic ?

– Je vous l’ai dit. Vic me met sur la touche. Je la soupçonne de vouloir se débarrasser de moi. Et j’ai peur qu’elle m’applique la solution finale, si vous voyez ce que je veux dire.

– Pourquoi ?

– Je connais trop de choses de ses affaires. Et puis euh…

– Allez-y !

– Elle m’a piquée mon mec. Gratuitement. Juste pour me prouver qu’elle pouvait le faire. Et après, elle l’a jeté comme une vieille chaussette. Et ça, ça ne se pardonne pas.

– Et Geneviève ?

– Celle-là je m’en fous. Mais j’ai entendu dire que vous vouliez les deux. Je vous les offre sur un plateau. Elles seront ensemble ce jour-là.

– Juste pour une vengeance de femme jalouse ?

– Non bien sûr. J’ai besoin d’un million d’euros.

– Besoin ?

– Besoin urgent.

– On peut savoir ?

– Non.

– Je ne marche pas. Votre combine, c’est du bidon.

– Pas de problème dit Danielle en se levant de son siège, j’irai voir ailleurs. Vous n’êtes pas le seul à vouloir vous débarrasser de ces deux femmes. J’ai déjà pris contact avec l’ADN.

Elle se mit en marche vers la sortie en prenant son temps mais pas trop. Et se retrouva dans le couloir de l’hôtel. Des picotements insoutenables montaient de ses reins jusqu’à la nuque. Allait-il envoyer ses sbires pour la flinguer ici ou plus tard, dans la rue ?

Alors qu’elle attendait l’ascenseur, la voix du King l’interpella avec rudesse du bout du couloir :

– Revenez !

Docile, elle s’exécuta en dissimulant le sourire de satisfaction qui lui montait aux lèvres. Il avait mordu à l’hameçon, maintenant elle en était sûre.

  – Je vous préviens que si c’est un piège on ne retrouvera jamais les morceaux de votre joli corps. Alors, c’est où et quand ?

– La moitié de la somme d’abord, comme pour toute bonne transaction qui se respecte. Et dans 36 heures, les coordonnées suivront. Vous pourrez envoyer vos sbires. Ha, ha, ha !

– Qu’est-ce qui vous fait rire ?

– Vos bras cassés. Pas brillant le Ellroy ! Et l’autre, la Gardner…

– Je superviserai le boulot en personne.

– Dans ce cas, je reviens sur ce que j’ai dit. Vous aux commandes, je doute que ça foire.

Elle faillit en rajouter une louche dans la lèche mais elle se contint. Il s’était déjà levé et revint avec un sac bourré de dollars qu’il jeta sur les genoux de Danielle. Celle-ci se leva et sans rien ajouter quitta les lieux. Vic sera contente, tout se déroulait comme prévu et le King finirait par cracher le morceau sur le démon qui manipulait toutes ces marionnettes.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 78

78

Ne m’appelez plus jamais France

 David Smadja

 

« Oui Clarence… C’est parfait… Merci pour ces précieuses informations… Héhé, tu les as tous roulés… L’argent t’attend sur le compte offshore ouvert à ton nom… Je te laisse, j’ai encore beaucoup à faire… Non, t’inquiète, le dénouement est proche… Plus que vingt chapitres au maximum et je te verserai le solde… Bien sûr le double de ce que tu as déjà touché, c’est ce qui était convenu… Allez, à plus ! »

Claude France était hilare, son plan fonctionnait à merveille. Le cerveau, the brain, le mastermind, el jeffe, c’était lui. A chaque fois qu’une des parties ou organisations concernées par ce Blitzkrieg littéraire mondial se référait à un « prétendu » chef mystérieux à qui il fallait rendre des comptes, il en était l’initiateur, l’instigateur, la genèse. A chaque fois. Avec un pseudo différent, une origin-story différente, un déguisement digne des plus grands maquilleurs de cinéma, il manipulait les âmes en poursuivant un unique but : gravir le sommet de la chaîne alimentaire littéraire en éliminant toute concurrence. A la fin, il n’en resterait qu’un, l’Highlander des cimes littéraires, le Terminator du verbe, le vendeur de soap-polars à licence : LUI. CLAUDE FRANCE.

Au fil des années, il avait tissé sa toile démesurée dans le seul but de tout faire péter. Ah, il avait dû en user d’astuces et d’artifices, se salir les mains aussi souvent qu’il le fallait. Il avait fait des promesses, juré des fidélités, trahi des amitiés mais au final qu’importe…  Son objectif ne souffrait aucun sacrifice. Il avait orchestré l’attentat de la librairie, manipulé la croisière s’amuse des auteurs en mal d’inspiration, fait couler leur bateau, noyauté la L.I.S., KFC et autre ADN ou AFP, utilisé la technologie de la brigade des affaires étranges et littéraires pour espionner tout ce beau monde, provoqué un supposé un tsunami dans la tête de cette pauvre Geneviève et tenté de se débarrasser au passage de Geneviève, Vic, Noémie, David Longneck et consorts, toute cette engeance d’insectes qui grouillaient à ses pieds. Sans succès, il lui fallait bien le reconnaître mais avec suffisamment d’intelligence pour embrouiller son monde.

Et ce pauvre Elias Armand, persuadé de tirer certaines ficelles, et dont le soi-disant neveu allait jusqu’à user de surnaturel, n’était que le MacGuffin de ce cadavre exquis, une situation posée là afin que le chaland se concentre ailleurs et détourne les yeux du vrai prestidigitateur, du Méphisto des mots : LUI. CLAUDE FRANCE.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 79

79

Dan

Tugdual Saint-Yves

 

Dan regarda autour de lui, hébété. Du sable, encore du sable ! Il s’était fait rouler ! Ah…non… peut-être pas ? Au loin, un bruit délicieux berça son oreille : le crachotement d’un moteur diesel asthmatique. Yes ! Yes ! Il avait quitté sa putain d’île déserte ! Saloma avait donc tenu parole : il était sur Tahiti. Quelle aventure !

