La GAV : Sébastien Gendron sous le feu des flingueuses, troisième audition. 3/4

La GAV : Sébastien Gendron sous le feu des flingueuses, troisième audition. 3/4

Suite de la Garde à vue de Monsieur

Sébastien Gendron

3e interrogatoire par  Fanny Haquette

 

La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.

La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.

Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.

Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 4h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.

Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé,  ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !

Nous recueillons leurs confidences.

Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).

Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre hier matin et cet après-midi

Allez, place à la GAV de Sébastien Gendron

Fanny H : Hello la brigade, peut-on extraire le prévenu de sa cellule ?

Ah le voilà !

Seb : Bonjour Mesdames.

Dany : Bien dormi parmi les cafards ?

Seb : C’était vraiment super. Comme à la maison

Fanny : Et bien tu vas y rester alors si tu aimes tant que ça !

Seb : Avec plaisir.

Fanny : Bon alors j’ai relu le dossier d’hier, perso, je souhaiterai en savoir plus sur ton prochain livre, plus c’est-à-dire tout !

Seb : Ok…

Ce que je peux en dire dépend un peu de la date de parution de cette garde à vue. Si c’est après le 8 décembre, je peux vous en parler. Avant, faut que je voie mon avocat…

Fanny : Ce sera après, on va s’arranger.

Seb : Alors je peux à peu près vous dire presque tout.

Fanny : Oui !

Dany : Seb, faut penser aux petites mains de la mise en page … après le 8/12 assurément !

Seb : Alors c’est super comme ça.

Vous me posez une question ou je balance tout comme ça ?

Fanny : On veut savoir heure, jour, mois, année, témoins, preuves ?

Seb : Bon. Bien.

Fanny : Tout ! Balance !

Seb : Alors c’est parti. L’heure, ça sera sans doute celle d’ouverture des librairies. Le jour, j’imagine que ce sera un jeudi puisque c’est le jour des offices. Le mois, ce sera en mars. Et l’année, celle qui vient. Ça s’appellera Chez Paradis et ce sera à la Série Noire.

Fanny : As-tu commis ce méfait seul en ton âme et conscience ?

Seb : C’est marrant que tu poses cette question parce que justement j’ai fait appel à quelques camarades pour cette histoire, un peu à la manière des guests sur un album.

Fanny : Je suis bien informée… Peut-on avoir des noms ??

Seb : Mais l’ensemble de l’affaire est de moi.

Fanny : Les filles notez ! Le prévenu avoue.

Seb : Attention, ce sont des complicités non contractuelles. Je veux pas qu’il leur arrive des problèmes.

Fanny : Aucun souci, tu prendras pour eux.
Donc peux-tu me parler d’eux ? De ce que tu leur as demandé ?

Seb : Antonin Varenne. Benoit Séverac. Xavier Hacquart. Pierre Pelot

Fanny : Quelles infos intéressantes t’ont-ils filées ? De quoi avais-tu besoin ?

Seb : Les trois premiers pour une raison simple : mon personnage principal conduit une moto. Et je suis une bille en 2 roues. J’ai donc demandé à Séverac et Hacquart qui font partie de cette espèce de bande de types qui s’emmerdent tellement qu’ils pensent la moto comme source de philosophie. Bon, c’est leur problème. Mais ils m’aiment bien alors ils m’ont filé des plans sur le pot double détente pour les mobylettes, tout ça, des trucs dans leurs cordes, quoi.

Fanny : Et le dernier ?

Seb : Quand c’est devenu plus sérieux, j’ai fait appel à Antonin Varenne qui a écrit le fantastique Dernier tour lancé à la Manufacture de Livres. Bon bref, trêve de plaisanterie, ils m’ont filé pas mal de plans qui m’ont bien servi, notamment le modèle de la moto qui a bien failli servir de titre au roman, la 7 1/2 de Honda.

Enfin Pierre Pelot, parce que Chez Paradis est une sorte d’hommage à L’été en pente douce et que ce grand monsieur a dit beaucoup de bien de mes deux derniers bouquins. Alors je l’ai contacté et je lui ai proposé un truc. Mais ça, j’en dis pas plus.

