La GAV : Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses, 1ère audition. 1/4

Bonjour les polardeux,
autant vous prévenir tout de suite durant 48 heures, Dany, Fanny, Aline et moi,  nous allons être coincées avec Monsieur Frédéric Lepage.
Nous l’avons mis en Garde à vue.


La GAV : @Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses 1ère audition. 1/4

Début de la Garde à vue de Monsieur

Lepage Frédéric

1er interrogatoire par Geneviève notre porte flingue

La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.

La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.

Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.

Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 6h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.

Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé,  ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !

Nous recueillons leurs confidences.

Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).

Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre ce matin et demain après-midi

Allez place à la GAV de Frédéric Lepage

Geneviève : Tictac, tictac, bientôt l’heure. Bonjour les flingueuses, qui est là ce matin pour faire entrer notre prévenu ?

Dany : J’arrive Cheffe ! Thé ?

Frédéric Lepage : Bonjour, en tout cas, moi je suis déjà en train d’attendre dans le couloir

Fanny Haquette : Hello, eh bien quand on a les menottes, on attend monsieur !

Geneviève : Hello Dany, thé je prends, sur un autre gros dossier, il va me falloir me concentrer à présent sur notre nouvelle Garde à vue.

Dany : Dites-donc Cheffe, il ne nous la jouerait pas mode fanfaron le prévenu ?

Geneviève : Possible ! Alors faites entrer Monsieur Lepage que je le soumette à la question. Et bonjour Fanny

Frederic : je profite de l’attente pour songer… Quand on s’autoproclame flingueuses, est-ce l’accomplissement d’un fantasme ?
Un désir de domination ?

Dany : C’est nous qui posons les questions Môssieur

Frederic : comme vous voulez

Geneviève : Bonjour Monsieur Lepage, ici c’est nous qui posons les questions 

Fanny : Euh, il va pas commencer où il retourne direct en cellule !

Frederic : Désolé que mes questions vous dérangent

Geneviève : Et si tous se passe bien et que vous êtes mis hors de cause, alors peut-être répondrons nous à vos songeries…

Frederic : j’attendrai, donc

Geneviève : Voilà qui est plus raisonnable

Frederic : Une question cependant… Tapez-vous sur le clavier avec deux doigts, ou est-ce un cliché du genre ?

Geneviève : Mais soyez rassuré, point d’inquisitrice ce matin, normalement je suis plutôt bienveillante, enfin normalement

Frederic : 😂

Geneviève : Et pour répondre à votre question, c’est 4 à 6 doigts mais je fais plusieurs choses à la fois.
Et maintenant c’est moi qui vais vous poser un tas de questions.  Vous êtes ok avec ça ?

Frederic : je ne suis pas sûr, au point où j’en suis, d’avoir le choix

Geneviève : ah vous voilà plus raisonnable.
Alors commençons cette nouvelle GAV

Frederic : Je me sens, par ailleurs, mieux réveillé que vous

Geneviève : En voyant, le nom du suspect hier, je ne suis dit que nous ne nous connaissions pas. Je n’ai jamais eu la chance de vous rencontrer

Frederic : exact, correct. Merci d’utiliser le mot « chance »

Geneviève : Pourtant en y regardant de plus près, je me suis aperçue que j’avais lu il y environ 10 ans un de vos bouquins…Et pas un polar.

Frederic : ah ? Lequel ?

Geneviève : Le colloque des bonobos

Le Colloque des bonobos

Les chimpanzés et les hommes sont-ils génétiquement semblables au point qu’il faille les placer sur le même rameau de l’évolution ?Un congrès est organisé pour en décider. Les experts venus d’Afrique pour participer à ce débat houleux sont tous… des chimpanzés. Ils doivent trancher : acceptent-ils de devenir frères des hommes ?

Les discussions s’enveniment : pouvoir, racisme, puissance, désir… chacun se passionne, tous s’invectivent et se querellent, durant ce congrès dont on ne sait s’il s’achèvera en Davos de l’intelligence ou en Yalta des espèces.

Villeurbanne, singe-reproducteur dans un centre d’expérimentation ; Congo, bonobo manipulateur, cynique, artisan pervers d’une effroyable machination ; Bianga, charmante et amoureuse ; et Kasaï chimpanzé benêt et impulsif, sont les héros de cette rencontre au sommet… de notre arbre généalogique.

Frederic : Un genre de littérature bien différent

Geneviève : Oui et non, les rapports homme et nature sont au cœur actuellement du noir français, ne croyez-vous pas ?