Comme prévu, il avait rejoint la veille au soir, ou l’avant-veille, il ne savait plus trop, Clarence P. Il avait achevé l’ami scandinave que la belle Clarence avait sérieusement entamé. Soit le Viking lui avait fait des propositions trop appuyées, soit il avait oublié de lui en faire. Dan n’avait pas cherché le fin mot de l’histoire. Une fois le Blond égorgé, l’Américain avait commencé le rituel de sacrifice de sa partenaire. Elle l’avait d’abord observé avec des yeux ronds avant de se débattre comme une damnée… s’il pouvait se permettre cette expression. Dès que Clarence P. avait saisi la situation, elle avait appelé une certaine Vic à son secours. Ce furent ses dernières paroles qui terminèrent dans un borborygme à l’hémoglobine. Note de Dan : trouver qui est cette Vic. Dan avait ensuite attendu quelques minutes à l’abri de la forêt. Il avait tout de même évoqué une des créatures les plus puissantes des enfers, et ces gars-là ont souvent le sens de l’esbrouffe. Il scruta l’horizon, prêt à voir un démon débarquer en surfant sur un tsunami, lorsqu’il entendit une voix douce murmurer derrière lui : « tu m’as appelée, je suis venue ».

Effrayé, il se retourna et tomba nez à nez avec une superbe Lolita : un paréo qui couvrait tout juste un corps nubile qu’il devinait parfait, des yeux couleur améthyste, un sourire à la fois enfantin et enjôleur. Dan savait qu’il avait en face de lui le nec plus ultra de la jet set infernale : Saloma, une des préférées de Belzébuth lui-même. Celle qu’il envoyait en mission pour pervertir les hommes les plus prudes ! L’écrivain oublia rapidement son érection naissante pour se concentrer sur sa demande : quitter cette fuckin’ island et partir se venger sur la terre ferme. Elle accepta avec une moue amusée et la négociation commença. Elle dura un gros quart d’heure. Puis, en bons maquignons, ils se serrèrent la main. Le premier objectif assigné à Dan : éliminer la fameuse Vic implorée par Clarence P. Cette chasseuse de démons avait causé un peu trop de soucis aux amis de Saloma. Dans la foulée, il devrait se débarrasser de Patrice G., un autre empêcheur de tourner en rond. Libre ensuite à Dan de s’abandonner à sa fureur comme il l’entendait. En échange, Saloma l’envoyait sur Tahiti, avec des fringues, une arme et un relooking complet : les cheveux, la barbe, la manucure ; Saloma avait même insisté pour lui prodiguer un massage californien et une épilation du torse. Et enfin, cerise sur le gâteau, la démone avait, dans un battement de cils angélique, promis d’éliminer tous les auteurs américains et scandinaves encore vivants sur cette île déserte. Une prestation impeccable, diablement plus efficace que celle du King.

Et Saloma avait joué franc jeu ! Dan se releva, plus souple que jamais grâce aux bons soins de son alliée. Il tiqua juste en regardant ses nouveaux vêtements : un costume en velours côtelé jaune moutarde et des pompes à glands. Saloma s’était quand même un petit peu foutu de sa gueule. Mais vu le reste du service fourni, c’était de bonne guerre. Il fouilla le sac qu’elle lui avait remis : vingt mille euros en petites coupures, un plan de l’île et de ses lieux de fête, un pistolet et ses chargeurs, les adresses de ses cibles. Il était prêt à remplir sa mission. En route vers Papeete ! Saloma l’avait briefé sur cette Vic et sur l’organisation à laquelle elle appartenait. Pas une enfant de chœur, la Vic ! L’Américain avait donc décidé de jouer sa meilleure carte : se présenter comme le gentil Dan, celui dont personne ne s’était jamais méfié. Vic ne verrait pas le coup arriver !  Il s’occuperait ensuite de sa cohorte de groupies ainsi que de Geneviève V. Il mettrait un point final à son aventure tahitienne en rayant Patrice G. de la terre des vivants. Et alors, et alors… direction le Maine pour l’explication ultime avec le King !

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 80

 

 

80

 

IL EST TEMPS DE REMETTRE DE L’ORDRE

 

Ophélie Cohen

 

Il se pencha, regarda au travers des nuages, se redressa et fit le tour de son bureau.

Il triturait sa longue barbe blanche tout en réfléchissant. Comment avait-il pu laisser faire ça ? Il avait voulu croire que les Hommes avaient retenu les leçons du passé, mais ce qui se tramait dans le monde de la littérature noire lui démontrait le contraire. Guerres d’egos, lynchage sous couvert de jeux littéraires, déversement de fiel à peine voilé, meurtres, ça ne pouvait plus durer.

Il s’empara de la cloche en cuivre posée sur son secrétaire en acajou et la remua. Au premier tintement, deux de ses anges apparurent.

« L’heure est grave mes amis, Francis T, ange luciférien et Claude France, un auteur de roman, ont déclenché une guerre des mots. Ils voulaient le roman parfait mais ils n’ont fait qu’élever les plumes du Noir les unes contre les autres. Il nous appartient de remettre de l’ordre et de ramener Bienveillance au centre de cet échiquier démoniaque. On se croirait en pleine partie de Risk avec des règles du jeu encore plus capillotractées !

Mathias, toi qui as le sens de la magie, de l’amour, de la folie douce, j’ai besoin qu’avec un ou deux surprisiers, tu ailles aider Dame Geneviève à convaincre Claude France d’arrêter cette folie. Mets-lui-en plein les yeux et plein le cœur. Rebooste-la et accorde lui trois souhaits pour qu’elle vienne à bout de ce micmac.

Kowak, j’ai besoin de tes talents de spécialiste des urgences en tous genres. Tu iras seconder cette enquêtrice, Vic. Elle me semble de bonne volonté. Souffle-lui les réponses aux questions qui restent en suspens. Mais attention, je compte sur toi pour que cela apaise la situation. »

Les deux anges échangèrent un regard, puis, de concert, hochèrent la tête et s’envolèrent vers leurs missions respectives.

