Je serai le dernier homme, David Coulon

Le livre : Je serai le dernier homme de David Coulon. Paru le 9 mars 2018 aux Éditions, Lajouanie. 18€. (292 p.) ; 19 x 13 cm

4e de couv : 

Je serai le dernier homme…

Un chemin dans la campagne normande, trois heures du matin. Un homme passablement éméché, rentrant de chez sa maîtresse, regagne son domicile en essayant d’éviter les contrôles de police. Fenêtre ouverte pour tenter de se dégriser, il entend un coup de feu. S’arrête, descend, tend l’oreille. Fait le tour de sa voiture. Une silhouette apparaît, se précipite au volant et tente de démarrer… Courte échauffourée, il éjecte l’intruse de son véhicule, la tête de la malheureuse heurte une pierre. Le fêtard, dont nous ne connaîtrons jamais le nom, se retrouve avec le cadavre à demi dénudé d’une jeune fille. Pourquoi dépose-t-il le corps dans son coffre ? Pourquoi cette fille était-elle seule dans ce champ de blé ? Et pourquoi agit-il de manière aussi incohérente ? Notre héros serait-il le dernier homme à pouvoir répondre à ses interrogations ?

David Coulon signe ici un roman d’une noirceur absolue. Dans des villages dortoirs – la fin d’un certain monde semble proche, les tensions sociales s’exacerbent, les paysages s’obscurcissent de fumées et de rejets industriels… – des oubliés, des virés, des paumés gravitent, énigmatiques, autour du héros toujours lesté de son encombrant cadavre. Meurtre, enlèvement, traque… rien ne manque à cette description saisissante d’une société en décomposition. Surtout pas le style époustouflant et finalement très désespéré de l’auteur.

 

L’auteur : Né en 1974 à Toulon, David Coulon est psychologue et metteur en scène de théâtre. Il vit en Normandie. Ses romans font le grand écart entre thriller, roman noir, et humour. Il écrit également pour le théâtre.
David Coulon a reçu le grand prix VSD du polar en 2015, pour Le village des ténèbres, coup de coeur de Franck Thilliez.
Extrait :
  “ Nouveau coup de feu, nouveau pétard, toujours lointain. Je sursaute. Je murmure pour moi-même.
Retourne dans ta voiture. Démarre. File. Dégage de là.
Mais je ne m’écoute pas. Je fais quelques pas en direction du bruit. Les blés semblent danser encore plus fort, sous le vent. Pourtant, il n’a pas forci. Et les épis dansent et dansent. Et il y a un autre son, derrière. Mon cerveau embrumé par l’alcool met un temps pour le reconnaître. Quelques secondes. Ce bruit mou et sourd à la fois, ces épis qui semblent être écrasés sous le poids de quelqu’un, écartés par des bras, ces épis qui semblent fouetter un visage. Cette respiration saccadée, au loin, et ce bruit sourd, encore et encore. Ce sont des pas. Des bruits de pas. Quelqu’un court, là, dans le champ de blé. Dans ma direction.
Je me retourne, ne réalise pas tout de suite ce qui est en train de se passer. Car une ombre vient de surgir. Et l’ombre saute dans ma voiture.
Je crie :
– Sortez de là !
Mais le moteur démarre. La voiture avance de quelques mètres, et je reste tétanisé, médusé par ce qui est en train de se produire. On vole ma voiture, là, dans ce champ désert en pleine nuit. Et des coups de feu sont tirés dans le lointain. J’ouvre la bouche pour pousser un nouveau cri, mais le moteur s’emballe, tressaute. Et cale. J’entends une voix.
– Putain, démarre !
Une voix de femme.
Je cours. En dix secondes, j’arrive au niveau de la portière, l’ouvre. Et mes yeux croisent ceux d’une femme d’une vingtaine d’années, blonde, le visage tuméfié de bleus, cerné. Elle est vêtue d’un chemisier sale, ouvert sur un petit sein noir de crasse. Son jean est tailladé par endroits, comme si elle s’était débattue dans un champ de ronces.
– Je vous en prie, aidez-moi, je vous en prie. »

 

La kronik d’Eppy Fanny

Depuis sa sortie ce roman me faisait de l’œil. Une couverture à tomber de Caroline Lainé, un auteur, David Coulon, avec lequel j’avais échangé longuement depuis plusieurs années et dont les univers variés m’attiraient. En toute logique, Un tel racolage à mon encontre par « ce dernier homme » ne pouvait qu’être victorieux et j’ai enfin dévoré ce livre paru chez Jean-charles Lajouanie.

