Avis d’expert, saison 2 : Affaire n° 18 : L’affaire Eugen Weidmann.

Avis d’expert, saison 2 : Affaire n° 18 : L’affaire Eugen Weidmann.

 

   Acte 1 : Jeunesse allemande, premiers crimes.

 

  Eugen Weidmann, issu d’un milieu petit-bourgeois, est né à Francfort-sur-le-Main le 5 février 1908 . Son père ayant dû s’engager dans l’armée du Kaiser, il est élevé par ses grands-parents maternels à Cologne. Graine de voyou, il commence sa carrière de délinquant en volant une montre dans les vestiaires de la piscine, forfait qui lui vaudra un premier séjour dans la maison de correction de Burg Dehrn. Devenu adulte, il s’établit au Canada d’où il se fait expulser, en 1931, après avoir commis d’autres délits et passé quelques mois en prison.

 

Sous le prétexte de créer une société de taxis, ses parents lui offrent une voiture. En réalité, le jeune homme ambitionne de faire fortune dans le kidnapping en enlevant un riche héritier mais la tentative échoue, faute d’organisation. IL est arrêté, jugé et condamné à 5 ans et 8 mois de prison effectués en partie dans le camp de travail de Borgermoor et dans la prison de Preungesheim où il fera la connaissance de deux Français, Roger Million et Jean Blanc, incarcérés pour trafic de devises, et de Fritz Frommer. Étant le seul prisonnier à parler leur langue, les trois hommes se lient bientôt d’amitié.

« Eugène Weidmann pose fièrement devant la rutilante Vivastella qu’il a volée à Joseph Couffy, sa deuxième victime »• Crédits : « Bibliothèque Municipale de Versailles »

Après sa libération, il passera six mois chez ses parents puis, en compagnie de Fritz, rejoindra les deux acolytes à Paris le 15 mai 1937, alors qu’en théorie il avait interdiction de quitter le territoire allemand. Les quatre hommes s’installent à la Celle-Saint-Cloud, non loin de Paris, où ils louent une villa appelée « La Voulzie ».

 

   Acte 2 :  Escalade criminelle.

 

  Rejoints par la maîtresse de Jean Blanc, Renée Tricot qui se fait appeler Colette, ils ambitionnent de faire fortune en racolant des gens riches et en les dépouillant de leurs biens. Nous sommes en 1937 et l’Exposition Universelle bat son plein, attirant nombre de touristes étrangers qui représentent pour la bande malfrats autant de victimes potentielles. Mais très vite, on change de plan : kidnapper des gens riches en vue d’une rançon ne semble plus une aussi bonne idée. Trop risqué.Trop compliqué à mettre en place. Pas de rendement immédiat.

Weidmann, mettant à profit son physique avantageux, son intelligence et sa parfaite maîtrise de l’anglais pour se faire embaucher comme interprète, sous le nom de Karrer ; en tout cas, c’est ce qu’il raconte à ses amis. Mais c’est sous l’identité de Bobby Hunter qu’en juillet il séduit sa première victime, la danseuse américaine Jean de Koven, arrivée de New-york sur le paquebot le Normandie. Il n’éprouve aucune peine à l’emmener chez lui, à La Voulzie. Après une soirée passée à discuter, la jeune femme est droguée puis étranglée. Weidmann enterre son cadavre sous le perron de la villa. Malheureusement, le butin s’avère plutôt médiocre : 500 dollars en travellers chèques, vite dépensés par Weidmann.

   Acte 3 :Meurtres en série.

 

  En septembre, Weidmann et ses complices s’en prennent à un chauffeur de grande remise, Joseph Couffy . Afin de s’emparer de sa modeste recette, 1400 francs, ils le tuent d’une balle dans la nuque. Son corps ensanglanté sera retrouvé le long de le nationale 20.

Le 4 octobre suivant, Jeanne Keller, femme de chambre divorcée, estvrecrutée par une fausse annonce recherchant une dame de compagnie. Weidmann et Million l’emmènent dans la forêt de Fontainebleau, au lieu-dit « la caverne des Brigands, à Barbizon. Ils la tuent, également d’un coup de revolver dans la nuque, et l’enterrent aussitôt pour la somme de …50 francs !!

L’équipée meurtrière se poursuit avec l’assassinat de l’impresario Roger Le Blond, le 16 octobre. Recherchant des investisseurs par petite annonce, il fait la connaissance du duo infernal composé par Weidmann et son ami Million. Exécuté lui aussi d’une balle dans la nuque dans leur villa de la Celle-Saint-Cloud, son cadavre, trop facilement reconnaissable, est emporté dans sa voiture et abandonné dans une rue déserte de Neuilly. Ils se partagent la somme de 5000 francs.