Mains derrière le dos, le grand barbu repris sa marche autour du bureau, attendant impatiemment des nouvelles de ses obligés.

 

***

 

Geneviève sortait de sa douche lorsqu’elle entendit un « pschitt » de l’autre côté de la porte de la salle de bain. Effrayée, elle regarda autour d’elle, paniquée. Aucune arme pour se défendre. Après tout ce qu’elle avait vécu ces derniers jours, elle craignait d’être la prochaine sur la liste de cet imbroglio international. Finalement, son regard se posa sur sa brosse à dents. Une arme certes bien maigre, mais à ce stade de l’histoire, elle n’était plus à une incongruité près.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 81

81

 Interlude intergalactique

 Nils Barrellon

 

Xark se frotta les yeux. Il était tard et la fatigue se faisait sentir. Une vague de découragement le submergea : boucler ce travail universitaire dans les temps lui apparut soudain impossible.

Prak l’avait pourtant prévenu, lui qui avait soutenu sa thèse peu de temps avant qu’il ne commence la sienne : Les différents modes de transmission informels chez les h-Umins de Terra-3, galaxie XX12, et leur approche dans la construction sociale.

« Les h-Umins sont imprévisibles et, je vais te le confier, inintéressants à force de l’être, lui avait dit Prak devant un verre de grok-Po. Ne te lance pas là-dedans, tu as encore le temps de changer de sujet. Pourquoi tu ne te penches pas sur les g-Mulls de Terra-8, galaxie XY7 ? Moi, si c’était à refaire, je t’assure que je n’hésiterais pas. »

Prak ne l’avait pas convaincu et Xark s’était lancé avec enthousiasme dans l’étude de cette espèce située à 400 années-lumière de Fomalhaut A, découverte par Grek P. en 35 072, inconnue du grand public, qui intriguait une frange d’initiés de la communauté scientifique par sa croissance exponentielle malgré une connaissance scientifique proche du néant. L’idée de Xark était simple : injecter un élément dans une zone bien définie et étudier de façon déterministe les apprentissages artificiels collectifs sous leurs aspects dynamiques et structurels.

Créer un h-Umin ne lui avait pas pris plus d’une semaine, leur structure organique s’était avérée plus simple encore qu’il ne l’avait cru. L’envoyer sur Terra-3 galaxie XX12 n’avait pas été plus compliqué. Son élément en place, il avait commencé ses observations. Et quelle ne fut pas sa surprise, dès les premiers temps, de constater que Gé-ork – le nom qu’il lui avait donné pour s’amuser – ne se déplaçait selon aucune des grilles sur laquelle il s’était attendu à la voir évoluer. Et depuis il s’acharnait à vouloir modéliser ses déplacements sans aucun succès. Pas la moindre de ses équations ne s’était révélé efficiente. Les effets de bords étaient si nombreux qu’il lui semblait que son étude n’avait pas de centre, particulièrement ces derniers jours où son cobaye s’agitait dans un imbroglio inimaginable.

Jamais il n’aurait pu imaginer que cette satanée Gé allait le faire tourner en bourrique ainsi.

Malgré tout, ses surprenantes tribulations ne cessaient de le passionner et il avait hâte de voir comment elle allait se sortir de la situation dans laquelle il l’avait fourrée.

Xark avait juste besoin d’une bonne nuit de sommeil, demain il aurait de nouveau foi en lui et en son cobaye. Il éteignit le télescope RMN à balayage quantique et sortit de son labo.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 82

 

82

 Une putain de guéguerre

 Gwendoline Weiss

 

 

Une main sous le menton tel le Penseur de l’illustre Rodin, Sharko faisait chauffer ses méninges de bon matin, une tasse de café fumant greffée à sa main droite.

Les yeux rivés à son smartphone, Frank attendait l’appel de son « potollègue » Tomar. Les deux flics avaient bouclé deux enquêtes de grande ampleur, il y a plus ou moins un an de cela. Une histoire de transhumanisme à consonance italienne pour l’un et un étrange suicide aquatique pour l’autre… Depuis, la routine, rien de bien intéressant à se mettre sous la dent. Ce qui n’est pas plus mal, dira-t-on, mais bon, ces deux ours ont besoin d’adrénaline. Le terrain, le sordide, leur dope.

Depuis que Lucie et Rhonda leurs épouses respectives se sont rapprochées, les deux compères collaborent davantage ensemble sur cette affaire de disparitions d’auteurs du Noir, d’attentat, et tutti quanti…

Tintintiiin (résonnent les premiers accords de « Smoke on the water », sonnerie attitrée à Tomar).

 

« — Tomar, enfin ! Tu fous quoi merde ?

 

— Salut Frank ! Calmos mon pote, il est 6 h 38, j’te rappelle que ça fait trois semaines que je prends des nouveaux cachetons pour ma tête et que depuis je dors comme un bébé. C’est Rhonda qui a déboulé dans la piaule pour me libérer de Morphée, ça va être coton pour les enquêtes à venir …. T’as l’air tendu… j’t’écoute…

 — Je pense avoir pigé un truc… Mais d’abord, écoute-moi. Bernard nous a expliqué les tenants et les aboutissants. C’est allé trop loin, beaucoup trop loin. Tout ça pour une putain de guéguerre : littérature noire, littérature blanche, littérature française, américaine, nordique, écrivaines, écrivains. Bordel, à eux ils forment un microcosme de tout ce qu’il y a de plus pourri dans le monde. Les femmes VS les hommes, une nation contre une autre, une couleur face à une autre. Constamment opposer, jamais unifier. C’est à….

 — Gerber ouais, je sais. Pourtant ils pourraient s’estimer heureux les cocos, tant qu’il y a encore du monde pour ouvrir un bouquin, qu’est-ce qu’on en a à foutre du reste ?

 — Justement, c’est là qu’est la clé de l’Histoire. Ce microcosme littéraire transposé à la vie…. Qu’est-ce qui régit la vie, les Hommes ? L’amour chez les Bisounours, et la thune chez les Hommes.

