La Carte postale d’Anne Berest

Le jour décalé sur Collectif Polar

Aujourd’hui on ne va pas vous parler de roman policier et pourtant  voici deux lectures bouleversantes


Le livre : La Carte postale d’Anne Berest. Paru le 18 août 2021  chez Grasset. Rééditer en poche le le 24 août 2022 chez Le Livre de Poche. 8€90. (501 p.) 18 x 11 cm

4e de couv :

La carte postale

« La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de voeux. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi.

Ce livre m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

J’ai essayé de comprendre pourquoi ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et d’éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.

Le roman de mes ancêtres est aussi une quête initiatique sur la signification du mot « Juif’ dans une vie laïque. »

L’auteure :  Anne Berest est l’auteure de romans : La Fille de son père, Seuil, 2010 ; Les Patriarches, Grasset, 2012 ; Sagan 1954, Stock, 2014 ; Recherche femme parfaite, Grasset, 2016 ; Gabriële, coécrit avec sa soeur Claire, Stock, 2017 ; de pièces de théâtre : La Visite, Les filles de nos filles, Actes Sud-Papiers, 2020.
Elle a aussi écrit la série Mytho pour Arte, qui a reçu de nombreux prix, en France comme à l’étranger.
Extrait :
« Les réponses arrivaient seulement avec quelques semaines de retard. Déborah, je ne sais pas ce que veut dire « être vraiment juif » ou « ne l’être pas vraiment ». Je peux simplement t’apprendre que je suis une enfant de survivant. C’est-à-dire quelqu’un qui fait les mêmes cauchemars que sa mère et cherche sa place parmi les vivants. Quelqu’un dont le corps est la tombe de ceux qui n’ont pu trouver leur sépulture. Déborah, tu affirmes que je suis juive quand ça m’arrange. Lorsque ma fille est née, que je l’ai prise dans mes bras à la maternité, tu sais à quoi j’ai pensé ? La première image qui m’a traversée ? L’image des mères qui allaitaient quand on les a envoyées dans les chambres à gaz. Alors voilà, cela m’arrangerait que les choses soient autrement. Cela m’arrangerait de ne pas avoir peur de l’administration, peur du gaz, peur de perdre mes papiers, peur des endroits clos, peur de la morsure des chiens, peur de passer des frontières, peur de prendre des avions, peur des foules et de l’exaltation de la virilité, peur des hommes quand ils sont en bande, peur qu’on me prenne mes enfants, peur des gens qui obéissent, peur de l’uniforme, peur d’arriver en retard, peur de me faire attraper par la police, peur quand je dois refaire mes papiers ….peur de dire que je suis juive. Et cela, tout le temps. « Pas quand ça m’arrange ». J’ai, inscrit dans mes cellules, le souvenir d’une expérience de danger si violente, qu’il me semble parfois l’avoir vraiment vécue ou devoir la revivre. La mort me semble toujours imminente. J’ai le sentiment d’être une proie. Je me sens souvent soumise à une forme d’anéantissement. Je cherche dans les livres d’Histoire celle qu’on ne m’a pas racontée. Je veux lire, encore et toujours. Ma soif de connaissance n’est jamais étanchée. Je me sens parfois une étrangère. Je vois des obstacles là où d’autres n’en voient pas. Je n’arrive pas à faire coïncider l’idée de ma famille avec cette référence mythologique qu’est le génocide. Et cette difficulté me constitue toute entière. Cette chose me définit. Pendant presque quarante ans, j’ai cherché à tracer un dessin qui puisse me ressembler sans y parvenir. Mais aujourd’hui je peux relier tous les points entre eux, pour voir apparaître, parmi la constellation des fragments éparpillés sur la page une silhouette dans laquelle, je me reconnais enfin : je suis fille et petite fille de survivants. »

 

Le billet d’Humeur de Dame Geneviève

 

La Carte postale d’Anne Berest

Cette saga familiale s’interroge sur l’identité juive et fait remonter le lecteur jusqu’à l’époque de la Russie des Tsars, avant la Révolution bolchévique.

En 2003, l’écrivaine reçoit une carte postale anonyme sur laquelle sont notés les prénoms des grands-parents de sa mère, de sa tante et de son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Elle enquête pour découvrir l’auteur de cette missive et plonge dans l’histoire de sa famille maternelle, les Rabinovitch, et de sa grand-mère

Publié lors de la rentrée littéraire 2021, La Carte postale (Grasset) avait été sélectionné pour le Prix Goncourt et remporté le Prix Renaudot des lycéens 2021 Et ce 7 avril de cette année, cette enquête intime (Grasset) d’Anne Berest reçoit aussi le Prix littéraire des étudiants de Sciences Po.

L’imbécile Camille Laurens qui avait provoqué scandale et éviction pour de mesquins motifs personnels doit en être ravie. Oui, je sais, « imbécile », ça ne se dit pas et ce n’est pas gentil et peut-être pas tout à fait vrai mais j’avais trouvé sa critique et surtout les raisons de cette critique si pitoyables et hypocrites que je maintiens  !…

Et pour ma part j’ai trouvé  la carte postale  remarquable. C’est un roman émouvant et passionnant.

 

Autres extraits :
« Après la guerre, on va découvrir un syndrome de dépression qui va toucher certains résistants. Parce que jamais, ils ne s’étaient sentis aussi vivants que frôlant la mort à chaque instant. »
« Mais Ephraïm, l’ingénieur, le progressiste, le cosmopolite, a oublié que celui qui vient d’ailleurs restera pour toujours celui qui vient d’ailleurs. La terrible erreur que commet Ephraïm, c’est de croire qu’il peut installer son bonheur quelque part. L’année suivante, en 1924, un baril de caviar avarié plonge la petite entreprise dans la banqueroute. Malchance ou manœuvre de jaloux ? Ces migrants arrivés en charrette sont devenus trop vite des notables. Les Rabinovitch deviennent persona non grata dans le Riga des goys. Les voisins de la cour Binderling demandent à Emma de cesser d’importuner le quartier avec le va-et-vient de ses élèves. Elle apprend par ses relations de la synagogue que des Lettons ont pris son mari pour cible et qu’ils l’importuneront jusqu’à ce qu’il n’ait plus d’autre choix que de partir. »

Livre lu dans la cadre

– Challenge Juillet Sororité de Stelphique (car lu avant même si publié en août car le poche sort ce 24 aôut) 

26 réflexions sur “La Carte postale d’Anne Berest

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