La GAV : @Ingrid Desjours sous le feu des flingueuses, troisième audition. 3/4

La GAV : @Ingrid Desjours sous le feu des flingueuses

Episode 3

Samedi

Avant dernier épisode de la Garde à vue de Madame

Ingrid Desjours

3e interrogatoire par Sofia


La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.

La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.

Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.

Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 4h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.

Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé,  ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !

Nous recueillons leurs confidences.

Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).

Sauf cette fois, la GAV d’Ingrid ayant eu lieu le vendredi 30 novembre  et le samedi 01 décembre

Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre ce matin et demain  après-midi

Allez place à la GAV d’Ingrid Desjours


Samedi 1er décembre 2018

14h26

Sofia : Bonjour Ingrid

Ingrid : Bonjour Sophie

Sofia : C’est Sofia 😉

Ingrid : Alors bonjour Sofia 🙂

So : bonjour bonjour !
Alors Ingrid, nous sommes à la moitié de votre garde à vue
Comment ça s’est passé? Pas trop éprouvée? La nuit fut bonne?

Ingrid : libérez-moi !!!! je suis innocente !!! je veux un avocat !!!! Oui, la taulière m’a fait apporter une couette… mais les fantômes des autres gardés à vue sont venus m’importuner toute la nuit 😞

So : Bien, nous allons y songer. Mais pour le moment, nous ne pouvons vous libérer dans l’immédiat. Nous avons encore quelques petites choses à éclaircir!
Les spectres peuvent être de bonne compagnie quand on est innocent…

Ingrid : soit…

So : Comment les avez vous fait fuir les fantômes, vous leur avez raconté des histoires?

Ingrid : je leur ai dit que je connaissais du monde en enfer… ça les a calmés

So : ahhh j’espérais des histoires….parce que vous savez les raconter….

Ingrid : merci 😉 mais j’ai préféré les bonnes vieilles menaces
 So : Hier, vous nous avez parlé de vos multiples casquettes, et de votre goût pour les contes et légendes

Ingrid : Vous croyez que pour faire peur aux fantômes on raconte des histoires de vivants ?

So : Les histoires vous les écrivez, mais vous avez aussi un talent pour les raconter, j’en ai écouté quelques unes (regardées)

Ingrid : oui, c’est vrai qu’il m’arrive de jouer les conteuses à l’oral aussi, comme autrefois
C’est un exercice différent, écrire, parler, raconter

So : Est-ce que quand on les raconte à voix haute on procède comme à l’écrit?

Ingrid : Oui, c’est vrai ! et c’est ce qui me plaît ! j’aime bien explorer toutes les formes de narration, j’écris aussi des scénarios..

So : Vous êtes une jongleuse alors?

Ingrid : on plante aussi le décor, on joue avec les émotions, mais ici le corps est un instrument, pour les gestes, les mimiques, les intonations de la voix.. le regard qu’on attrape…
On peut dire ça ! je n’aime pas ce qui est immobile

So : Besoin d’activité, de « vivant »?

Ingrid : Besoin d’être en mouvement, même intérieur, d’évoluer… je détesterais me scléroser dans l’immobilisme

So : L’imaginaire à un pouvoir important, et est, on pourrait dire, le fil rouge de toutes vos activités, mais est-ce bien juste cela? Juste le besoin de faire vagabonder votre imagination et l’exprimer sous plusieurs formes

Ingrid : C’est surtout le besoin de création qui est à l’origine, je pense. Ça et une énorme curiosité intellectuelle : j’ai besoin d’apprendre, découvrir, comprendre, questionner, transmettre…

So : Au quotidien, Ingrid, elle est comment ? Elle prend le petit déj avec ses personnages, elle est Madame tout le monde ou vit-elle dans un monde imaginaire?

Ingrid : Mais le besoin de création se retrouve dans tous les domaines, aussi bien quand j’écris que quand je cuisine ! Sinon je suis aussi la fille qui fait des dessins avec ses miettes de pain, à table ! (et te fout la honte au restau)

So : ahhh les miettes de pain!!!!

Ingrid : Déjà, elle évite de parler d’elle à la 3e personne 😀 sinon, plus sérieusement…
Je suis très ourse, en réalité. J’aime le calme, le silence, les petits groupes, les animaux et la nature, ma tanière… je ne laisse pas facilement les gens entrer dans mon cercle intime (aucune allusion sexuelle, hein).. j’aime être retirée du monde et n’y aller que lorsqu’il le faut ou que je le veux. Mais ma vie est assez simple et banale, il y a juste parfois la présence de personnages, de mondes… que je nourris de discussions, de lectures…

So : Le calme et le silence permettent d’ouvrir en grand la porte de l’exploration je crois
Hier, vous nous avez parlé de l’importance de la psychologie pour vous depuis votre enfance… en vous lisant, j’ai fait le lien avec les contes et l’aspect psy, avez-vous lu la psychanalyse des contes de fées de Bruno Bettelheim ?