 — Optimiste mon gars….

 — Attends, attends ! L’argent — Roi. Cette histoire est partie d’où ? De Ge, cette éditrice aux crocs acérés prête à tout pour se faire le max de blé. Sa réputation, sa fierté, son argent… qu’elle doit en grande partie à Claude France, l’auteur des best-sellers, tu saisis ?

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 83

 

83 

Adieu huîtres, coquillages et crustacés

Sébastien Vidal

 

 

Impliqués, tendus, durs sur l’homme, mais avec l’envie constante de rendre justice, Sharko et Khan avaient la certitude que cette affaire sentait mauvais. Si cette caste d’auteurs se dézinguait tous azimuts, l’attentat de la librairie avait coûté la vie à des innocents, coupables tout au plus d’apprécier la lecture. Et c’est précisément cela qui les a poussés à se casser les dents sur cette histoire. Pour que ces crevures croupissent en prison. Pour ce bébé, sa maman et tous les autres.

—          Optimiste mon gars….

—          Attends, attends ! L’argent-Roi. Cette histoire est partie d’où ? De Ge, cette éditrice aux crocs acérés prête à tout pour se faire le max de blé. Sa réputation, sa fierté, son argent… qu’elle doit en grande partie à Claude France, l’auteur des best-sellers, tu saisis ?

—          Oui, je m’étais documenté sur lui, il est pas clean le type. Il baigne dans pas mal d’affaires foireuses. Une certaine Noémie m’a donné quelques tuyaux. C’est un malade, prêt à tout pour être numéro 1. Il veut même écraser l’auteur aux couvertures colorées avec des chatons et le Normand fan de CharlElie Couture.

Franck frappa sa tasse contre la table, renversa un tiers de son breuvage et lança :

—          Voilà ! Et tu ne trouves pas étrange qu’on ait retracé des appels téléphoniques entre Ge et cet enfoiré ?

—          Bordel ! Qui ?

—          Marion, Tomar, c’est Marion ! Je t’avais dit qu’elle était capable de tout hacker et de rentrer dans un téléphone à des milliers de kilomètres. Ce qu’elle a découvert est limpide. Claude et Ge se sont contactés à plusieurs reprises. Claude France est vivant. Il a survécu et il connaissait l’issue tragique de cette croisière. La Ge semblait totalement dépassée par les événements. Ça a pris une ampleur qu’elle n’aurait jamais soupçonnée, mais clairement, elle a allumé la mèche. Elle qui pensait pouvoir s’enfiler des bourriches d’huîtres à tire-larigot… elle va en bouffer des oranges. Et tiens-toi, on les a géolocalisés ! Y a 25 000 équipes sur le coup, mais ce sont nos gars qui attendent le feu vert….

—          Bien jouer Sharko ! On va les cueillir comme il faut ces deux-là et on va dérouler la pelote. Parce que si ces deux marioles ont lancé les hostilités, y en a qui ont soufflé sur les braises pour que ça enflamme toute la sphère littéraire. Ah encore une chose Frank, cette histoire d’Elias T, elle touche un peu trop au surnaturel pour moi, on laisse Vic et ses copines gérer. Et pour le coup elles gèrent parfaitement bien ! »

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 84

84

Le chasseur

Sébastien Vidal

 

Les sommets déchiquetés plantaient leurs crocs acérés dans les nuages obèses qui s’accumulaient à perte de vue. C’était une matinée humide, avec une légère bruine qui épousait les arbres comme un voile frais. Hector se tenait assis à une table de sa chambre d’hôtel. Un brin hiératique, il nettoyait avec une grande méticulosité les pièces de son pistolet semi-automatique et son silencieux. Il procédait toujours de la sorte. Entretien de l’arme avant l’exécution d’un contrat, et nettoyage juste après. Toujours prendre soin du matériel. Hector était du genre prudent, il avait sur lui une arme de secours, au cas où et pour être en mesure de réagir si on tentait de l’éliminer au moment où il nettoyait son arme de prédilection. Quand il se couchait, il déplaçait le matelas du lit et dormait devant l’entrée, la tête quasiment contre le bas de porte. Avec ses deux flingues proches des mains.

La culasse claqua deux fois et il passa un chiffon propre sur le pistolet. Un soupir s’échappa de ses poumons et il s’étira. C’était l’heure de faire ses pompes. Les guignols des salles de sport appelaient ça des « appuis faciaux ».

Hector vivait de son arme comme certains vivent de leur plume. Il était devenu une sorte de légende chez les flics et les agences d’état. Visage inconnu, empreintes jamais trouvées, pas d’ADN à se mettre sous la dent. Un courant d’air. Ils lui avaient trouvé un surnom, « Le chasseur », à cause de sa manie de laisser sur sa victime ou alentour une phrase tirée de l’œuvre du chanteur Michel Delpech. Deux heures avant, il avait laissé sur le corps inerte de Geneviève, ces quelques mots : En vérité, je vous le dis, il faut profiter de la vie. Geneviève n’avait rien vu venir, à peine ses yeux avaient-ils exprimé de la surprise, ou de la circonspection. Puis le silencieux avait parlé, une fois, entre les deux yeux. Propre, net et sans souffrance. Ellroy et son acolyte n’avaient pas souffert non plus, le grand à la chemise à fleurs avait juste eu le temps de dire « shit ! ». Il était passé comme une ombre, ses pieds s’enfonçant à peine dans l’épaisse moquette, juste suivi par un souffle à peine audible, peut-être celui de la mort. La personne qui l’avait engagé lui avait fourni une longue liste de cibles, la plus longue de sa belle carrière. Il avait, outre Gé et les deux Yankees, liquidé Vic et les autres « flingueuses », le pauvre Dan aussi, Claude France, Jean-Luc B et ce type avec ce bonnet vissé sur la tête. Mais il restait du boulot…

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 85

 

85

Hector

Didier Fossey

 

Hector, le chasseur, était arrivé la veille, directement depuis Paris. Il avait reçu le code sur sa messagerie privée, « Mets ton doigt là où j’ai mon doigt ». Donc celui ou celle qui le contactait avait l’aval de monsieur Antoine, c’est tout ce qui lui importait.