Fanny : Mouais, mais que leur as-tu promis en échange de ces plans ??

Seb : Qu’ils auraient leurs noms au générique de fin. Et c’est vrai. Ils l’ont. Parce que je fais toujours un générique de fin pour mes romans.
C’est mon côté réalisateur frustré.

Fanny : Revenons à Chez Paradis, peux-tu nous en dire plus sur l’histoire et ses personnages ?

Seb : Ça part du braquage d’un fourgon blindé dans les années 80 au cours duquel un gamin est blessé par une balle perdue, tirée par l’un des convoyeurs. Le type le laisse pour mort et escamote un sac de billet. 30 ans plus tard, le gamin a évidemment grandi mais sa vie est foutue. Quand il recroise par hasard le convoyeur, il décide de le suivre pour se venger. Entre temps, le convoyeur aussi a raté sa vie. Il est devenu garagiste sur un plateau perdu du genre Larzac et il s’est attiré tellement d’emmerdes que même dans ce trou perdu, il y a la queue pour lui régler son compte.

Fanny : Tu me sembles t’être inspiré de réels faits divers en ce qui concerne le braquage ?

Seb : Non, tout ça est tiré d’une histoire fausse. Ça va d’ailleurs devenir ma nouvelle signature : « tirée d’une histoire fausse »

Seb : Des braquages, il y en a eu à la pelle dans ces années-là. C’était même assez courant d’après ce qu’on m’a raconté. Du coup, je me suis bien amusé à reconstituer ce braquage en zone industrielle désaffectée, dans un lieu qui ressemble un peu à ce qu’était la rive gauche de Bordeaux à cette époque.

Fanny : Oui voilà c’est pour cela que j’ai pensé à ça. C’est l’époque du grand banditisme.

Quelqu’un a-t-il écrit la préface ou le bandeau ?

Seb : Pas de préface, pas de bandeau. En revanche un pré-générique et un post-générique. On aurait bavé dans mon dos, lieutenant Fanny ?

Fanny : Euh, c’est moi qui pose les questions ici

Seb : Ouais d’accord, je vois le genre…

Fanny : Pourquoi cette histoire ? Qu’avais-tu besoin de raconter ?

Seb : A l’origine, c’est un feuilleton que j’ai écrit il y a une dizaine d’année pour un éditeur numérique qui s’appelle Storylab. Un truc en 6 épisodes dont j’ai toujours voulu combler les trous. Donc, c’est devenu cette version longue et finalement très différente qu’est aujourd’hui Chez Paradis.

Fanny : Sympa, donc il était resté ancré en toi.
Et sur la couverture, peux-tu nous en dire plus ?

Seb : Oui, complètement. Après les mégalodons, j’ai eu envie de faire une histoire plus resserrée sur mes personnages, en limiter l’espace d’attaque. Tout en préparant quand même un truc un peu symphonique pour la fin.

La couv’, j’ai laissé complétement faire Gallimard. Je pars du principe, au 18ème bouquin que c’est pas mon boulot. J’écoute, je regarde, je me rends compte que ce que j’adore c’est pas forcément ce qui se vend. Alors je dis « ça j’aime bien « . Voilà. Je commence sans doute à me faire vieux, moi je préfère quand y a pas de photos, juste des lettres blanches et jaune sur un fond noir. Mais bon…

Fanny : Tu as l’air de visualiser beaucoup en écrivant non ? On dirait presque un scénario pour un film.

Seb : Cette fois, je me suis dit que j’allais faire un truc adaptable par le cinéma histoire de pouvoir me payer une baraque en Creuse avec une patinoire dans le jardin. Mais, bon, avec mon final, je crois qu’une fois encore faudrait une coproduction avec les Américains et les Chinois, alors c’est mal barré. J’aurais peut-être de quoi faire réparer des tuiles sur ma toiture en Charente-Maritime.
Juste avec les droits d’auteur.

Faut pas que je dise ça, mon éditrice va m’engueuler.

Sinon, oui, je vois tout ce que j’écris. Là aussi, mon côté réalisateur frustré.

