Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance, Nick Gardel

Aujourd’hui c’est double chronique sur Collectif Polar

Mais une double chronique un peu spéciale, car ce matin c’est un auteur de Polar-SFFF qui vient nous offrir sa chronique.

Et c’est Michaël Fenris qui nous fait l’honneur de nous présenter le dernier livre de Nick Gardel

Je vous laisse découvrir tout cela


Le livre : Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance de Nick Gardel. Paru le 06 juin 2021 chez Friends Only // disponible sur le site de l’auteur. 18 € (324 pages) ;  13 x 21 cm

4ème de couverture :

D’abord il y a Thibaud, un éducateur spécialisé pour ados en marge, qui s’enfonce de plus en plus dans l’alcool.

Puis il y a Némo Mondragon, le policier flanqué d’un collègue trop bavard, qui enquête sur les femmes qu’on retrouve massacrées chez elle. Violées, tabassées, elles ont expié leurs fautes dans la douleur et l’humiliation.

Tandis que le premier témoigne, à la première personne, du désespoir de sa chute irrémédiable entre pertes de mémoire et tragédie sociale, le second décortique les vies des victimes pour tenter d’y trouver un point commun.

Une histoire de trahison, de vérités de comptoir, de dérive sociétale et de bons mots éthyliques. Une histoire pour comprendre que l’oubli n’est pas rédemption.

L’auteur : Nicolas Juan s’est offert le pseudonyme de Nick Gardel pour laisser libre cours à sa passion de la phrase bien tournée et du mot bien placé. Plus habitué au polar humoristique à la verve cynique et aux rebondissements foutraques, pour la première fois avec Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance, il durcit le ton et soulève un peu le voile pudique sur son quotidien. Enseignant pour des élèves à la marge du système, il connait bien ces enfants qui ont des troubles du comportement, mais aussi des comportements qui troublent.
Extraits :
« Les situations personnelles des gamins étaient toutes plus sordides les unes que les autres. Abandons, maltraitances, drogue et alcoolisme étaient leur base de départ dans l’existence. Les erreurs de leurs parents en héritage. Un mauvais terreau pour pousser sans grandir. Le manque d’implication de gens présomptueux qui avaient fait des enfants par mode, par habitude, par caprice, « parce que ça se faisait », sans jamais prendre conscience de la charge et de l’énergie que cela pouvait exiger. On se reproduisait d’abord, on réfléchirait plus tard… Au petit bonheur la chance, comme on achèterait un billet de loterie. Sauf que l’échec ici était retentissant. Un échec parental comme premier pas, la résilience comme unique chance de s’en sortir. Il fallait que ces mômes soient forts, bien plus que les autres. »
« La connerie se pratique en bande, elle y trouve une justification. Le pluriel cher à Brassens n’est pas un concept de misanthrope, il est la pierre angulaire de la paresse intellectuelle. À plusieurs on ne multiplie pas la puissance de réflexion, on soustrait juste les filtres qui vous empêchent de dire des absurdités. Suffit de consulter les réseaux sociaux ou les meetings politiques pour s’en persuader. »

La chronique de Michaël Fenris

Ceux qui boivent… Nick Gardel

 

Chroniquer le dernier roman de quelqu’un que tu estimes au point d’être bien plus qu’un simple ami est toujours un exercice compliqué. D’autant plus quand l’auteur excelle dans un genre qui demande beaucoup de finesse d’esprit, entre humour noir et potache et véritable drame, comme savait par exemple si bien l’exécuter un certain Frédéric Dard au début de sa carrière. C’est que savoir jusqu’où forcer le trait et appréhender les qualités et les défauts de personnages de papier qui hantent les pages de romans demande du tact, du doigté, sous peine de franchir la ligne blanche.

L’humour à la Audiard et à la Simonin, Nick Gardel la pratique de longue date dans des romans aussi savoureux que Droit dans le mur, Laisse Tomber ou Le bruit dans ma tête. Avec Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance, il adopte un autre versant de son talent de conteur, dont on peut se faire déjà une idée avec Morts Chroniques et Sans queue ni tête. Ici, c’est le Noir qui domine.

Une femme est assassinée, sauvagement, le meurtrier ne lui a laissé aucune chance. Comme pour mieux lui faire payer son passé de professionnelle du sexe. Le flic chargé de l’enquête, le capitaine Némo Mondragon, voudrait comprendre ce qui peut pousser un individu à de telles extrémités. Pour se faire, il doit compter sur son collègue Guérineau, incorrigible phraseur, une sorte de monsieur Jourdain en uniforme. Et puis, de l’autre côté, il y a Thibaud, éducateur spécialisé dans la prise en charge des jeunes que l’on qualifie pudiquement « en rupture de ban », qu’un drame personnel pousse à boire jusqu’à la déraison. Et pour cela, il peut compter sur ses camarades professionnels du lever de coude, pilier de bar du coin, le Fenris (merci pour ce clin d’œil renouvelé) Pendant que le policier se livre à un véritable décryptage des moeurs des locaux, Thibaud s’enfonce de plus en plus dans la déraison. C’est lui qui intervient, qui parle à la première personne, comme pour mieux capter l’attention du lecteur, comme un invite à contempler sa déchéance mais pas vraiment comme un appel au secours.

Et comme toujours chez Nick Gardel, tout ce petit monde va se télescoper dans un bordel qui n’est cette fois pas joyeux. Parce bien sûr, il y aura d’autres victimes…

Avec Ceux qui boivent…, Nick ne craint pas de poursuivre dans le style de son précédent. La construction du roman est très « Christienne » si l’on me pardonne ce néologisme, dans le sens où je lui ai trouvé une ambiance à la Agatha Christie du Meurtre de Roger Accroyd. Ou à la Simenon dans ses romans qu’il qualifiait lui-même de romans durs. Même si les dialogues sont toujours aussi savoureux, les réparties font mouche et fusent au détour d’un paragraphe comme pour alléger la tension distillée tout au long des pages, l’ambiance est indiscutablement plus sombre, plus fouillée, presque plus désespérée.

Plus personnelle aussi, puisqu’il y aborde un milieu qu’il connaît bien, celui de l’enfance désacralisée dans un descriptif qui tient aussi de l’introspection.

J’ai toujours été convaincu que Nick Gardel avait l’étoffe d’un grand auteur de polar, ce roman le prouve une fois de plus.

Et je suis d’autant plus admiratif que je serais bien incapable de reproduire cette ambiance, l’alternance de moments légers après le drame comme l’onguent sur la blessure.

Si vous ne savez pas encore quelle sera votre prochaine lecture, il ne faut plus hésiter: ce sera Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance.

4 réflexions sur “Ceux qui boivent pour oublier sont priés de payer d’avance, Nick Gardel

Vous avez la parole, laissez un commentaire, ça fait toujours plaisir.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s