Une semaine plus tard, c’est au tour de l’ancien co-détenu de Weidmann, Fritz Frommer, d’être assassiné. Son corps est enterré dans la cave de la villa. Les deux complices craignaient qu’il les dénonce.

Leur dernière victime, Raymond Lesobre, un agent immobilier, est assassiné le 27 novembre 1937. Grâce aux indications de sa secrétaire, la police retrouve dans son bureau la carte de visite déposée par le dernier client avec lequel il avait rendez-vous. Il s’agit d’Arthur Schott, représentant en lingerie. Mais ce dernier se trouvait en Alsace au moment des faits. Toutefois, il révèle aux inspecteurs venus l’interroger qu’il avait donné quelques-unes de ses cartes à son neveu, Fritz Frommer, résidant à Paris. Le jeune homme restant introuvable, la police recherche donc son ami, un dénommé Karrer. 

   Acte 4 : Arrestation.

 

…Dont la police retrouvera la trace début décembre. Le 8, son interpellation à la villa La Voulzie est très mouvementée : accueillis à coups de revolver, les inspecteurs Poignant et Bourquin sont blessés, mais un de leurs collègues vient à leur secours et assomme le forcené à coups de marteaux de tapissier. La photo de Weidmann la tête enturbannée d’un énorme bandage fera le tour des journaux de l’époque, restant célèbre dans les annales de la police.

L’interrogatoire est conduit par le commissaire Marcel Sicot, de la Sûreté Nationale. Weidmann ne fait aucune difficulté pour avouer ses crimes, mais il refuse de dénoncer ses complices. Ces derniers se livreront spontanément à la police quelques jours après son arrestation. Il faudra plus d’une année pour instruire cette affaire.

 

   Acte 5 : Procès.

 

C »est en mars 1939 que comparaissent les membres de la bande devant la cour d’assises de Seine-et-Oise. La défense de Weidmnn est assurée par maître Vincent de Moro Giafferi, un des ténors du barreau de l’époque. Les psychiatres le qualifient de « dégénéré supérieur », ce qui n’empêchera pas le jury de le condamner à la peine capitale ainsi que son complice avéré, Million. Quant aux autres, ce sera l’acquittement pour Renée Tricot et 20 mois de prison pour Jean Blanc. Le 16 juin, le président de la République Albert Lebrun commus la peine de Million à la détention à perpétuité.

 

 

   Acte 6 : Exécution.

 

Weidmann est guillotiné le lendemain, place Louis Barthou, devant la prison de Versailles par le bourreau Jules-Henri Desfourneaux. L’ exécution qui se déroule dans des conditions particulières. Suite à une erreur, délibérée ou non, survenue entre le procureur et Desfourneaux au sujet de l’heure -légale ou solaire- l’exécution aura lieu avec 45 minutes de retard, alors que le soleil est déjà bien haut dans le ciel, permettant ainsi aux journalistes de réaliser la plus importante série de photos d’une exécution capitale et de filmer.

De surcroît, la foule, très nombreuse, parvient à déborder le service d’ordre ne parvenant pas à empêcher certaines femmes de s’approcher si près qu’elles auraient trempé leur mouchoir dans le sang de Weidmann. L’acteur anglais Christopher Lee, alors adolescent, raconte cet épisode dans son autobiographie. Weidmann sera enterré dans une tombe anonyme dans le cimetière des Gonards à Versailles.

Exécution d’Eugène Weidmann, 17 juin 1939• Crédits : STF / AFP – AFP

 

Le gouvernement est tellement embarrassé par ces désordres sur la voie publique que le 24 juin le président du Conseil, Édouard Daladier, promulgue un décret abolissant les exécutions capitales publiques. Désormais, les condamnés seront exécutés dans l’enceinte des prisons, à l’abri des regards du public.

 

15 réflexions sur “Avis d’expert, saison 2 : Affaire n° 18 : L’affaire Eugen Weidmann.

  1. La photo de l’exécution publique m’a glacé le sang !!! C’est une chose de l’imaginer, c’est une autre chose de « voir » qu’effectivement, tout un chacun pouvait assister à la mise à mort d’un individu, et de la façon la plus morbide qu’il soit ! Merci encore pour cet excellent article 🙂

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