Le chant du silence, Jérôme Loubry

Le livre : Le chant du silence de Jérôme Loubry. Paru le 4 janvier 2023 chez Calmann-Lévy dans la collection Calmann-Lévy Noir

4e de couv :

IL Y A CE QU’ON VOUS A RACONTÉ, CE QUE VOUS AVEZ COMPRIS,CE QUE VOUS AVEZ TOUJOURS CRU…
ET PUIS IL Y A LA VÉRITÉ.

Lundi dernier, le père de Damien s’est jeté du haut de la baie des veuves, cette falaise d’où les femmes guettaient autrefois le retour des bateaux de pêche.
Damien se met donc en route pour régler les funérailles, tentant en vain d’éprouver de la tristesse. Durant l’été 1995, ce père qu’il aurait voulu aimer est devenu un meurtrier, les contraignant sa mère et lui à déménager à l’autre bout de la France car la ville entière maudissait leur nom. Damien n’est jamais revenu. La seule  lumière dans ce pèlerinage douloureux est qu’il va revoir Oriane, son amour  d’enfance.
Mais arrivé dans le quartier des pêcheurs désormais à l’abandon, Damien découvre dans la parka de son père une photo qui remet tout en question… Et si la vérité sur l’été 1995 était tout autre ?

L’auteur : Né en 1976, Jérôme Loubry a publié chez Calmann-Lévy Les Chiens de Détroit, Prix Plume libre d’Argent 2018, suivi du Douzième chapitre, « un polar complètement dingue, angoissant, terriblement prenant » selon Le Parisien. Son troisième roman, Les Refuges, a remporté le Prix Cognac 2019.

 

Extraits : 
« Lily la folle n’avait toujours pas réapparu. Depuis qu’elle c’était enfoncée dans le bois, un bon quart d’heure s’était écoulé. Quelques gouttes commencèrent à s’échapper des nuages tandis que le crépuscule teinter les alentours de la même noirceur que l’océan. »
« Durant une grande partie de la nuit , les pêcheurs retirèrent de la surface des croûtes gélatineuses qu’ils entassèrent dans des bacs destinés aux poissons. Dans un silence des églises , les lampes torches balayaient les vagues pour désolé déceler la moindre traces de pollution, et chaque homme priait pour que sa prise soit la dernière, que les courants aient emprisonné autour de la coque coupable le liquide noirâtre. »
« « Très bien, je vais tout vous raconter. »
L’homme me fixe, interloqué. Il ne s’attendait pas à cela, pas aussi rapidement. Je sens son malaise, palpable, auréolant sa silhouette comme les mouches dansent autour de la pourriture. Je l’observe sortir un carnet de notes, puis un stylo. Il les dépose devant lui avec lenteur, le temps de reprendre contenance. Je fais mine de ne pas m’en apercevoir, fixe mes ongles, m’isole dans mes pensées vides de couleur.
« Je vous écoute », prononce-t-il d’une voix mal assurée.
J’ai soudainement envie de le tranquilliser. De lui expliquer que rien de tout cela n’est grave.
Alors je lui souris.
Et je lui raconte. »

Le post-it de Ge

Le chant du silence, Jérôme Loubry

Je viens de finir le dernier Jérôme Loubry. Et je suis encore sous le charme de cette histoire troublante.

Toujours difficile pour moi d’écrire une chronique quand je suis encore aussi empreinte d’un roman.

Mais j’aimerai tout de même vous dire ce que j’en ai pensé quitte à ce que mes ressentis sortent en vrac.

Je vous jette ça là, comme cela, comme on jette une bouteille à la mer.

Tiens la mer, parlons-en !

C’est elle qui rythme ce roman, c’est elle qui l’habit, lui donne sa couleur, son odeur, son atmosphère. La mer et aussi la petite ville portuaire qu’elle baigne.

Oui mais alors que nous raconte « Le chant du silence »

Damien revient dans le village de son enfance, là où il a connu ses premières histoires d’amour et d’amitié. Il y revient un peu contraint car son père vient de mourir. Il s’est jeté du haut de la baie des veuves, cette falaise d’où les femmes guettaient autrefois le retour des bateaux de pêche. Alors Damien qui avait quitté ce père. Ce père qu’il a appris à détester, lui qui a commis l’impensable, l’irréparable et que sa femme a fuit emportant avec elle son fils adolescent. Il revient pour simplement régler au plus vite la succession. Mais son retour au pays va prendre une autre tournure, car il va y retrouver Oriane, son amour d’enfance qu’il n’a jamais oublier et puis il va y rencontrer Franck, un policier qui lui donne une autre version de son père, lui qui le décrit comme un type bien.