Frederic : Ce livre est ressorti sous le titre Le Concile des singes. En gros, comme la proximité générique des chimpanzés et des hommes est si grande, j’ai imaginé une conférence où l’on se pose la question : faut-il considérer les grands singes comme des personnes. Et les délégués venus répondre à cette question sont tous des singes. Ils débattent, il y a des jalousies, des coups de théâtre, des débats scientifiques et philosophiques. Le ton est plutôt celui d’une fable à l’anglaise. Le livre n’a pas eu un grand succès en France, mais il a rencontré ses lecteurs dans d’autres pays, comme l’Italie.
J’ai entrepris d’en faire une pièce de théâtre, encouragé en cela par Ariane Mnouchkine, ce qui n’est pas rien.

 

Les chimpanzés et les hommes sont-ils génétiquement semblables au point qu’il faille les placer sur le même rameau de l’évolution ? Un congrès est organisé pour en décider.
Les experts venus d’Afrique pour participer à ce débat houleux sont tous… des chimpanzés. Ils doivent trancher : acceptent-ils de devenir frères des hommes ?
Les discussions s’enveniment : pouvoir, racisme, puissance, désir… chacun se passionne, tous s’invectivent et se querellent. On ne sait si tout cela s’achèvera en Davos de l’intelligence ou en Yalta des espèces.

Geneviève : Oui j’avais adoré votre point de vue, et vos 4 protagonistes même s’ils sont des grands singes ont tous des sentiments dits « humains ».

Frédéric : Je tiens ce texte, dans sa nouvelle version, Le Concile des singes, pour l’un des textes dont je suis le plus satisfait.

Geneviève : D’ailleurs, les primatologues actuels vont dans votre sens

Frederic : Et pour répondre à la question de la dame avec un képi, oui, la question de la nature et des animaux, donc de notre identité et de nos instincts, est au cœur des questions que se posent les auteurs de polars et de thrillers.

Geneviève : Ah nous voilà d’accord.

Frederic : il est question de ce qui nous pousse à agir, dans quel sens, et de ce qui nous différencie des animaux. La métaphore animalière est souvent présente sous une forme réductrice. L’assassin est « bestial », il se comporte « comme une bête », etc. Alors que son comportement, ses calculs, ses mobiles, sont souvent ce qu’il a de plus profondément humain. C’est le thème de mon dernier thriller, Si la bête s’éveille.
Vous allez me demander en quoi je me sens compétent pour évoquer cette barrière, que je décris comme ténue, entre homme et animal, je suppose.

Geneviève : actuellement, philosophe, scientifique et autres, penchent et sont dans la continuité de l’évolution des espèces, et dans ce sens votre dernier thriller m’intrigue. J’avoue ne pas l’avoir encore lu…mais je ne désespère pas

Frederic : Il se trouve que j’écris et produis des programmes pour la télévision et, parmi eux, des centaines de documentaires sur les animaux et la nature sauvage.

Geneviève : Oui j’en ai vu certains

Frederic : Vous n’avez pas lu le dossier ?
Cela ne doit-il pas entraîner une annulation de la procédure ?
Si vous ne connaissez pas les pièces à conviction, je peux partir ?  😂
Mais je suis ravi que vous ayez vu certains de mes documentaires et parmi ces documentaires, ceux avec les voix de Pierre Arditi, John Hurt, Brian Cox, etc.

Geneviève : Vous êtes un petit malin mais cela ne constitue pas un vice de procédure

Frederic : Je vous crois sur parole

Geneviève : ha haha ! Bon revenons à votre GAV

Frederic : 🙂

Geneviève : C’est parfait car je pense que nos lecteurs ne vous connaissent pas vraiment. Alors dites m’en un peu plus sur vous

Frederic : par où voulez-vous que je commence ?

Geneviève : Je veux tout savoir, tout votre pedigree quoi !

Frederic : ok, ne vous emportez pas

Geneviève : Naissance, études…

Frederic : Je suis né à Bordeaux, j’ai grandi au Pays basque et dans le Béarn, je suis une personne du Sud-Ouest. Enfance sans histoires, entre montagne, campagne et océan.

Geneviève : ça donne envie

Frederic : Puis ma famille revient à Bordeaux, où j’entre au Lycée Montesquieu.