Ingrid : Oui ! et c’est ce qui me ressource ? la solitude, le calme… je suis une introvertie. Les extravertis, eux, se ressourcent au contact de la foule. Moi ça me draine complètement.
Oui durant mes études

Sylvie : 👍

So : (excusez moi, perte du réseau wifi)

Ingrid : pas de souci 🙂

So : Est-ce que pour vous, d’avoir étudié la psy, est un vrai plus quand on écrit du roman noir?

Ingrid : Disons que ça permet d’être juste, cliniquement. Mais ce n’est pas forcément ce que recherchent tous les lecteurs !

So : Effectivement, mais ça permet d’entrer dans la mécanique, de comprendre ce qu’il se passe dans la tête des personnages, particulièrement quand ils sont sombre et/ou retors

Ingrid : et aussi quand ils sont victimes

So : Oui victimes aussi bien-sur
Avec ce regard « clinique » que vous avez, comment créer de l’émotion, prendre aux tripes du lecteur ?

Ingrid : En le projetant dans la tête de mes personnages, en leur donnant accès à leurs pensées, mais aussi à leurs émotions… en me mettant à leur place

So : On vous sent très sensible à « l’autre », proche des gens, ce besoin de se nourrir des autres et de partager, se mettre à la place de vos personnages doit faire terriblement souffrir

Ingrid : Oui, c’est d’ailleurs pour cela que je me protège autant… et je peux vous assurer que j’ai pleuré plus d’une fois en « vivant’ ce que je faisais subir à mes personnages.

So : Comment on se protège de cela?

Ingrid : De quoi ? des gens ?

So : De cette souffrance qu’on inflige à ses personnages

Ingrid : Ah ! mais je ne m’en protège pas ! Comment retranscrire leur souffrance, sinon ?😉
Oui, c’est un boulot de maso !

So : Ok, j’avais mal compris votre réponse!
Vous préférez vous mettre dans la peau d’un homme ou d’une femme?

Ingrid : Je n’ai pas de préférence, j’aime me mettre dans la peau de personnages complexes, avec un gros potentiel d’évolution. J’ai peut-être plus de mal à me mettre à la place de personnages fragiles, en revanche, quel que soit leur sexe

So : Parce que ça pourrait faire écho à vos propres fragilités?

Ingrid : non, parce que justement, je ne me suis pas construite dans la fragilité. Et que ça m’est moins accessible

So : Quand on vit la vie de ses personnages le temps de l’écriture, n’est il pas difficile de leur dire au-revoir une fois le roman achevé ?

Ingrid : Si, terriblement. Surtout si on les a fait souffrir à la fin… d’ailleurs c’est parfois difficile de lâcher son manuscrit et de le confier au monde, on a constamment envie de le corriger… une façon de rester avec eux 🙂

So : couper le cordon en fait

Ingrid : C’est ça ! T’as pas envie que ton bébé s’en prenne plein la tronche alors t’essaie de le faire le plus beau possible, sans le lâcher

So : il n’y a plus d’emprise une fois confié au monde

Ingrid : non

So : on pourrait envisager, de retrouver un de vos personnages pour le voir grandir, et ne plus le quitter justement
Avez-vous envisagé un/des personnages récurrents?

Ingrid : Pour être honnête, il y en a toujours un que j’ai envie de faire revenir, dans chaque roman ! 😀 et puis le temps passe et j’ai envie d’explorer d’autres personnages (psychologies / modes de vie…)

So : Mais ce personnage pourrait justement côtoyer ces personnages que vous avez envie d’explorer …ou peut-être est-il trop précieux/important pour le lier à d’autres ?

Ingrid : Il pourrait, en effet. Mais faire cohabiter deux mondes n’est pas forcément évident… et ce que j’aime c’est faire de nouvelles choses, explorer de nouveaux univers, j’aurais l’impression de faire du réchauffé
(mais je sais que certains lecteurs espèrent le retour de quelques personnages 😛 )

So : C’est important pour vous de passer totalement à autre chose ?