Pour nous faire vivre en totale immersion cette histoire Jérôme Loubry a pris le parti de nous le faire vivre sur deux temporalités. Aujourd’hui et le retour de l’enfant prodige et en 1995, l’année du drame mais aussi les années d’insouciances de Damien alors ado avec ses potes Grégoire et Orianne, un trio à la vie à la mort.

Et, entre aujourd’hui et le passé, bien des secrets, des non-dits et des vérités se révèlent ; les personnalités aussi.

Il faut dire que notre auteur sait nous manipuler, mettre dans son récit des indices capables de nous révéler l’intrigue ou au contraire nous amener sur de fausses pistes.

Comme le choc des vagues et le ressac de la mer, il va nous balloter, nous secouer, nous laissant un goût acre en bouche de s’être fait ainsi berner tout en finesse. Car Jérôme Loubry construit son intrigue tout en subtilité et celle-ci est une nouvelle fois menée avec brio.

Il nous offre là un roman intense qui nous parle du temps inexorable qui passe et de nos rêves déçus. Un drame social tout en atmosphère, un peu à la Simenon mais le rythme en plus. C’est âpre mais on adore ça.

Et puis si j’ai aimé l’ambiance, les personnages et l’histoire c’est aussi l’écriture soignée et intense de notre auteur qui m’a marqué. Le style de notre auteur a encore pris de l’ampleur. Tout cela donne un souffle au récit, de la consistance aux protagonistes et une rigueur presque austère aux sentiments et aux interactions entre eux.

A été ma première lecture de l’année 2023, j’ai adoré et j’ai juste envie que les prochaines soient de la même magnitude que celle-ci.

Bravo Monsieur Loubry et merci pour ce formidable roman noir matinée de thriller contemporain.

« D’aussi loin que je me souvienne, elle a toujours été présente.
Parfois discrète, souvent impétueuse, elle s’immisçait déjà lorsque j’étais gamin – et sans que quiconque s’en doutât à ce moment-là – dans ma mémoire.
Depuis, chaque fois que des ombres menaçantes s’amoncellent dans le ciel, et qu’importe le lieu où je me trouve, je repense à ma ville natale. Et à cette pluie qui sans cesse crevait les nuages pour venir darder le sol des rues de mon enfance ; aux odeurs également qu’elle exaltait sur son passage. Celle végétale de l’herbe humide fraîchement tondue. Celle plus minérale des rochers éloignés du front de mer qui se mettaient à luire telles des pièces d’argent. »
« La route longea l’océan durant une dizaine de minutes avant de s’enfoncer dans les terres. Elle serpenta entre les landes hostiles battues par le vent salin, puis vira de bord pour fuir les champs rocailleux que plus personne ne foulait depuis presque vingt-cinq ans. Autrefois, le dimanche, les familles y pique-niquaient sous un ciel gris anthracite. Au loin, la mer, sombre et jalouse, grondait comme pour quémander un peu d’attention. Nous courions entre les couvertures étalées ici et là pendant que les pêcheurs échangeaient leurs expériences, leurs doutes, parfois leurs peurs, et que leurs discours résonnaient d’une seule certitude, celle de ne jamais maîtriser entièrement cette étendue sur laquelle leurs bateaux s’allongeaient à chaque sortie. »

Livre lu dans le cadre du défi littéraire

– Challenge Thriller et polar 2022- 2023 chez Sharon

13 réflexions sur “Le chant du silence, Jérôme Loubry

  1. Jérôme Loubry fait partie de mes auteurs français favoris, aussi j’ai hâte de me plonger dans cette nouvelle histoire. Contrairement à beaucoup de monde, mon livre préféré de l’auteur reste encore et toujours « Le douzième chapitre », qui possède une atmosphère vraiment particulière je trouve. Et à chacun de ses nouveaux romans, j’espère retrouver les mêmes sensations que pour celui-ci, mais ce n’est pas tout-à-fait pareil. Cela dit, je n’ai encore jamais été déçue par un de ses livres, c’est pourquoi je m’y plonge aveuglément, parfois même sans avoir lu le résumé. 😁

    Aimé par 1 personne

  2. Voilà enfin ta chronique du dernier Jerôme Loubry dont tu me parlais 😉 Ta chronique est super, en tout cas elle donne envie de lire le roman (bien que les thrillers ne soient vraiment pas ma tasse de thé) !

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  3. une bonne surprise de voir l’auteur choisir cette voie (voix) plus soignée et intense, comme tu le dis bien. J’aime les auteurs qui ne se reposent pas sur leurs lauriers.
    Une nouvelle année littéraire commence, une nouvelle année qu’on va encore vivre ensemble 🙂

    Aimé par 1 personne

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