Fanny : Faut assumer ! Trop tard ! Nous on note TOUT

Seb : Enfin frustré, non, du coup. Je me rattrape plutôt bien, je trouve.

Fanny : Oui voilà, toujours ce côté réalisateur qui se sent bien quand tu en parles. T’arrive-t-il même d’imaginer les acteurs ?

Seb : Ça c’est plus compliqué parce que j’ai jamais de visage en tête pour mes personnages. J’y arrive pas. C’est pour ça que je les décris presque jamais. Ou alors très succinctement. J’ai un projet en cours dans lequel je décris mes personnages en disant des trucs du genre « C’était le portrait craché de Claude Gensac ». Ça donne un casting très année 60. Dans Paradis, j’use d’un subterfuge dans ce gout là aussi pour donner une image au personnage central mais c’est plus une boutade pour attirer un comédien sur une adaptation éventuelle qu’un vrai truc narratif.

Fanny : J’aimerai en savoir plus sur ton côté réalisateur et le cinéma dans ta vie. A quelle période, le petit garçon que tu étais ou l’ado a-t-il laissé entrer en lui un film ou plusieurs ? Et lesquels ?

Seb : Y a un épisode hyper marquant dans ma vie de gosse. On allait faire du ski de fond avec mes parents tous les hivers à Barèges, dans les Hautes Pyrénées. Et un hiver, ça devait être en 1978, paf, tout le parking est squatté par des tas de camions et à l’entrée des pistes, un truc immense avec plein de gens et des lumières partout. J’ai 8 ans, je sais pas ce que c’est, mon père m’explique : c’est un tournage de film. Déjà, j’adore le cinoche, mais là je comprends que je vais pouvoir voir comment on fait. Alors immédiatement, mon père et moi, ça nous fascine et on va trainer un moment autour de ce plateau. Plus tard, j’apprendrais qu’il s’agit du tournage de Passeur d’homme de JL Thompson et que le type que mon père mitraille avec son appareil photo, assis là-bas sur son fauteuil pliant, c’est Anthony Quinn. Un peu plus loin – je le découvrirai plus tard aussi sur les diapos de mon père – il y avait James Masson et Malcolm McDowell. Je raconte souvent que c’est là que ça m’a pris. Je sais pas si c’est vraiment à ce moment-là, parce que ça a dû infuser plus longuement, mais un truc est sûr c’est qu’après, j’ai plus regardé les films de la même manière et j’ai commencé à goinfrer toutes les infos que je pouvais, pour savoir comment ça marchait tout ce barnum. Quand Eddy Mitchell a débarqué avec sa « Dernière séance » sur FR3, j’étais déjà dedans jusqu’à la glotte, il m’a carrément mis la tête dedans.

Fanny : J’imagine bien la chouette expérience pour l’enfant que tu étais !

Seb : Alors à partir de là, nommer les films qui m’ont maintenu dans cet état, ce serait un travail de mémoire compliqué parce que j’ai souvent fait beaucoup d’allers-retours entre l’actualité et l’histoire du cinoche. Et que j’adore tout un tas d’époques.

J’ai pas skier ce jour-là. Enfin, c’est surtout que tout d’un coup, le ski de fond est devenu très chiant pour moi. Fade comme un téléfilm français.

Fanny : Je partage ta dernière opinion ou presque car il y a quelques exceptions. Et actuellement, disons depuis quelques années, as-tu un genre cinématographique en particulier ? Te rends-tu au ciné ?

Seb : Evidemment, je me retrouve beaucoup dans les films de Tarantino.

Fanny : Pour quelles raisons ? Le côté délirant ou gore ?

