Octobre à Paris, Gérard Streiff

Le livre : Octobre à Paris : Les enquêtes de Chloé Bourgeade de Gérard Streiff. Paru le 7 octobre 2021 chez La Déviation. 12€. (129 p.) ; 20 x 12 cm

4e de couverture :

Un policier retraité est retrouvé noyé dans la Seine.

Des noyés, la Seine en avait connu beaucoup le 17 octobre 1961.

La répression de la manifestation parisienne des Algériens avait fait des centaines de victimes.

Bien des années après on dénombre plusieurs morts suspectes chez d’anciens policiers.

Chloé Bourgeade, détective privée, va mener l’enquête et tomber sur le tract qui tue.

 

 

L’auteur : Gérard Streiff est né en Moselle à Moyeuvre le 17 mars 1949. Il suit à Strasbourg les cours de Sciences-Politiques (1967-1970), puis de l’Institut des hautes études européennes (1972). Il reprend ses études sur le tard, passe en 1997 un DEA à l’IEP de Paris et signe une thèse (1997-2001) consacrée au dirigeant communiste Jean Kanapa qui lui vaut le grade de Docteur de Science Po Paris en histoire. Il journaliste et écrivain. Il restera au secteur international du PCF de 1973 à 1981. Il sera ensuite le correspondant à Moscou du quotidien L’Humanité, jusqu’en 1986.Il écrit plusieurs essais, livres pour la jeunesse, biographies et romans. On lui doit Les enquêtes de Chloé Bourgeade des polars mêlant dossiers du passé et actualité récente.

 

Extrait : 
L’escalier de pierre donne sur le vide. On devine en aplomb une étendue d’eau noire. De part et d’autre de la volée de marches se tiennent des policiers, leurs visages disparaissent sous un large casque et d’énormes lunettes de motocycliste. Ils portent un manteau de cuir tombant sur de hautes bottes, brandissent des matraques. Des civils, des Maghrébins, en file indienne, gravissent l’escalier. Ils sont frappés, méthodiquement, les flics visent la tête, ils tapent pour tuer. Au sommet, ils précipitent les suppliciés dans le vide. Les corps virevoltent et s’écrasent sur la surface de l’eau dans un claquement sec.
Ce bruit réveille Chloé Bourgeade. Elle a un peu de mal à prendre ses marques, redécouvre sa cabine, en désordre. Le hublot donne sur la passerelle Mornay qui enjambe le bassin du port de l’Arsenal. Au loin, le ciel est parfaitement bleu. l’Andante, la péniche miniature qu’elle partage avec son ami Racine, se balance très légèrement. La jeune femme se lève. La cabine de son colocataire est fermée, il n’est pas du matin.

La Kronik d’Eppy Fanny

Octobre à Paris – Les enquêtes de Chloé Bourgeade

De Gérard STREIFF Aux éditions LA DEVIATION

ISBN 9-791096-373390

L’histoire : Celle de Chloé Bourgeade, qui travaille comme détective privée pour l’agence « Le Sémaphore », sous la coupe de Marike Créac’h.

Une nouvelle enquête vient de lui être confiée par la patronne.

Un nouveau client, Pierre Leglay, DRH dans la grande distribution, vient de perdre son père dans des circonstances étranges. Retrouvé noyé sur un terrain qu’il connaissait par cœur. De plus il n’avait aucun souci de santé.

Le père de Pierre était policier en retraite. En fouillant dans les affaires du défunt, le fils a trouvé la photocopie d’un vieux tract, deux feuillets recto verso. Le texte indique « Un groupe de policiers républicains déclare… » et porte la date du 31 octobre 1961.

Le tract, non signé, évoque de façon détaillée les diverses phases de la répression d’une manifestation parisienne des Algériens, qui a eu lieu le 17 octobre 1961. Les policiers qui informent, via ce tract, y donnent des noms, dont ceux de plusieurs responsables, qui ont supervisé, couvert, voire même encouragé ces crimes. Dont Leglay père.

La mort du retraité serait-elle due à une vengeance, après tant d’années ?

Chloé, au titre de son enquête, va remonter le temps. Se plonger dans les archives, tenter de trouver des témoins, s’imprégner des lieux. Son enquête n’est pas forcément la bienvenue.