La procédure voulait qu’il contacte son patron par messagerie sécurisée, ce qu’il avait fait. Les ordres étaient clairs, il fallait faire le ménage dans le monde du polar, un grand ménage, nettoyer, karcheriser tout ça, repartir à zéro, avec des plumes nouvelles qui n’avaient jamais sévi.

La liste qu’il avait reçue était longue, toutes les forces vives du polar devaient disparaitre, y compris le King. Il n’était pas trop d’accord là-dessus, mais les ordres étaient les ordres, alors il s’y conformerait.

Il avait débarqué en plein tsunami, enfin au lendemain plutôt. Le chaos était partout, ce qu’il l’arrangeait bien.

Il s’était mis au boulot, aussitôt, il avait commencé le nettoyage, ça n’allait pas tarder à bruisser dans les coulisses des maisons d’édition et le landerneau littéraire.

On frappa à la porte de sa chambre, il se saisit de son arme, demanda ce qu’on lui voulait.

 – Room-service, monsieur

Il enfila son sweat à capuche, ouvrit la porte, laissa entrer le garçon.

 – Vous aviez commandé une douzaine d’huitres avec un Viognier, malheureusement on n’a plus d’huitres et il nous reste juste du Chardonnay.

 – Oui et ?

 – On a remplacé les huitres par une assiette de charcuterie.

 – C’est inadmissible, que se passe-t-il ?

Le tsunami, monsieur, il n’y a plus rien.

 – C’est pas grave, laissez cela.

 

La porte refermée, il contempla les trois tranches de saucisson et celle de jambon cru, pompeusement baptisées « assiette de charcuterie ». Il la balaya du chariot, elle alla se fracasser contre le mur, se servit un verre de Chardonnay, qu’il dégusta doucement.

Le chasseur était en colère, tant pis ou tant mieux, plus d’états d’âme. Il enfila un blouson de cuir sur sa chemise à fleurs, après avoir ajusté le holster. Il glissa sa deuxième arme dans son dos, coincée dans la ceinture de son pantalon. Avant de sortir, il se regarda dans la glace, se fit le regard de tueur en colère qu’il affectionnait particulièrement.

Un message à monsieur Antoine, sur le téléphone prépayé dédié — « On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre » — afin de lui signifier que la mission continuait.

Il sortit, l’hécatombe pouvait se poursuivre.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 86

86

 Du rêve à la réalité

 Babou Sarplaninatz

 

 

Deux jours qu’elle faisait le même rêve, que dis-je le même cauchemar, il y avait de quoi s’alarmer.

Deux nuits où lui apparaissait le grand plan, deux nuits où tout s’éclairait, où peut-être elle entrevoyait son futur. Geneviève, une nouvelle fois, se réveilla en sursaut. Si elle l’avait bien rêvé alors cet Hector, il devait exister quelque part, il avait tout d’un être de chair et de sang.

Et puis ce rêve récurant où revenait cette histoire de tsunami. Ce tsunami qui n’avait existé que dans sa tête, il existait aussi maintenant dans ses rêves. Cette hallucination si puissante qu’elle l’avait vécue comme la réalité, elle en avait gardé des séquelles physiques, quelques beaux hématomes et autres égratignures marquaient encore son corps. Quelqu’un l’avait droguée à son insu, l’avait sans doute envoûtée et voilà que maintenant cette catastrophe prenait vie dans ses rêves. Non c’était plus possible. Elle avait l’impression de ne plus rien maîtriser de sa vie d’avant, un peu comme si elle était une marionnette aux mains d’un créateur un peu fou.

Qui pouvait ainsi la manipuler ? Qui avait intérêt à jouer avec elle et se jouer d’elle ?

Depuis quelques jours, elle se sentait observée. Épiée comme si un écran géant était braqué sur elle. Un truc à la Big Brother puissance dix.

Parfois, même, elle ne se sentait comme un pion que l’on manipule, un cobaye de laboratoire.

 – Je deviens folle, ce n’est pas possible, ou alors si je ne le suis pas encore je vais le devenir.

Geneviève en était là de ses réflexions quand son smartphone vibra. Si tôt le matin, ça ne pouvait être que Vic. Mais que lui voulait donc encore la détective littéraire ? Avait-elle de nouvelles infos à lui communiquer ? Elle prit son téléphone découvrit le texto de Vic. Celle-ci lui expliqua que les choses s’accéléraient, qu’elle avait mis notre éditrice sous bonne garde. Des hommes en noir assuraient sa protection. Elle ne devait donc pas s’inquiéter si, à son réveil, elle trouvait des types surentrainés et suréquipés autour de sa résidence. Ge appela Vic sur le champ. Celle-ci lui avoua que depuis un petit moment, elle aussi se sentait en danger. Elle prenait la menace au sérieux. Et pour l’occasion, l’Agence avait déployé les grands moyens. Même des doubles maléfiques avaient été créés. Vic, Ge et chaque flingueuse avaient le leur. Mais malheureusement ces doubles avaient été retrouvés morts. On les avait abattus de sang-froid. Du travail de professionnel, et pas n’importe lequel, un pro ! Le point positif était que le tueur les croyait toutes mortes. Et en cela, elles avaient un coup d’avance.

À ces révélations, Geneviève fut saisie d’effroi. Visiblement son cauchemar prenait vie dans la réalité.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 87

87

Repos !