Seb : Parce qu’il convoque pas mal des mouvements que j’ai suivis. Comme le fait Fincher d’ailleurs. Tarantino est un dingue compulsif. Ces types ont une telle culture de l’image que pour un type de cinquante ans comme moi, j’ai l’impression qu’ils me font des clins d’œil toutes les 5 mn. Once upon a time in Hollywood est selon moi un des plus grands films sur le cinéma qui soit. Non seulement dans ce qu’il raconte sur l’acteur, mais aussi sur la naissance de l’image animée. Tout au long du film, vous avez ces longs travellings latéraux sur des voitures qui passent ou des types à cheval, et il y a toujours à l’avant plan une barrière ou des obstacles visuels qui viennent hacher l’image et qui rappellent les chronophotographies de Muybridge, l’un des types grâce à qui le cinéma existe.
Donc, Tarantino vient titiller chez moi tout ce que je sais de ce monde de l’image et tout ce que j’aurais voulu en faire. Mais que j’écris du coup et sans limite depuis bientôt vingt ans.

Fanny : Donc tu as gardé l’œil derrière la caméra, aimerais-tu passer devant ?

Seb : Comme acteur ?

Fanny : Oui

Seb : Les rares fois où ça m’est arrivé ont été des catastrophes. J’ai longtemps été assistant metteur en scène, donc les réal voulaient me faire faire des panouilles pour économiser le cachet d’une figurant parlant. La dernière fois, c’était dans un hôpital, je devais jouer un père qui vient chercher son môme en cancérologie. Quand le réal a dit « action », je me suis penché en avant, j’ai dit au gamin qu’était dix mètres devant moi : « Antoine, viens voir Papa ! » et j’ai claqué mes cuisses comme quand on appelle son chien. J’ai été coupé au montage.

Fanny : Original ! En effet !

Sinon tu retranscris parfaitement ce que tu ressens pour Tarantino en tout cas.

Et donc, vas-tu au ciné ?

Seb : Alors non. De moins en moins. Je pleure sur l’époque où j’y allais le matin et où les grandes salles étaient à moitié désertes parce que ça n’était pas encore entré dans les mœurs. Aujourd’hui, entre les bouffeurs de popcorn et les cons qui peuvent pas s’empêcher de consulter leur téléphone parce que 2 heures hors du monde réel ça leur est compliqué, je peux plus. Tu demandes aux gens de se taire, d’arrêter de fouiller leur sac de Michoco ou d’éteindre leur merde maintenant que le film a commencé, tu passes pour le dernier des connards. L’année dernière, y a un type qui m’a attendu à la sortie d’un MK2 sûrement pour me péter la gueule parce que j’avais osé lui demander de ranger son sandwich ou au moins de virer l’emballage qui faisait du bruit. Mais ce débile se met à bouffer au moment où les lumières s’éteignent et alors que le film commence par des personnages qui chuchotent !!! Ça coute 10 balles, une séance, bordel. Les gens s’en foutent. Ils viennent bouffer au chaud, on dirait. Et puis de toute façon, ça devient n’importe quoi. On trouve plus le nom du réal sur l’affiche. C’est « le nouveau film des producteurs… » ou « par les créateurs de… ». Le top a quand même été atteint en septembre de cette année pour la sortie de Julie en 12 chapitres avec sur l’affiche l’image de la comédienne surmontée de l’indication « Prix d’interprétation féminine Cannes 2021 » et nulle part le nom de la comédienne…

J’ai résolu le problème : j’ai acheté un grand écran, un bon lecteur de DVD et bluray, un abonnement à Netflix, et on m’emmerde plus et j’emmerde plus personne.

Fanny : C’est pas totalement faux…

Seb : C’est carrément la triste réalité tu veux dire.
Le pire c’est que ce sont les passionnés de cinoche qui sont foutus à la porte de ces salles dans lesquelles les gens se comportent comme s’ils étaient dans leur salon avec une télécommande à la main.

Fanny : Plus dans les grands cinémas je pense, moins dans les plus petits.

Seb : donc, c’est nous qui finissons dans notre canapé.

Fanny : Ici zéro canapé désolée.
Ah tu aimes les séries aussi donc ?

Seb : Les séries, je fais gaffe. C’est un piège total. Je sélectionne, j’écoute ce qu’on m’en dit. Et je privilégie les mini-séries. Un des derniers trucs avalés tout cru, ça a été Mare of Easttown avec Kate Winslet. Chef d’œuvre. Et j’ai revu Show me a hero avec Oscar Isaac, de David Simon, Mr. The Wire. Putain, mais ça c’est trop énorme.