L’agence est visitée et elle reçoit des menaces.

C’est que cette sale guerre, qui n’a dit son nom officiellement qu’en 1999, divise encore et toujours. Et il est des secrets que l’État souverain ne souhaite pas voir ressurgir, quitte à les minimiser, voire à les nier !

Chloé a déjà entendu parler de la manifestation indépendantiste d’octobre 1961, et de sa répression sanglante. En revanche elle ne savait pas que des policiers, via ce tract, s’étaient adressés à leurs collègues pour alerter.

Extrait P.17 :

« Elle lit : « les tortionnaires jetèrent des dizaines de leurs victimes dans la Seine qui coule à quelques mètres. (…) M. Papon, préfet de police, et M. Leglay, de la police municipale, assistaient à ces horribles scènes » ».

Racine, bibliothécaire cultivé, avec qui elle partage beaucoup, à commencer par leur péniche, lui confirme l’authenticité du tract.

La guerre d’Algérie est revenue dans l’actualité. Chloé écoute les émissions, les débats, court les réunions. La voici dans la salle de celle organisée par l’association « octobre », qui réunit des historiens et des témoins de la manifestation de 1961.

L’intervention d’un journaliste algérien attire particulièrement son attention. Il s’agit d’Ihsane Khider, dont le père et l’oncle sont venus en France en 1950 pour travailler. Son père, Tayeb, a été embarqué par la police en septembre 1961.  Il assista à des horreurs et fut lui-même battu et jeté à la Seine. Terrorisé, enfermé chez lui après ce qui lui est arrivé, il ne participa pas à la manifestation du 17 octobre. Ça lui sauva la vie.

Son frère Lounes, l’oncle d’Ihsane, se rendit à la manifestation. Il n’en revint jamais.

Chloé se présente à Ihsane. Elle souhaite en savoir plus.

Ihsane lui raconte le retour de Papon en 1959 à la préfecture de police. Il rapporte dans ses bagages la milice harkie, qu’il a créée, et qui était chargé d’infiltrer les fellaghas. Une milice d’état sur le sol parisien. Une milice totalement en marge des lois.

Ils vont rencontrer un témoin de l’époque qui va dérouler, pour eux, les horreurs du passé. Ce que subissait les « clients » de ces caves. Et ceux, nombreux, qui n’ont pas supporté les tortures et n’en sont jamais ressortis.

Chloé, atterrée, va découvrir la vérité sur ce passé français peu glorieux. Un ulcère purulent, dont le pus, épais et nauséabond, ne cesse de dégouliner encore aujourd’hui.

Un autre policier retraité, identifié comme vieux facho, meurt lui aussi. La vengeance continue-t-elle ?

Extrait P.37 :

« Chloé, songeuse, ferme son écran. Drôle d’histoire, décidément, drôle d’enquête : un bonze l’épie, un corbeau lui distille des informations (merci), un flic boit la tasse, un autre s’enflamme. Elle ne comprend pas bien le mode d’emploi. Et elle a horreur de ne pas comprendre. »

Chloé ira au bout de son enquête.

Nous la retrouverons prochainement dans une autre histoire.

J’aime à penser que Gérard y travaille.

Ce récit partiellement fictif est une excuse pour nous parler, avec brio, d’une page de notre histoire dont certains démentent encore la véracité ou la minimise, et dont d’autres, pour des raisons peu glorieuses, sont nostalgiques.

Le fait que Gérard soit journaliste nous offre un ouvrage particulièrement documenté et construit. Le tract qui est abordé dans ce roman a existé. C’est sa lecture par l’auteur qui a donné naissance à cet ouvrage. CF. son intervention lors du salon du polar Noir et Social de Vitry S/Seine – Lien YT

https://youtu.be/jCWOGylbKHw

Ce livre est pour moi une lecture indispensable et devrait être étudié dès la 4ème, avec d’autres, dont Meurtres pour mémoire de Didier Daeninckx, et les livres de Paulette Péju (sortis initialement en novembre 1961 et saisis par la police de Papon).

A mettre donc entre toutes les mains pour réveiller les consciences et rétablir la vérité !

7 réflexions sur “Octobre à Paris, Gérard Streiff

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