Sale temps pour les grenouilles : attention, burn-out !, Isabelle Bourdial

Sale temps pour les grenouilles : attention, burn-out ! d’Isabelle Bourdial. Paru le 22 janvier 2021 aux Editions du Loir. 9€80. (280 p.) ; 18 x 11 cm

4e de couv : 

Je m’ appelle Hadrien Lapousterle et je travaille aux Éditions Galvani. De l’avis général, je suis un type posé et pacifique. Pourtant, il n’a fallu que quatre mois pour faire de moi un tueur. Ma cible, c est mon chef, Grégoire Delahousse. Il vient d être nommé à la tête du pôle Arts et Savoirs. Un harceleur, un costkiller… Cerise sur le gâteau, c est le parfait sosie du Dr House, et il est aussi toxique pour son entourage que son modèle cathodique. Au bout de quelques mois, le service entier est en burn-out. Pas le choix ! Je dois me débarrasser de ce boss machiavélique. Souhaitez-lui bonne chance…

Une comédie noire contre le harcèlement au travail et le burn-out, un hommage aux séries télévisées et à la culture populaire.

 

L’auteur : Isabelle Bourdial est journaliste et auteure. Chef des informations au magazine Science & Vie, puis rédactrice en chef des Cahiers de Science & Vie jusqu en 2017, elle a publié une vingtaine de documentaires (éditions Nathan, Atlas, Gallimard, Flammarion, Larousse…). En 2016, elle signe Chasseurs d’esprit, roman policier paru aux Éditions Lajouanie et pré-sélectionné en 2017 pour le prix du Goëlan Masqué. En 2018, avec la MéMO, elle crée Polar’Osny, le festival de la littérature policière de la ville d’Osny (Val-d Oise). Elle poursuit en parallèle ses activités de journaliste en free-lance et anime des ateliers d’écriture. Sale temps pour les grenouilles est son second roman. Elle a aussi publié un livre de cuisine astucieuse :
Ce que ne dis pas la biographie officielle c’est qu’ Isabelle est aussi une des Légistes Flingueuses chez Collectif Polar. Et que c’est en parti grâce à Isabelle que nos cadavres exquis, A Fleur de cadavre et Un pacte sinon rien , ont vu le jour.
Extrait :
Un soir j’étais allé récupérer une impression dans le local de l’imprimante et étalai mes épreuves sur un meuble bas, juste à côté du bureau de Grégoire. La porte en était restée ouverte. J’entendis distinctement sa voix, pleine de sollicitude, et celle, presque étouffée, de Magali.
-Je t’avais bien demandé d’archiver les contrats auteurs de plus de cinq ans, n’est-ce pas ? Pourquoi tu ne l’as pas fait ? Ce n’est pas une critique, hein ? C’est juste pour savoir. -voix bienveillante-
-Tu m’avais dit que ce n’était pas urgent. Grégoire. Qu’il fallait d’abord revoir tout le classement des CDD venus en renfort, ce que j’ai fait.
-Certes, mais pourquoi n’as-tu pas archivé ces contrats après ? -voix “je veux juste comprendre, rassure-toi”-
-Je n’en ai pas encore eu le temps, bredouilla Magali.
-Explique-moi pourquoi, si tu veux bien -voix “aie confiansss, je sssuis là”-
-Parce que dans la journée, j’ai trop de tâches à gérer. Je n’aurais pu le faire qu’en dehors de mes heures de bureau. Et tu sais bien que je ne peux pas rester trop tard. Je dois passer voir Louis à l’hôpital.
-Aaaahh, fit le monstre. On tient le coupable ! -Voix triomphante et cinglante-

 

Le cadrage noir de Jeanne

Critique du roman d’Isabelle Bourdial, « Sale temps pour les grenouilles« 

par Jeanne Faivre d’Arcier

Si vous croisez Isabelle Bourdial à l’occasion d’un salon du livre on dans une librairie, vous n’imaginerez jamais que cette jolie femme chaleureuse à l’esprit ouvert est une revenante.

Dans « sale temps pour les grenouilles », elle nous raconte sur un mode drolatique et enlevé les méthodes de harcèlement dont elle a été victime  lorsqu’elle était  rédactrice en chef des cahiers de « Science et Vie » à la fin des années 2010. Bien sûr tout est transposé, son roman ne se déroule pas dans l’univers de la presse, mais dans celui, tout aussi glamour ( en apparence ), de l’édition.