Fanny : Pas de séries horreurs ou polars sur Netflix ?

Seb : Pendant ce temps, en France, on passe 4 ans à faire deux pauvres saisons des Revenants et huit sur Un village français. Trop long, trop chronophage. Je me suis trop fait avoir. La dernière en date, c’était Start up, super première saison, avec le sosie de Christopher Walken en black, et le génial Martin Freeman, et puis plof ! Deuxième saison de merde…

Fanny : Tu n’as pas vu Zone Blanche ? Réussie pour ma part.

Seb : Non, pas vu.

Fanny : Ah oui les séries sont chronophages. Mais pour les autres pays aussi.

Et le théâtre ? Aimes-tu ?

Seb : Oui, bien entendu. Paris pour ça aussi, c’est plutôt le bonheur.

Fanny : As-tu un théâtre de prédilection ?
Un genre également ?

Seb : Aucun à vrai dire. Je suis trop amateur pour ça. Wajdi Mouawad me fait mal partout donc j’aime. Ma femme m’a fait découvrir le travail de Jean-François Sivadier avec Italienne scène et orchestre et là je me suis dit : « Je veux faire ça » sauf que je suis pas metteur en scène de théâtre. Ce qu’a fait Zabou Breitman au français avec Feydeau m’a fait hurler de rire. J’ai toujours été dingue de Deschamps. En fait, j’ai pas de genre de prédilection parce que si ça allume une lumière dans ma tête, je signe pour le prochain. Et puis j’ai fait pas mal de théâtre dans les années 80 90 avec des gens qui nous trainaient voir des trucs de malade. Et surtout à Bordeaux, on avait le festival Sigma, donc ce qui se faisait de mieux comme fenêtre sur le monde, mais heureusement pour les bons Bordelais de souche, Juppé est arrivé et a tout foutu par terre.

Fanny : Le théâtre t-a-t-il apporté quelque chose dans l’écriture ?

Seb : Oui, sans doute sur le travail du dialogue. Par exemple, je ne fais jamais aucune incise dans mes dialogues. Je m’arrange pour qu’on comprenne qui parle mais c’est tout. Ça me donne l’obligation de faire un peu de gymnastique narrative parce que contrairement à une pièce radiophonique, il n’y a pas de voix reconnaissables à l’oreille et je me refuse à faire des dialogues indicatifs du genre : « Dis-moi Pierre, comme tu le sais hier soir toi et moi sommes allez boire un verre avec Mireille ! » « Tout à fait François, d’ailleurs Mireille avait cette jolie robe que tu aimes tant, tu sais : la jaune ». Voilà l’apport principal du théâtre. Et aussi peut-être à installer mes scènes dans des cadres contraints pour ensuite tout péter et surtout le quatrième mur.

Fanny : Et si tu devais ne choisir plus qu’un art ? Le cinéma, le théâtre ou l’écriture ? Cruel dilemme je sais. Et pourquoi ?

Seb : Le Cinémature, de toute évidence ! Hors de blague, l’écriture. Le seul truc que je puisse faire en ne comptant que sur une seule personne : moi. Donc, c’est tout vu. Le cinéma, ça n’arrivera pas ; en tout cas pas depuis l’œilleton d’une caméra. Le théâtre, je vois pas bien comment. En revanche, le clavier, en tout cas pour l’heure, ça m’a l’air d’être une affaire pour moi. J’ai à peu près toute ma tête, j’ai décidé que j’aurai plutôt La Tourette qu’Alzheimer. Donc bon.  Ca me laisse de la place sous la cafetière pour toutes les conneries que j’ai encore à raconter.

Fanny : On me demande si par clavier tu veux dire piano ? Lol

Seb : Je sais même plus jouer Une souri verte.

Fanny : Dommage…

Seb : Bof !

Fanny : Sinon revenons à Chez Paradis, as-tu déjà l’idée d’une suite ou pas du tout ?

