Le crépuscule d’un libertin, Ludovic Miserole

La fausse double chronique sur Collectif Polar

Une Sérial Lectrice et une Flingueuse vous propose chacune leur avis sur un roman différent mais d’un même auteur.

Et cet auteur c’est Ludovic Miserole


Le livre : Le crépuscule d’un libertin : Les crimes du marquis de Sade tome 3 de Ludovic Miserole. Paru le 16 juin 2021 chez Phénix noir 19.95 €. (528 pages.) ; 22 x 14 cm

4ème de couverture :

Voici dix ans que les frasques du marquis de Sade défraient la chronique !
Donatien n’a pas fini de choquer ses contemporains, au grand dam de sa famille qui tente de faire taire la rumeur et museler la calomnie. Mais un nouveau scandale, bien plus effroyable que les précédents, est sur le point d’éclater. Une ultime provocation judiciaire avant d’ébranler bien plus encore les consciences, de sa plume acérée et sulfureuse.
C’est que Sade éprouve le besoin vital de créer pour exister, de choquer pour se sentir vivant.
Embastillé ou interné, Sade se veut libre…

L’auteur : Né en 1973 après le succès de son premier ouvrage Rosalie Lamorlière, dernière servante de Marie-Antoinette, Ludovic Miserole nous invite à nouveau à rencontrer un personnage méconnu de notre histoire.
Avec un talent indéniable, il combine la vérité historique, puisée minutieusement dans les sources, et l’invention, autrement dit, il marie subtilement histoire et fiction pour mettre en scène un passé révolu. Derrière le portrait de Zamor se dessine, en filigrane, celui des héros – les grands, que nous connaissons, comme les anonymes, les « humbles » qui ont œuvré dans l’ombre – d’une France révolutionnaire et post-révolutionnaire.
Extraits :
« Après un long silence qu’impose la contemplation, Donatien brise la glace.
— Quel âge as-tu, mon enfant ?
— Vingt-deux ans, messire, répond-elle timidement, le regard baissé sur ses souliers crottés.
Le marquis l’aime déjà. Son apparente soumission lui déforme déjà la culotte de soie couleur soucy.
— Comment t’appelles-tu ?
— Catherine, messire. Catherine Trillet.
Monsieur de Sade adresse un regard satisfait au Père Durand venu accompagner la jeune fille. Le franciscain, grandi de cette marque de contentement, esquisse un léger sourire.
— L’on t’a dit ce que j’attendais de toi ?
— Oui, messire.
— Et que t’a-t-on dit au juste ?
Les mains de la jeune fille se crispent et se frottent nerveusement l’une contre l’autre devant une jupe grossière couleur boue de Paris.
— Je dois faire la cuisine pour monsieur le marquis dans son château.
— Oui, ce sera là ta principale besogne.
Catherine Trillet rougit. Se doute-t-elle que celui qui est sur le point de devenir son maître attend d’elle bien plus qu’un bon plat chaud ? Si oui, ce ne peut être du fait du Père Durand qui a juré ses grands dieux que l’homme est des plus honnêtes, qu’elle ne pouvait rêver meilleure place, car les mœurs du seigneur de La Coste sont irréprochables. Le père de la petite, tisseur de couvertures de son état, après quelques réticences, avait fini par accepter quand le récollet lui avait promis que le château était un véritable couvent. »
 
« Je suis consternée, voilà tout ! Des femmes ont la possibilité de neutraliser un homme coupable des pires atrocités envers elles et tant d’autres de leur sexe et malgré cela, contre de menues piécettes et quelques considérations intéressées, voici qu’elles renoncent à ce pouvoir qu’elles ne se verront plus jamais offrir. Les choses ne changeront-elles donc jamais, Gaspard ? Nous, les femmes, sommes-nous donc condamnées à ne jamais devenir vos égales ? Dis-moi Gaspard, les hommes de pouvoir et d’argent auront-ils toujours ce droit séculaire de nous piétiner en monnayant ensuite notre honneur ? Ton Sade est l’un d’entre eux et de la pire espèce. N’a-t-on pas trouvé une salle secrète dans son château ? N’a-t-il pas fait subir les pires atrocités à quantité de femmes et d’enfants ? Cette marquise, qui n’a de noble que le titre, ne s’est-elle pas adressée à toi afin d’échafauder un plan afin de faire évader son époux lors de son transfert à Aix ? Cette famille se complaît dans la fange et tôt ou tard nous en serons éclaboussés. »
 

La chronique jubilatoire de Dany

Le crépuscule d’un libertin – Les crimes du marquis de Sade tome 3 de Ludovic Miserole

Lors d’un récent entretien avec l’auteur pour le blog Collectif Polar, il avait déclaré que les violences infligées aux enfants lui avaient terriblement couté à l’écriture et nous pouvons tout à fait le comprendre car la première partie de de ce troisième épisode de la vie du « divin » est à la limite du soutenable. Elle scelle s’il en était besoin les qualificatifs à associer à cet ignoble personnage : encore un pas de franchi dans l’audace narquoise et l’horreur. Nous avions fait sa connaissance avec Rose Keller et les sévices aux femmes, puis dans le deuxième tome les amusements sexuels et dégradants pratiqués au détriment des prostituées, ici nous atteignons le sommet. Mais il fallait en passer par là pour retracer les limites de la perversité. De sa vie, Donatien de Sade ne s’est jamais senti coupable, juste à la recherche de son plaisir, souvent au détriment de plus faibles. Oui le marquis, dans cette troisième étape de sa vie, confirme hélas son « épicurisme malsain », avec le soutien des femmes qui lui sont proches, incapables de lui résister, qu’elles soient épouse ou domestique sauf une, sa belle-mère qui le poursuivra jusqu’à sa mort. On verra également comment le marquis s’est joué de la Révolution, en adaptant sa « façade » aux errements idéologiques du moment. Où est la maxime républicaine dans ses idéaux ? Cette trilogie est bien un roman historique, avec l’aveuglement des possédants et l’effondrement des plus pauvres. Mais aussi et je dirai même « surtout » un roman d’ambiance où se disputent les visions du quotidien par des contemporains englués dans leur présent, sans le recul sur les événements.
Ludovic Miserole avoue qu’il est tombé, pour notre plus grand plaisir, dans l’histoire pendant sa scolarité et mon souhait c’est qu’il y reste, cela lui va tellement bien … et à nous donc ! Le travail colossal de documentation qu’a nécessité cette trilogie ne nous échappe et les références qu’il nous donne en témoignent, sans abandonner le suspense qui nous tient jusque la fin.

Du beau travail d’historien, du beau travail d’auteur, du beau travail addictif comme nous l’aimons ! Un très bon moment de lecture dérangeante à souhait.

Autre extrait :
« À quoi sert de vouloir montrer l’exemple quand votre naissance vous donne le droit de tout ? Pourquoi craindre la justice des hommes alors qu’elle s’achète pour peu qu’on veuille y mettre le prix ? Quant à la justice divine et cette peur séculaire d’un jugement dernier, Donatien préfère en sourire. Pour qui croit aux fables, la bête du Gévaudan serait bien plus. Il est hors de question de passer le reste de sa vie enfermé dans les prisons du royaume ! Tout cela pour calmer les craintes d’une belle-mère égoïste prompte à enchaîner un homme avide de liberté qu’elle ne comprend pas et ne comprendra jamais. Les Montreuil représentent cette noblesse molle, emperruquée et confortablement enfermée dans des principes d’un autre temps. »

4 réflexions sur “ Le crépuscule d’un libertin, Ludovic Miserole

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