Ingrid : Je fonctionne comme ça… j’avance, je progresse… mon écriture évolue avec moi ! Je ne suis plus la même qu’il y a 10 ans quand je parlais de Garance Hermosa, par exemple ! Depuis Echo mon écriture a évolué, mes réflexions, mes centres d’intérêt. L’écriture c’est organique, pour moi, c’est comme un tatouage qui change en même temps que vous ! Je ne voudrais pas faire la même chose qu’il y a dix ans, j’aurais le sentiment d’être figée, de passer à côté de moi, voire de devenir une caricature ! Beurk !

Sylvie : 👍

So : On sent effectivement un virage après Echo

Ingrid : après chacun de mes romans, j’espère !

So : Ce qui est évident quand on vous lit, c’est qu’on se dit « c’est très différent de… », mais pour autant, être dans un registre, un style, ne signifie pas refaire la même chose. Enfin je crois.

Ingrid : (pardon je ne comprends pas trop la phrase)

So : Désolée si je ne suis pas très claire, je faisais référence au fait de reprendre les mêmes ingrédients, soit un personnage par exemple, de mon point de vue, ça ne signifie par pour autant d’être coincée dans une case

Ingrid : non, bien sûr… chacun son truc ! mais ce n’est pas le mien 🙂

So : Pour revenir à « c’est très différent », par exemple, si on prend Potens et la Prunelle de ses yeux, ce sont clairement des romans très différents

Ingrid : oui ! Ce n’est pas la même personne qui les a écrits

So : Les romans sont la transcription d’une certaine façon de votre cheminement, de votre progression dans la vie

Ingrid : c’est ça, Sofia 🙂 … tout comme vos goûts et attirances pour certains genres/auteurs… en fonction du temps qui passe 🙂

So : Alors j’ai envie de dire, et demain, Ingrid Desjours elle va vers quoi?

Ingrid : demain, je n’en sais rien… je n’y suis pas encore ! Mais aujourd’hui, j’écris un roman de littérature générale, j’aime être engagée dans mes textes, parler de faits de sociétés, réfléchir avec mes lecteurs… j’aime aussi prendre le temps d’écrire, de créer un univers, une ambiance, poser le décor sans précipitation…

So : Une chose à la fois, une pierre après l’autre…

Ingrid : oui 🙂

So : Réfléchir avec vos lecteurs, quelles relations avez vous avez eux ?

Ingrid : je suis médusée ! en fait ça m’intrigue de savoir qui me lit… ça m’épate quand quelqu’un vient me voir en salon ou me contacte sur les réseaux sociaux et me dit qu’il me lit, qu’il aime ce que j’écris. Et alors le top du top c’est quand le lecteur a lu entre les lignes, a compris mon propos, a poussé sa réflexion, a ressenti des émotions intenses ! Je ne comprends toujours pas comment moi, je peux provoquer ça, comment on peut aimer ce que j’écris, mais putain ça me touche tellement ! C’est presque trop beau 🙂

So : Parce que vous êtes dans le partage!!!! Vous avez réussi à transmettre!

Ingrid : Oui mais en vrai j’ai toujours l’impression d’être nulle, alors ça me souffle

So : Votre roman sera donc littérature générale, un autre type de lectorat peut-être alors ?

Ingrid : un lectorat élargi, j’espère, avec les fidèles et les nouveaux !

So : Eh bien nous allons surveiller cette future sortie alors!

Ingrid : ❤

So : Chère Ingrid, je dois malheureusement terminer, eh oui, je dois respecter l’horaire pour éviter un vice de procédure et d’avoir des problèmes avec votre avocat, mais avant de nous quitter, juste un petit indice sur votre prochain roman, un titre ou un thème à nous donner?

Ingrid : je comprends, la procédure, c’est important ! 🙂
Un indice (mais alors très vague, hein)…le personnage principal est un homme

So : ah ben  s’il est vague au moins deux indices sinon ça compte pas!!!!

Ingrid : je sais, c’est maigre, mais life is cruel !
nope ^^
je ne suis pas une balance, madame la flic !😉

So : Vous prenez des risques, je vous rappelle que vous avez une audition encore, et il serait dommage de contrarier les flingueuses 😆

Ingrid : je prends le risque !👹

So : Merci beaucoup Ingrid pour ces échanges, Danièle prendra la suite à 17h, nous verrons bien si elle sera d’humeur clémente après votre dernière déclaration!

Danièle :

 

Sylvie👍

Ingrid : Merci pour ces questions très intéressantes et pertinentes, Sofia ! 🙂

So😍

Ingrid : Quant à Danièle, je l’attends de pied ferme ! c’est quand elle veut

 

So : En attendant, reposez vous un peu dans votre cellule, et à très vite!😉

Ingrid : 😗

15h37

Geneviève : Fin de cette troisième et avant dernière audition de Ingrid Desjours, notre gardée à vue. 

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