Seb : Non, je fais rarement des romans à suite. A vrai dire, il n’y a même eu que Le tri sélectif des ordures qui a occasionné une suite car le personnage est sériel et que j’ai même prévu un troisième opus si ça me reprend un jour. La seule chose que je me permets depuis Révolution c’est de faire revivre un personnage que je tue à chaque fois, toujours le même. Il est Chez Paradis, il est dans un scénario que je développe en ce moment. Il meurt à chaque fois et à chaque fois, il revient. J’aime bien l’idée. Elle ne sert à rien. Ça doit être pour ça.

 

Mais quand j’en ai fini avec une histoire j’en ai fini avec ses personnages. Même avec Fin de siècle où je reprends là où j’avais arrêté Quelque chose pour le week-end je n’ai pas utilisé les personnages, ni les lieux.

Fanny : Ça rejoint encore carrément le côté cinéma avec une sorte d’idée fantastique surréaliste. Il meurt mais revient, ce personnage s’appelle Mickael Myers par hasard ?

Seb : Pas bête. Mais alors une sorte de Mickael Myers pensé par son homonyme acteur Mike Myers !

Fanny : Là, tu tiens un bon scénario ! On pourra avoir un rôle ? Et éventuellement on pourrait envisager de te laisser sortir un jour !

Seb : Ça serait pas mal, je vais finir par avoir des escarres.

Fanny : On a de la Biafine.

Seb : dit-il alors qu’il passe ses journée assis sur son cul à écrire.

Fanny : En plus !
Donc tu dois avoir un sacré stock de Biafine chez toi !

Seb : Même pas.

Fanny : Encore une petite question

Seb : Shout ! Shoot !

Fanny : Non pas de drogue ici ! Sauf des drogués du livre

Sinon est-ce que tu as besoin des avis de ton entourage pour te réaliser en tant qu’écrivain ? De tes proches je veux dire, à la maison.

Seb : Jusqu’à il y a encore quelques années, personne ne lisait mes manuscrits tant que c’était pas devenus des livres. A part mon éditrice, bien entendu. Et puis je me suis attendri parce que je partage ma vie avec une écrivaine et que son œil est important. Mais c’est le seul élargissement que je me permette à ce stade. Pour ce qui est de l’avis de l’entourage une fois le livre là, c’est compliqué parce que l’entourage est sans doute le pire des juges qui soit. Déjà que c’est compliqué d’expliquer pourquoi on a aimé ou pas un livre, en parler avec l’auteur c’est pire. Et alors si l’auteur est ton fils, ton frère, c’est même pas la peine. Donc mon entourage me dit qu’il a aimé et parfois me pose une question qui me laisse entendre qu’un truc est resté coincé en travers tout de même. Ça c’est mieux déjà. En tout cas mieux que certaines fois où j’ai entendu : C’est bien, mais j’ai eu besoin du dictionnaire pour suivre… ça, en général, ça me laisse pantois…

Fanny : Je me doute !

Seb : Mais je suis écrivain parce que je l’ai décidé et je l’ai dit. Sinon, l’entourage continue de me demander « Mais comme vrai métier, tu fais quoi ? »
Enfin ça s’est un peu calmé.

Fanny : Et c’est quoi la réponse ? Lol !

Seb : Maintenant que tout le monde écrit, les gens semblent mieux percevoir qu’on puisse essayer de gagner sa vie en racontant des histoires. De serial killer notamment.

Fanny : En tout cas merci pour toutes tes réponses à cet interrogatoire mais nous avons délibéré et ...

Tu retournes en garde à vue !

Seb : Merde !

Fanny : Et oui, tu passeras à 18h avec Dany !

Seb : Bon, d’accord…
En tout cas merci pour cette séance.

Fanny : En sortiras-tu indemne ? La suite au prochain épisode !
Merci à toi

Ge : Merci messieurs dame pour ces petites confidences, Dany repose toi, il faut que tu sois en forme pour interroger à ton tour notre suspect. Allez,  fin de la troisième audition.

Chez Paradis

Collection Série Noire, Gallimard
Parution prévisionnelle : mars 2022

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