Geneviève : Très bon Lycée

Frederic : Je m’y ennuie, j’obtiens des résultats convenables, mais mes centres d’intérêt sont ailleurs, fragmentés, éclatés, un peu incohérents. La ville est d’une beauté extraordinaire, héritée du XVIIIe siècle. J’écris donc, alors que je suis, je crois, en première, un livre sur l’architecture néoclassique aux XVIIIe siècle, et sur l’architecte Victor Louis. Foucade de lycéen, mais le livre est publié.
Simultanément, je découvre, car le directeur légendaire de l’opéra de Bordeaux, Gérard Boireau, me donne un petit boulot pour occuper mes soirées et mes weekends.
Je découvre le théâtre, l’odeur des planches, je deviens ami avec des super stars de l’opéra, telles que Montserrat Caballe ou Kiri Te Kanawa, des noms que reconnaîtront les amateurs. Ces personnages s’attendrissent de côtoyer un adolescent qui s’intéresse à la musique et à l’opéra

Geneviève : Belles voix même si pas mes voix préférées

Frederic : Pendant tout le reste de ma vie, la frustration de n’avoir pas fait carrière au théâtre me hantera.

Geneviève : Alors l’adaptation à venir doit vous ravir

Frederic : Oui ! Mais, toujours aussi peu intéressé par ce qui se passe en classe, et bientôt sur les bancs de Sciences Po, je continue à écrire sur des sujets parfois abscons. Par exemple je deviens, grâce à un livre sur la gémellité chez Robert Laffont (alors que le sujet ne me concerne nullement), l’un des experts mondiaux de ce thème

Geneviève : Difficile …de quelle façon ?

Frederic : Je veux dire que ce sont quand même des sujets extrêmement spécialisés.
Pour les jumeaux, je participe à des conférences internationales où les experts sont âgés de 60 à 75 ans et me prennent pour l’assistant de ce « Lepage » qui, apparemment, n’a pas pu venir ! Je suis l’auteur d’une théorie sur l’individuation des jumeaux monozygotes enseignée dans des universités américaines.
A cette époque, Robert Laffont, le dernier grand monstre sacré de l’édition française, est encore en vie. J’ai la chance de le voir souvent, et de côtoyer sa famille

Geneviève : C’est au début des année 80, c’est ça ?

Frederic : Je crois, ou un peu plus tard… Je vous laisse reconstituer les chronologies, je ne suis pas doué pour ça. Alors que vous, avec la police scientifique…
Robert Laffont, lui-même, me dit alors : « Frédéric, tu vas cesser de papillonner et te mettre au roman ». J’écris donc La Fin du septième jour, qu’il publie dans sa collection la plus prestigieuse, « Best Sellers ». J’y suis l’un des rares auteurs français

Geneviève : Ah oui je me souviens de deux « page turner » de vous à l’époque

 

Elles sont silencieuses, invisibles, capables de dévaster un continent, meurtrières à 100 pour cent ! Ce sont les armes de la guerre du futur: la guerre biologique, microbienne, par épidémie interposée !
Des traités internationaux interdisent la fabrication des armes bactériologiques, et pourtant… Quand mie nuit d’octobre la Maison-Blanche reçoit une cassette vidéo où une organisation clandestine menace de faire éclater la plus terrible épidémie de l’histoire de l’humanité, ces paroles sont aussitôt prises au sérieux !
Comment se déclenchera l’épidémie ? Où est fabriqué le virus ? Qui est à la tête de cette mystérieuse organisation? La Maison-Blanche a vingt-quatre heures… vingt-quatre heures pour sauver le monde d’une guerre monstrueuse !

 

 

Frederic : ah ! … C’est un succès. En France, mais aussi au Japon, en Allemagne etc.

Geneviève : Eh oui j’avais une vingtaine d’années. Vous aviez fait une entrée remarquée dans le club très fermé des auteurs de thrillers internationaux.  Et confirmé aussi vos talents de conteur et d’enquêteur.

Frederic : Alors, deuxième thriller, La Mémoire interdite. Succès de nouveau.

Christopher Beam, jeune neurologue et informaticien américain, en poste à Jérusalem, a réussi un exploit scientifique extraordinaire: mettre au point un système qui permettra au cerveau humain de piloter directement un ordinateur.
Ce dispositif doit maintenir au pouvoir un mystérieux chef d’Etat octogénaire. Mais que peut faire Christopher quand il découvre qu’un pirate s’est introduit dans le dispositif, et que la femme qu’il aime est en tête de la liste des suspects ?
Une tragique affaire d’otages vient compliquer sa tâche.
Un compte à rebours infernal s’engage alors: une véritable course contre la mort entre New-York, Jérusalem et Téhéran.