 

Jeanne Faivre d’Arcier

 

Geneviève V. en avait ras la casquette de ces histoires de meurtres et de disparitions d’écrivains que les plus folles rumeurs lui attribuaient. De la pure jalousie, ce cirque. Beaucoup de concurrents lui en voulaient à mort parce qu’elle était devenue une éditrice star en fabriquant de toutes pièces un auteur de bêtes célèbres — pardon de best-sellers. Elle prenait coup sur coup, il ne se passait pas une journée sans qu’un nouveau drame se produise. Elle en avait même été réduite à se cacher derrière son rideau de douche et à se défendre contre un agresseur invisible, armée de sa seule brosse à dents, c’est dire ! Heureusement le premier tueur venu la liquider n’était en réalité qu’un kangourou distrait qui avait confondu la Polynésie avec l’Australie et le jacuzzi à jets bouillonnants de sa suite avec l’océan indien. Il s’était excusé de l’avoir dérangée, ils avaient chaussé leurs patins à roulettes et rejoint le port de Papeete où il avait embarqué sur un cargo qui prenait la direction de son pays natal. Les choses étaient rentrées dans l’ordre, après moult embrassades : comme le Russe, le kangourou a l’âme sentimentale. Puis un autre cinglé nommé Hector ou « le Chasseur » s’était présenté et l’avait zigouillée à bout portant. Il ne s’était pas aperçu que c’était un leurre à son effigie qu’il braquait et que c’était son double qu’il avait flingué entre les deux yeux. Heureusement que Vic l’avait envoyé sur une fausse piste celui-là !

Le chasseur envolé, ses ennemis croyant qu’elle bouffait les pissenlits par la racine, elle a changé d’hôtel et s’est claquemurée au fond de sa chambre. Elle a fait couler un bain brûlant, elle a commandé une bouteille de Chablis et deux douzaines d’huîtres au room service. Elle a décidé qu’elle n’était plus là pour personne. Elle est pénarde. Du moins pour l’instant…

Elle s’allonge dans l’eau chaude, termine ses huîtres, installe une tablette en bois sur les rebords de la baignoire, place devant elle un carnet et un stylo, ferme les yeux et sirote son vin. Elle imite Agatha Christie qui écrivait ses livres dans son bain. (L‘auteur de ce texte avoue ignorer si Agatha se tapait ou non du Chablis durant ses séances de travail, mais pourquoi pas après tout).

Geneviève vient d’avoir une idée géniale : envoyer aux pelotes Claude France et autres plumitifs qui se prennent tous pour Balzac, Faulkner et Pavese réunis et les écrire elle-même, ces bêtes célèbres. Plus de caractériels, d’hystériques ou de bipolaires à gérer à la schlague ou aux câlins, plus d’insomniaques à rassurer la nuit au téléphone, plus de placebos à administrer à des hypocondriaques en crise.

 Le rêve !

Pourquoi n’y avoir pas pensé plus tôt ?

Maintenant il ne reste qu’à le trouver le sujet de ce bouquin…

Fastoche, hein ?

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 88

 

88

« Putain Hector, c est quoi ce bordel ? »

 Isabelle Villain

 

Le chasseur jeta un œil sur son portable alors qu’il réfléchissait aux dernières paroles qu’il allait bien pouvoir poser sur les corps de ses prochaines victimes : On dirait que ça te gêne de marcher dans la boue…. c’était bien, c’était chouette…

Il était un fan de Delpech depuis l’enfance. Pas certain que le chanteur ait été ravi de voir ses chansons apposées sur des corps ensanglantés, mais bon le type est mort et enterré depuis des années alors…

Un bip… un deuxième bip… qui peut bien le harceler de la sorte et à cette heure de la journée ? Ils savaient pourtant tous bien qu’avant 10 heures du matin et sans sa dose de caféine, il était aux abonnés absents.

 

« Putain Hector c’est quoi ce bordel ? »

À la lecture de ces quelques mots, une certitude, son client était de très mauvaise humeur. Pourtant il avait bien fait le job. OK, il lui restait encore des noms sur cette fichue liste, mais il avait tout de même liquidé les neuf premières cibles dont Ge, qui ne fut pas la plus simple à zigouiller d’ailleurs. Neuf cibles en l’espace de deux jours, franchement quel patron pouvait bien avoir quelque chose à lui reprocher ? Il avait toujours effectué le boulot proprement, sans se planter, sans se faire chopper, sans laisser de traces… bref un chasseur nettoyeur digne successeur de Victor ou de Léon, les héros des films de Besson. Il n’appréciait donc que très légèrement cette agression gratuite. Il hésitait d’ailleurs à répondre quand soudain son portable retentit. Ce n’était pas le patron, mais une voix de femme. Noémie, la douce et belle Noémie qui se révélait depuis le début de cette histoire de dingue être la pire des salopes.

 – Hector, tu as totalement merdé. On te paie une somme délirante et toi tu fais quoi ? Tu butes les mauvaises personnes.

 – Comment ça les mauvaises personnes ? J’ai rempli mon contrat. J’avais les adresses, les photos. Je t’assure que je ne me suis pas trompé de cible. Je fais ce job depuis 15 ans. Jamais une seule erreur. Un CV sans la moindre tâche.

 – Et bien mon cher Hector, Il y a un début à tout. Tu as buté leurs doubles maléfiques, des sosies quoi. Tu t’es fait berner comme un putain de débutant. Et je peux t’assurer que monsieur Antoine est furieux. Et quand monsieur Antoine est furieux, ça va barder pour ton matricule si tu ne redresses pas rapidement la barre.

Hector a raccroché. Contrarié. Humilié même… il ne voyait pas comment il allait pouvoir se sortir de ce bordel.

Bip… bip… un nouveau message. À la lecture du SMS, Hector restait bouche bée. Stupéfait. Décontenancé pour la première fois de sa vie.

« Vous êtes dans la merde, et je peux vous aider. Que diriez-vous de devenir ma source d’inspiration ? Ge »

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 89

 

89

Quand la mort parle, la vie écoute

 

Patrice Guirao

 

Ici, le futur s’installe et les cadavres paressent. Allongés sur l’herbe autour de l’autel qui se dresse au creux de la vallée. Ils attendent. Ils ont entre les mains des bouts d’éternité dont ils ne savent que faire. Ils ne se parlent pas. Les flamboyants rouges se penchent sur leur destin commun et couvrent les pierres rondes du marae d’une ombre fraiche et flottante. Le ciel est à l’abri. Le silence veille. Les cadavres attendent de prendre mort. Prêts au voyage. Ils ignorent de qui ils seront les pirogues, mais ils savent qu’ils traverseront tout l’océan avec une âme à bord. Il leur arrive de tourner leurs visages inertes vers le miroir sans tain qui les séparent de l’autre monde, celui des vivants.