Elle n’écrit pas à la première personne du singulier, mais à la troisième et le personnage principal  qui part en vrille et fait un « burn out » dans son roman est un homme : Hadrien Lapousterle, un hurluberlu sympathique et un peu naïf d’une trentaine d’années qui dirige le pôle « arts et savoir » d’une grande maison d’édition. Tout  roule pour lui entre son métier qu’il adore et où il excelle —  même si il a un petit côté Bécassine au masculin ( enfin ça c’est l’auteur de cette critique qui le voit comme ça ) —, son équipe qu’il dirige avec  compétence, sa collègue et fausse petite amie qui se sert de lui pour  dissimuler à son entourage professionnel une liaison amoureuse avec une femme, son chat qui le snobe en félin plus vrai que nature,  son studio, son vélo et sa gourmandise.

Puis un jour, on nomme à la tête de son département un chef inculte, vulgaire, infatué de lui-même et sadique, un certain Grégoire Delahousse qui  est le portrait craché du docteur House de la série télévisée. Le rôle de ce « cost killer « est  de déstabiliser les responsables des différents services par des méthodes managériales apparement aberrantes et à les pousser à la faute et  à la démission. Le dessein ainsi poursuivi est de réaliser des économies de structures en regroupant les postes de travail, en remplaçant les collaborateurs confirmés par des jeunes plus malléables et moins chers, si possible en les recrutant en CDD, voire en ne remplaçant pas les partants et en surchargeant de travail ceux qui restent.

Ce style de management par la terreur qui est né dans le monde anglo-saxon s’est largement répandu en France. On l’appelle parfois «  le light-management » ( si, si, je vous jure.) Il consiste à casser les hiérarchies traditionnelles et à mettre en place des structures en « mode-projet » dans lesquelles plus personne n’est responsable de rien parce qu’il n’y a plus de référent à qui s’adresser. On laisse ainsi les  collaborateurs devenir fous chacun dans leur coin. On fait également travailler  les gens en open space afin d’ économiser les mètres carré  et de les monter les uns contre les autres en réduisant leur espace vital. On leur assigne  des tâches auxquelles ils ne sont pas préparés et qui sortent de leur champ de compétences ; l’idée est de leur saper le moral et de les rendre vulnérables en leur faisant perdre toute confiance en eux.

 Ces méthodes, on les a vues à l’œuvre chez France Telecom où, dans les années 2007-2010, les suicides sur le lieu de travail étaient légion, tant la déshumanisation était insupportable et le cynisme des managers inouï.

 C’est cet univers glaçant que nous décrit Isabelle Bourdial dans «  Sale temps pour les grenouilles. « Le choix d’utiliser les techniques de la comédie policière, la satire et les situations cocasses  fait toute l’originalité du livre.

Isabelle Bourdial réussit à nous faire sourire  alors qu’elle a touché le fond et qu’elle a mis des années à se reconstruire. Signalons qu’elle a gagné ses procès contre l’entreprise qui l’employait et contre la médecine du travail et la sécurité sociale  qui, non seulement ne l’ont pas défendue comme la loi les y oblige, mais ont produit des faux documents afin de masquer leurs manquements.  

Isabelle Bourdial a parachevé sa thérapie par l’écriture. L’air de ne pas y toucher, elle décrit des mécanismes universels de démolition des salariés. « Les visages écrasés «  de Marin Ledun,  publié par le Seuil en 2011, traitait également de la souffrance au travail telle que la vivait les employés des centres d’appel de France Télecom.

Son roman est très noir et le ton utilisé celui de la tragédie. Isabelle Bourdial a choisi l’humour, mais qu’on ne s’y trompe pas, ce qu’elle raconte est bien réel.

Lorsque j’étais chasseur de têtes, j’ai vu plusieurs fois des cadres supérieurs que je sollicitais pour leur proposer un job chez un de mes clients s’effondrer en larmes dans mon bureau en me parlant  des vexations et des humiliations  qu’ils enduraient au quotidien de la part de harceleurs au petit pied tels que le Grégoire Delahousse de « Sale temps pour les grenouilles. »  Ces tyrans de bas étage n’agissent pas pour leur compte ou de leur propre initiative.

Ils sont les exécuteurs de basses œuvres. Ils appliquent les consignes données au plus haut niveau des entreprises par le comité de direction. C’est tout le mérite de ce roman de nous le rappeler.

17 réflexions sur “Sale temps pour les grenouilles : attention, burn-out !, Isabelle Bourdial

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