Frederic : Et là, le basculement, bénéfique ou néfaste, vous me le direz.
Je fais la promo de mes livres à la télé. Un journaliste célèbre de l’époque, Yves Mourousi, m’invite à chaque fois au journal de TF1. Quelque temps plus tard, il m’aide à entrer à TF1, où je deviens producteur.

Geneviève : Bref un vie faite de rencontres finalement. Une vie qui se construit grâce à celles-ci.

Dany : des complicités Cheffe !

Ge² : Tu as raison Dany, oui, je note dans mon carnet

Frederic : Oui, rencontres ! Eh oui, des complicités, j’avoue.
Je produis beaucoup de programmes, puis je vais avoir des fonctions à France 2 (Antenne 2 à l’époque) et créer mes propres sociétés de production.
Et c’est là que mon destin change. Je produis des « prime time », je produis les fêtes de la musique de TF1 au Trocadéro, je crée le Disney Club, je produis des jeux (Dessinez, c’est gagné !), etc.
Je ne me rapprocherai des livres qu’en produisant pendant quelques années « Ex Libris » animé par PPDA.
Et je continue d’écrire, mais des essais, une biographie culinaire de Jacques Chirac, par exemple

Et une série de romans pour adolescents chez Lattès MSK.

Mais le résultat de tout cela, c’est que la télévision grise, donne un sentiment excitant de pouvoir, oblige à parcourir le monde.
Mon activité dans le domaine des documentaires internationaux m’amène à voyager partout et à me frotter à des thèmes intellectuellement fascinants.

Vous voyez où je veux en venir, les flingueuses ? J’avais une voie toute tracée vers le thriller, et j’ai pris un chemin parallèle. Au lieu de capitaliser sur le thriller.

Geneviève : Comme un joueur vous vous laisser griser par le succès !

Frederic : C’est EXACTEMENT cela. Je suppose que ce sont des circonstances atténuantes. Mais la rédemption n’est pas loin.

Ge² : Hop, hop, pardon je suis obligée d’intervenir !

Frederic : oui, à votre disposition. N’abusez pas du café

Ge²: Bonjour Monsieur Lepage, je suis le double maléfique de notre porte flingue. Et là elle se laisse déborder par vos propos, certes intéressants mais elle doit vous interroger sur le lecteur que vous êtes et que vous étiez et votre rapport au livre…

Frederic : d’accord, d’accord

Geneviève : Ok, ok, mais il est important que nos lecteurs sachent qui est Frédéric Lepage, non ? Et justement vous parliez de rédemption, votre dernier polar sans doute.

Frederic : Je réponds à la dame au képi. J’ai toujours aimé les livres, d’un amour presque physique, dès l’enfance, je pouvais passer des heures dans les librairies, à toucher les livres, à les sentir, à les entrouvrir. Bandes dessinées et livres d’aventure. Les libraires me connaissaient, savaient que je n’étais pas riche, et me laissaient m’asseoir entre les rayonnages pour lire. J’étais aussi un rat de bibliothèque

Ge² : Voilà qui est mieux

Dany : chez Mollat ?

Frederic : Mollat !!!!!!!! Si vous aviez le temps que j’y ai passé ! Sublime librairie.
J’ai aimé la littérature classique, celle qui font des mots de petite boules d’or. Mais aussi la littérature populaire, celle d’Alexandre Dumas, puis Maurice Leblanc (j’ai lu, bien avant que la mode n’en revienne), TOUS les Arsène Lupin. Puis les Ponson du Terrail, les Gaston Leroux. J’ai toujours pensé, ainsi, qu’il y avait une grande noblesse des genres populaires. Tout cela en dévorant, simultanément, Stendhal (que j’adore), Hugo, Flaubert, etc. Jusqu’à ma vénération pour Romain Gary et Marguerite Yourcenar. Et pour Marcel Proust

Ge²: Ah oui un sacré grand lecteur !
Quels livres vous ont forgé Frédéric ?

Frederic : Votre question est intéressante pour l’enquête je suppose, car elle présuppose que ces passions juvéniles (Proust, en l’occurrence), nous suivent toute la vie. C’est tellement juste que je vais revenir à ma passion du théâtre grâce à Marcel.

Ge² : je vous laisse maitre de le penser

Frederic : En avril, j’espère que vous viendrez au théâtre du Gymnase (dans la petite salle) pour assister à Marcel & Reynaldo, un spectacle musical que j’ai écrit sur l’histoire d’amour entre Marcel Proust et le compositeur Reynaldo Hahn.