L’histoire :

Celle d’un homme paumé, au chômage, dont l’usure du couple est consommée, et qui cherche une évasion éphémère dans les bras de sa maîtresse. Un homme comme beaucoup, enfermé dans ses mensonges et au bord du gouffre.

Un homme que notre Société a mis au rebut, comme tant d’autres, sans considération ni émotions. Juste jetable.

De retour de chez sa maîtresse, passablement éméché, il emprunte un chemin de traverse pour rentrer chez lui afin de ne pas croiser la maréchaussée. Et là le drame. Une femme qui fuit (qui, quoi ?), des coups de feu qui résonnent, une bousculade ; une pierre et le crâne de la jeune femme qui rentrent en collision et le voilà dans un sacré merdier.

Il panique et charge le corps dans sa voiture.

Il doit retrouver sa femme, sa fille. Il avisera ensuite. Sa femme d’un autre monde que le sien. Ces deux mondes qu’il refuse de confronter. Par honte. Une histoire débutée dans le mensonge. Mathilde, sa femme, elle est trop… tout. Et il est si peu, d’après lui. Du coup les amis du couple sont ses amis à elle. Enseignants, comme elle. Et lui est incapable d’échanger avec eux. Honte. Malaise. Mal être. Qu’il est difficile de trouver sa place. Pourtant, Mathilde, l’aime, l’écoute, le soutient. Envers et contre tout.

Contre tout ? Il vient de tuer une femme. Il a peur.

Et voilà que la télévision diffuse une alerte disparition. Un enlèvement. Un visage s’affiche : celui de la morte qui est dans son coffre et qui a disparu depuis une semaine.

Sa peur grandit, grossit.

Il doit absolument faire disparaître les traces qu’il a laissées, les empruntes qu’il a semées partout. Vite. En ôtant toutes ses traces il se rend compte avec effroi que la victime terrorisée a traversé la route et le champ. Elle venait du lotissement de la commune où il vit. Le monstre qui la terrifiait, elle, l’a vu lui. Il sait qui il est.

Une seule solution, trouver qui est le monstre et se débarrasser du corps chez lui pour ne pas être impliqué ! Oui mais voilà, les choses ne sont pas aussi simples, et sa peur ne sera jamais assez grande. Il ne peut imaginer ce dans quoi il a mis les pieds ni les dangers qui l’attendent.

Les rapaces rôdent et leur regard est perçant.

 

Extrait P.111 : « Barre-toi !

Oui, c’est ce qu’il faudrait que je fasse. Mais pas maintenant. Pas si près du but. L’occasion ne se représentera plus. Je m’approche de la 3ème porte. Les plaintes se font plus pressantes. Une odeur âcre oppresse mes narines. Une odeur d’excrément. Ils sont là, derrière, à croupir dans la pièce. »

 

Avec ce roman David nous offre un récit d’une noirceur extrême.

Il nous parle de villages dortoirs de province, il n’y a pas que la banlieue parisienne concernée. De Sociétés aux ordres des actionnaires qui licencient sans émotion. Des tensions et détresses que cela crée sur les populations.

Puis il y a ces meurtres, odieux, miroir d’une Société où seules les « élites » sont à la bonne place. Notre Société.

Une écriture dynamique. Des phrases courtes et percutantes. Un récit à la première personne pour une immersion totale. Ce « je » nous happe de bout en bout et cette histoire ne nous laisse aucun répit.

Pour ma part, cette qualité d’écriture j’en redemande !

6 réflexions sur “Je serai le dernier homme, David Coulon

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