  Les enveloppes mortuaires des doubles de Geneviève et Vic,  celles de Claude, le King et les autres se prélassaient encore sous les arbres. Elles partiraient elles aussi comme les autres avec leurs âmes. Question de temps. Pas un ne survivrait. Cadavres et derniers souffles s’uniraient ici.

 Les vivants ont un tragique besoin de logique. De causes et d’effets. De réalité supposée. Une hécatombe d’auteurs comme celle qui avait cours aurait dû trouver une justification accessible aux hommes. Cette fois-ci, il n’y en aurait pas. Tant pis pour la raison.

Ainsi en a décidé la mort.

Et s’il y a une chose que personne ne peut contrôler, ni le grand architecte, ni la prétention de la vie où qu’elle soit apparue dans l’univers, c’est bien la mort.

Elle n’a besoin de personne pour gérer son cheptel. Elle joue et se joue des apparences et du besoin de compréhension des hommes. Cette fois, c’est le grand ménage. Elle a changé de paradigme. Cela devait arriver. La mort était lasse de la manière dont elle était perpétuellement traitée par cette génération d’auteurs de tous horizons. La décision d’en finir avec eux et ceux qui les cautionnaient et les mettaient en avant avait été prise. Définitive. Il était temps qu’on l’aime, qu’on la loue, qu’on lui rende son humanité, qu’on lui rende hommage, qu’on ne la craigne plus, qu’elle ne soit plus considérée comme un paria, une pestiférée, comme une tragédie.

Quand tout sera fini, alors viendra l’ère du renouveau.

Toutes ces guirlandes de lumières qui dansent dans les fougères, comme des perles de soleil dans la rosée et qui se laissent parfois surprendre furtivement par les regards, quittent leur nid chaque jour. C’est de ces perles que naissent ceux que la faucheuse a choisis pour donner vie à son projet. Ce sont les hommes et les femmes qui viendront bientôt apporter un souffle nouveau à l’histoire de la mort. Certains sont déjà au travail. Inconnus. Ils écrivent dans leur solitude, d’autres grandissent, d’autres encore sont dans les utérus et arrivent sur terre. Autant d’auteurs qui ne courront plus vers la gloire, mais qui se mettront humblement au service d’une cause. La seule qui vaille : l’amour. L’amour de l’inéluctable fin sous toutes ses formes. Ce sont eux qui donneront aux générations qui arrivent une autre image de la faucheuse. Qui feront que l’on mourra dans la joie et plus jamais dans l’horreur et la peur. Que le sang sera symbole de bonheur. Des millions de livres comme des millions de messages qui diront à l’humanité combien il est doux de mourir, quelle que soit la façon dont on meurt. Les mots vont prendre des sens inattendus, on parlera de crime comme l’on parle d’amour, les violences d’aujourd’hui seront les caresses de demain, la haine sera la nouvelle tendresse. Tout cela n’est qu’une question de conventions. Le monde que la mort prépare aux vivants sera tellement plus serein. Tellement plus reposant loin des peurs que les auteurs véhiculent dans leurs écrits. La vieille garde des auteurs doit disparaitre. Leur extermination systématique est en cours. Irréversible.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 90

 

90

Au suivant de ces messieurs-dames (comme un hommage à San Antonio)

 

Eppy Fanny

 

Hector vient de raccrocher.

Elle lui propose de poursuivre le grand nettoyage à son compte et en épargnant ses fidèles Flingueuses. Il peut s’en accommoder. Tant qu’il encaisse largement. C’est qu’elle est généreuse, l’éditrice. Puis cerise sur la gâteau, il va enfin pouvoir refroidir cette salope de Noémie. C’est qu’il l’a en travers, la nièce de Monsieur Antoine. Toujours à se prendre pour le boss, le rabaisser. Des années que ça dure et qu’il prend sur lui.  Du coup il fourmille d’idées pour la dézinguer. Ça le fait même bander. C’est dire.

Tout guilleret il se met à fredonner :

Ô La vie la vie la vie la vie
Si belle soit la vie c’est une tombola
Mais la vie la vie la vie la vie
Si moche soit la vie c’est un joli combat

Et reprend consciencieusement le nettoyage de ses armes. Il se récite, tel un mantra macabre, la liste encore longue de ses prochaines victimes, quitte la chambre et retourne œuvrer pour sa vraie patronne : la mort !

 

Pendant ce temps, Geneviève se délecte des dernières huîtres de son plateau. Elle est satisfaite des dernières décisions prises. La mort de Noémie était devenue une évidence. L’éditrice n’est pas dupe. Elle perçoit la rancœur et la colère de son ex-stagiaire derrière les sourires de façade, et le danger qu’elle représente. Il est urgent de lui chanter une « sérénade pour une souris défunte ». La mort de Noémie, accompagnée de la perte de son meilleur porte-flingue, va rendre Monsieur Antoine plus raisonnable. C’est qu’elle a besoin de ses services. Un nombre incalculable des plus grosses ventes de polars est de lui. Et elle veut SON Best-seller. La matière est là, brute : le Chasseur et son talent, toute cette histoire. Seul Monsieur Antoine et sa plume incomparable peuvent en faire un récit qui se vendra sur tous les continents. Et, ironie du sort, ce cher A. est même un des personnages du récit. Geneviève glousse à cette idée en savourant son verre de viré-clessé.