J’admire votre rhétorique et la manière dont vous m’avez contraint, sans m’en apercevoir, à refermer une boucle. La lecture, c’est la mère des vertus modernes. Des vertus raréfiées, mais c’est une autre histoire.

Je parle trop, peut-être ?

Ge² : Raréfiés car notre monde est trop impatient

Frederic : oui

Ge² : Et non vous ne parlez pas trop, nous sommes là pour vous écouter !

Frederic : Oui, mais votre Musso enroulé et ficelé par du ruban adhésif en forme de matraque m’inquiète …Autrefois, c’était un annuaire, non ?
C’est un hommage à la littérature ?

Ge² : J’ai pas de Musso chez moi, plus d’annuaire non plus… Mais quelques pavés qui pourraient faire l’affaire !

Frederic : 😂

Ge² : Même si je doute que les auteurs de ceux-ci approuvent une telle utilisation

Frederic : Vous n’avez pas l’air d’organiser des référendums avant d’agir

Ge² : Dites-moi on ne souffle dans l’oreillette que vous avez vécu plusieurs vies pour avoir fait tout cela !
Eh oui, d’autres flingueuses vous écoutent derrière la vitre teintée.

Frederic : Non, pas vraiment, mais comme tous les paresseux, quand je veux que quelque chose existe, j’essaie de le faire vite et bien.
Je sais, j’ai bien vu vos regards vers la vitre, et j’ai compris que ce n’était pas pour vérifier votre mèche dans le reflet

Ge²: C’est la force du groupe…
Paresseux mais pas dilettante.

Frederic : non, surtout pas. J’essaie, quand je me lance sur un sujet, d’en devenir un expert absolu rapidement. Puis, je fais le vide de mon esprit.

Ge² : C’est une vraie chance de pouvoir fonctionner ainsi

Frederic : Oui, chance, encore.
J’ai eu la chance d’être au bon endroit au bon moment

Ge² : Une grande capacité de mémoire aussi ?

Frederic : une mémoire temporaire. J’accumule toutes les connaissances dont j’ai besoin, mais si je n’évacuais pas avant le projet suivant, mon cerveau exploserait et ce ne serait pas très propre

Ge²: J’avoue des morceaux de cervelle partout… 

Geneviève : Bon je reprends la main, Là Ge² tu vas trop loin !

Ge² : Bon Ok, je retourne derrière la vitre teintée moi aussi. 😂

Geneviève, Bon alors Monsieur Lepage…Dites moi C’est science po qui vous a formaté ainsi ?

Frederic : Oui, certainement, mais c’est aussi ma méthode instinctive.
Vous m’avez demandé mon pedigree, puis-je passer à la dernière étape ?

Geneviève : Dites-m’en plus ! Oui, oui je vous en prie. Ensuite on reviendra à la lecture et aux livres…

Frederic : Ma méthode : m’intéresser à un sujet qui m’intrigue, m’amuse. Le posséder complètement. Explorer tous les rouages. Et passer à autre chose.
Alors, la suite…

Geneviève : Je vous écoute

Frederic : Après des années, la télévision commence à me lasser un peu (pas complètement, je produis toujours), et je me suis dit : « Et si mon destin avait été de suivre jusqu’au bout la consigne donnée par Robert Laffont : écris des thrillers ! ».
En ce moment, donc, je reviens au thriller. Si la bête s’éveille, puis, en mars chez Robert Laffont, Promets-moi d’avoir peur et, chez Robert Laffont encore, en 2024, un autre thriller déjà signé. Et j’ai par ailleurs un thriller d’avance, Le Tueur de Central Park.
Ce n’est pas un virage, en fait. On me dit parfois, uniquement en France, d’ailleurs, que je suis un « touche-à-tout » sous prétexte que je fais de la télévision, que j’ai écrit et réalisé jadis un grand film pour le cinéma, produit par Studio Canal et montré dans le monde entier, que je rédige des essais, et des romans. En réalité, je n’ai jamais exercé qu’une activité. Une seule …Raconter des histoires

 

« Adam et le singe se regardent droit dans les yeux. Le policier ne voit plus en Clara un animal, mais un homoncule, une sorte d’enfant dépravé, une version dégradée et corrompue de tous les ancêtres de l’homme. L’animal en lui jauge l’homme en elle. Ce regard si sombre lui fait perdre ses repères. La peur le gagne, non celle des sévices qu elle va lui faire subir, mais l’épouvante de ne plus savoir à quelle catégorie du vivant il appartient. »

Adam, un jeune enquêteur du New York Police département victime d’un inexplicable règlement de comptes. Un crime atroce commis dans un immeuble maudit, le Dakota. Un singe auxiliaire de vie, censé aider le flic. Et soudain, entre eux, une haine incompréhensible. Le cauchemar peut commencer…

Parvient-on, lorsqu’on cherche l’animal en l’homme, à confondre les assassins ? Le mystère sera-t-il résolu avant que la bête s’éveille ?

Récit haletant, inattendu et terriblement original, Si la bête s’éveille est un véritable page-turner. Frédéric Lepage dompte les mots comme personne.

Geneviève : Et c’est ce qui nous importe ici…

Frederic : Le besoin primal d’un parent face à son enfant, d’un enfant qui nourrit d’histoires son cœur et son destin. Télé, cinéma, livres, seul l’outil change. Alors, donc, je vais continuer de raconter des histoires, mais en passant davantage de temps sur le clavier.
Parallèlement au roman, il y a aussi la fiction télé. Avec mon amie Caroline Glorion, nous avons inventé l’idée d’un duo de flics, frère et sœur, qui deviendront prochainement les nouveaux flics de France 2. Ils sont incarnés par les formidables Sylvie Testud et Samuel Labarthe. Il y aura a priori deux films par an. Pour le premier, le génial Marc Eisenchteter, scénariste fabuleux, est intervenu sur le scénario.

Ge² : Nouvelle intervention du double maléfique, hé oui !!! C’est très alléchant, mais de tout cela vous pourrez en parler lors de vos trois autres auditions

Geneviève : Bon revenons aux livres et à votre rapport à la lecture.

Frederic : oui ?

Geneviève : Moi j’aimerai savoir qui vous a donné le goût de lire bien avant de construire des histoires ?

Frederic : Je n’en ai pas vraiment le souvenir, ce qui est bon signe car cela signifie que mes parents ont introduit des livres dans l’environnement familial comme des compagnons qu’on a toujours connus. Donc, le livre, c’était normal.

Geneviève : Il y avait donc des livres à disposition chez vous

Frederic : oui. Mes parents n’étaient pas richissimes, mais prêts à tout pour l’éducation de leurs enfants. Et les livres étaient là car il fallait boire, manger, respirer, et lire : quelque chose de naturel.

Geneviève : ça nous fait un troisième point commun.

Frederic : racontez-moi !

Geneviève : Non, non, sauf peut-être ma passion pour l’éthologie, l’opéra et les livres…Et un milieu modeste

Frederic : cela vous fait beaucoup de points communs avec le prévenu que je suis, c’est bien pour moi

Geneviève : Pour le reste c’est à vous de me répondre

Frederic : sauf si vous n’avez pas de cœur

Geneviève : Un cœur pour deux…alors parfois !

Frederic : 😊

Frederic : Je ne sais plus à quoi je dois répondre

Geneviève : Chez vous y avait-il une bibliothèque, une que vos parents mettaient à votre disposition ?

Frederic : Ce n’était pas vraiment une bibliothèque commune, organisée. Ma sœur aînée, Annie, avait ses propres livres, même chose pour mes deux frères. On mettait en commun la « bibliothèque verte », la « bibliothèque rose » était pour ma sœur. Chacun de nous avait ses propres livres, comme un trésor privé. On se les prêtait entre nous. Mais il y avait cette idée qu’un livre est un compagnon personnel. Au passage, j’insiste sur le rôle qu’ont joué la bibliothèque rose et la bibliothèque verte chez tellement d’enfants.

Geneviève : Et quels ont été à cette époque vos compagnons très personnels ?

Frederic : Le Club des Cinq, Michel, etc.

Geneviève : Michel ?

 

Frederic :  oui Michel

 

 

Geneviève : ho !!

Frederic : Mais ce sont vraiment ders souvenirs d’enfance

Geneviève : Mais c’est ce qui m’intéresse

Frederic : J’adorais aussi des romans américains pour les enfants, Mon amie Flicka

Geneviève : Ils auraient dû être pour moi ceux-là !

Frederic : Hehehe. Les livres de Mary O’Hara. Ou des romans qui, je ne sais plus pourquoi, me procuraient de grandes émotions. Un grand vent soufflait toujours dans ces textes, qui me transportait.

Geneviève : Déjà des animaux pour héros ?