Elle poursuit ses réflexions. Elle vient sauver les miches du Chasseur, mais c’est un métier à risque, un plus jeune, plus doué, œuvre certainement déjà dans l’ombre. Il faut qu’elle le trouve et l’engage avant que Mr A ne se mette lui aussi en quête d’un nouveau tueur. Car dans ce cas, Geneviève n’est pas dupe, son nom ne brillera que dans la rubrique nécrologique.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 91

 

91

 

Le coupe-chou ne sert pas qu’à raser les jambes de Gé

 Sabine Bolzan

 

Perdue dans ses pensées cupides, Gé n’entend pas la porte de sa chambre s’ouvrir. Pourtant, elle grince. Très faiblement. Une oreille en alerte aurait perçu le grincement.

Mais voilà, Gé n’est pas en alerte, elle est même plutôt super détendue dans son bain chaud et moussant. Elle compte mentalement tous les euros qu’elle encaissera grâce à son futur best-seller (ou bête-célèbre). Elle imagine sa robe fourreau mettant ses nouvelles formes en valeur (elle envisage de passer par le bistouri pour être encore plus sublime qu’elle n’est), un beau mec (pourquoi pas deux d’ailleurs ?) lui enserrant la taille et la dévorant des yeux, les flashs qui crépitent et illuminent sa magnifique chevelure rousse (elle se paiera des extensions), les propositions d’adaptation pour le cinéma (et éblouissante comme elle sera, on lui proposera évidemment le premier rôle, elle se voit déjà signer les autographes, elle pourrait même décrocher un César).

Elle monte un plan machiavélique, encore plus machiavélique que les précédents. Maintenant qu’elle a Hector dans la poche, et Noémie bientôt aux royaumes des cieux, elle peut respirer et envisager l’avenir sous des auspices plus… sanguinolents.

« Putain, je suis un génie ! Ceux qui vont rester vont me manger dans la main. »

En parlant de mains, elle regarde ses ongles. « Une manucure ne serait pas de trop. Avec tous ces emmerdes, je me suis rongé les ongles et cela fait négligé. »

Elle attrape son téléphone portable et note dans son agenda électronique d’appeler le lendemain une esthéticienne. Bientôt, elle pourra en avoir une à son service 24 h sur 24 h. 

« Mummm, les massages à la demande ! »

Elle ferme les yeux, laissant son corps et son esprit se détendre. Si elle avait gardé les yeux ouverts, elle aurait pu apercevoir dans la psyché en face de la baignoire l’ombre dans le chambranle de la porte de la salle de bains. Elle aurait vu le scintillement de la lame et le sourire sadique de la personne qui allait la faire passer de vie à trépas.

Gé caresse ses jambes.

« Ah, mais ça pique ! »

L’éditrice a toujours rasé ses guiboles. Avec un coupe-chou. Elle trouve ça super classe. En fait, c’est le coupe-chou de son papa et elle y tient. Elle le déplie lentement et le porte à hauteur de son regard pour l’admirer.

 

Exquis Cadavre exquis Saison 2 Episode 92

 

92

 

L’addition, s’il vous plaît ?

Sacha Erbel

 

Ge dans sa baignoire, la lame de son coupe-chou à hauteur des yeux. Cette lame descend vers son bras sans qu’elle comprenne trop comment et pourquoi, surtout. Cette même lame vient caresser les veines de son poignet. C’est comme si sa volonté ne lui appartenait plus.

C’est quoi ce bordel ? Après l’euphorie, la détermination d’en finir avec tous ceux qui viendraient se mettre sur le chemin de son succès, voilà qu’une pointe d’amertume s’insinue dans son esprit.

Ge la refoule et se concentre à nouveau sur ce double bulbe de poils de ses jambes. Bizarre ! Une étrange dualité vient marteler ses pensées de plus en plus contradictoires. Au lieu de ratiboiser cette saloperie de poil, sa main armée du coupe-chou se dirige cette fois vers son cou sans que son cerveau le commande.

Un coup au cœur, l’impression qu’une main invisible la tire vers le fond d’un lac noir et poisseux sans espoir de remonter vers la lumière.

Ge lâche le coupe-chou comme s’il était brûlant. Sa respiration devient haletante, se bloque même pendant quelques secondes.

Elle tente de sortir de cette satanée baignoire, mais glisse sur la paroi recouverte de savon. Ses mains et ses pieds ne parviennent pas à accrocher la matière. Et… enfin ! Sa peau grince et se brûle contre la faïence. L’éditrice se dresse finalement devant son reflet. Elle se penche vers l’avant pour mieux s’observer. Pas normal, ça ! C’est bien sa bouille qu’elle scrute. Cependant, il semble que son reflet ne bouge pas en même temps qu’elle !

La peur prend le pas sur un fugace sentiment de honte. Qu’est-ce qui cloche, merde ?

Flash. Et si les morts décidaient de se venger. Cette réflexion d’elle-même a l’air d’avoir une vie propre. Et si, cette autre Ge était la même, mais morte ?

Ce fameux miroir sans tain, frontière entre le monde des morts et celui des vivants.

Ge a trop joué. Et maintenant, le monde des morts veut se venger d’elle et de tout ce que ses noirs desseins ont engendré.

La mort observe, la mort surveille, la mort n’en restera pas là.

Quand Ge commence à comprendre qu’elle a signé sa propre perte, il est trop tard. Sa main vient de ramasser le coupe-chou et remonte dangereusement vers son cou. Et la Ge de l’autre côté du miroir, elle, la regarde, sourire carnassier aux lèvres.

― La mort réclame son dû ! Il est temps de payer l’addition, ma chérie !

La lame, la carotide. Ça rentre comme dans du beurre…

 

 Et bientôt mes ami(e) polardeux et lectrices la toute fin de notre exquis cadavres exquis avec les 3 ultimes épisodes.

Alors à très vite….Car… il va bien falloir donner un nom à notre macchabée ! Et lui offrir un habit de lumière pour qu’il se montre au grand jour.

Une couv et un titre pour notre roman policier collectif, vous y pensez déjà j’espère ?

 

4 réflexions sur “Exquis Cadavre exquis saison 2 : Un pacte sinon rien, la récap. livre 7

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