Frederic : Je dirais qu’il y a une continuité entre mes lectures de l’époque et mes voyages ultérieurs. Mes lectures étaient mes premiers voyages.
Des animaux, parfois, c’est vrai, mais pas seulement, et je ne sais pas si cela m’a influencé.
Lire c’est voyager, en tout cas, ça j’en suis sûr

Geneviève : Allez savoir ! ???

Frederic : Vous embarquez, et le récit prend le contrôle. C’est comme dans un avion. Vous embarquez et vous n’avez plus d’autre choix que de vous laisser porter

Geneviève : Vous pensez que ces lectures ont influencé et influencent votre imaginaire

Frederic : Lire, c’est aussi acquérir la conviction que tout est possible, vous avez raison. L’imagination devient le meilleur instrument de la volonté. Ce que font les héros de vos livres, pourquoi ne le feriez-vous pas aussi ?
Oui, mes lectures ont élargi mes horizons et oui, influencé mon imagination. Elles m’ont aussi donné le goût des mots. Il m’arrivait souvent, dès cet âge qu’on dit tendre, de m’arrêter sur une phrase et de me dire « c’est beau ! » Ajoutez à cela que mon père écrivait très bien, avec des mots précis et justes, et un beau style.

Ai-je le droit d’aller me chercher un verre d’eau

Geneviève : oui, un verre d’eau pour notre prévenu svp

Dany : et hop ! … du robinet bien sûr

Frederic : Vous êtes trop bonnes.  Merci pour le verre d’eau. Je ferai part de votre mansuétude à la cour européenne des droits de l’Homme.

Geneviève : Votre père disiez-vous, il écrivait aussi, il a été auteur ?

Frederic : non, mon père n’était pas auteur. Mais un homme venu de la campagne, self made man, devenu ingénieur dans le secteur naissant des télécommunications modernes

Geneviève : ah pardon mais « mots précis et justes, et un beau style » m’ont mise sur une fausse piste

Frederic : Et comme les gens qui se sont faits eux-mêmes, sans l’argent d’une famille riche, il était très exigeant car il savait la valeur des mots. Pour lui, la connaissance, l’éducation et la langue étaient, oui, des trésors et il savait qu’il faut les transmettre.

Geneviève : Télécommunication, télévisons, une histoire héréditaire….

Frederic : oui, vous avez raison, je n’avais jamais fait ce rapprochement, qui me touche beaucoup, au moment où vous l’exprimez.
Donc voilà mon rapport ancien avec les livres et la lecture.
D’autres questions ?

Geneviève : la transgénéalogie, l’héritage émotionnel. Ça ferait aussi un beau thème de polar, non ?

Frederic : Oui, sans aucun doute ! Cela me donne à réfléchir

Geneviève : si je peux aider 😉

Frederic : Et les idées de transmission inconsciente.

Geneviève : Sinon notre 1ère audition touche à sa fin et du coup et la bibliothécaire que je suis aimerai savoir si les bibliothèques ont eu un rôle important dans votre vie

Frederic : ah oui !

Geneviève : mais encore ?

Frederic : Je ne me rappelle pas le nom de la bibliothèque de quartier de la ville où j’ai passé mon enfance, Bayonne, mais je me vois encore errer dans ses rayons, rêvant que les bibliothécaires allaient partir et que je pourrais y passer la nuit à tout explorer. Puis la bibliothèque de la rue Mably, à Bordeaux, j’ai eu passé un temps fou. Et j’adorais le cadre, les tranches des livres, le rituel de la demande de volumes anciens que les bibliothécaires allaient chercher pour moi dans des antres inconnus, aux tréfonds des sous-sols ou des étages

Exactement cette image !

Pour mon livre sur l’architecture néoclassique, l’époque n’était pas encore aux recherches sur internet, la bibliothèque était pour moi un lieu de vie. 

Geneviève : Pensez-vous que les bibliothèques aient encore un rôle social à jouer aujourd’hui ?

Frederic : Je pense que les bibliothèques jouent un rôle pilote dans la manière dont une société se construit. Une bibliothèque, c’est le moyen, avec ou sans argent, de découvrir des valeurs. Les bibliothécaires prolongent le travail des parents et des professeurs. Je me rappelle très bien qu’il y avait dans celles que je fréquentais quelque chose de familial, une sorte de parrainage des bibliothécaires envers les enfants et adolescents, fait de conseils, de recommandations, de générosité.

L’état devrait lancer une grande campagne d’incitation à fréquenter les bibliothèques.

Geneviève : Et surtout à les soutenir en moyens humains et pécuniaires

Frederic : Si les gens allaient aussi souvent à la bibliothèque qu’au parc des princes, la société irait mieux. Oui ! Vous allez trouver que je ne renouvelle pas mes métaphores, mais une bibliothèque, c’est à la fois un cocon et une fusée qui vous emmène au loin

Geneviève : j’aime bien les « bibliothédaires » ça fait biblio et dromadaire, on a l’impression que l’on a une réserve inépuisable de bouquins à recommander

Frederic : 😄

Geneviève : Bon il va être l’heure de vous libérer mais avant j’aimerai vous poser deux questions ?

Frederic : ok

Geneviève : Je recevais jeudi dernier un auteur, scénariste, cinéaste, réalisateur, metteur en scène que j’admire beaucoup, Monsieur Gérard Mordillat. Il me disait qu’il se sentait comme un artiste de variété. Est-ce votre cas ?
Et comme lui n’êtes-vous jamais satisfait du roman que vous avez rendu à votre éditeur ?

Frederic : Comme j’ai produit beaucoup de divertissements, j’ai côtoyé et invité sur mes plateaux des centaines de vedettes, je connais trop cet univers pour me sentir « artiste de variété ». Cependant, si cette formule entend traduire un respect pour les genres populaires, j’y adhère absolument.

Geneviève : c’est ça aussi

Frederic : Bien sûr, un travail supposé achevé a toujours quelque chose de frustrant, puisque vous ne vous pouvez pas le retoucher. Je ferai le parallèle avec la télévision, de nouveau. Quand vous êtes en direct, il est trop tard à chaque seconde, c’est pire. Mais les imperfections du direct font partie de l’excitation, du risque. Tant que le funambule met un pied devant l’autre, tout va bien. Et si le pas vacille un peu ici ou là, cela fait partie de son histoire. Et le funambule passe à un autre défi, qui fait oublier les imperfections du précédent.

Connaissez-vous la manière dont les Japonais considèrent la perfection ?

Geneviève : Non

Frederic : Je connais bien le Japon pour y avoir séjourné, écrit et travaillé. Les Japonais considèrent la perfection comme une imperfection

Geneviève : Moi je crois préférer le doute pour avancer

Frederic : Je m’explique : sur un tableau, une nature morte, par exemple, il faut qu’un fruit soit atteint d’une petite zone de pourriture presque imperceptible au regard. Sans ce défaut, la peinture n’est pas belle. Donc voilà, les imperfections sont là, il faut faire avec. Sinon, on ne vit plus

Geneviève : Je prends votre définition pour moi si vous le permettez

Frederic : Là j’ai bien compris que je parle trop

Geneviève : Non, non, au contraire

Frederic : 😄

Geneviève : On prend tout ce que vous nous donnez. C’est juste que l’heure tourne et qu’il va falloir que je vous laisse souffler.

Frederic : ok, pas de problème

Geneviève : avant votre seconde audition cet aprèm à 16h

Frederic : Ok je serai là

Dany : ce midi jambon beurre ou cassoulet ?

Frederic : canard à l’orange

Geneviève : Pour autant j’ai une dernière question

Frederic : allez-y

Geneviève : Vous n’êtes pas obligé d’y répondre tout de suite.

Seriez-vous d’accord pour venir parler de vos livres passés et à venir à la bibliothèque (Paris 11e) lors d’un apéro polar ?

Frederic : OUI ! j’adore

Geneviève : Alors il nous faudra mettre ça en place, on s’en reparle si après votre garde à vue vous n’êtes pas mis en examen… 

Frederic : avec joie ! Je peux disposer ?

Geneviève : Alors à cet aprèm, même si je risque fort d’être sur une autre affaire, je garderai un œil sur vous et c’est Miss Aline qui mènera les débats avec vous

Frederic : Très bien. A tout à l’heure, alors

Geneviève : Que l’on ramène le prévenu en cellule

Dany : allez on y va !

Frederic : 😟 😔

Geneviève : Et pour le canard à l’orange, on n’est pas un étoilé, donc va falloir revoir vos prétentions à la baisse.

Et hop au cachot !!!

Frederic : sans Grand-Marnier ? Je ferai avec ce que j’aurai

 

——Allez fin de la première audition de Monsieur Frédéric Lepage—–

4 réflexions sur “La GAV : Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses, 1ère audition. 1/4

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