Les sentiers obscurs de Karachi, Olivier Truc

Le livre : Les sentiers obscurs de Karachi de Olivier Truc – Paru le 07/10/2022 chez Métailié dans les collection Noir et Autres horizons. 19.60 € . (268 pages) ; 14 x 21 cm

4ème de couverture :

En 2002, à la sortie d’un hôtel à Karachi, un attentat à la bombe a coûté la vie à 14 personnes, dont 11 ingénieurs français travaillant à la mise au point d’un sous-marin acheté par le gouvernement pakistanais. Toutes les victimes venaient de la base nautique de Cherbourg.

Vingt ans après, un jeune journaliste localier proche de l’un des ingénieurs rescapés de l’attentat décide de mener une véritable investigation sur les coupables. Une enquête menée par les Français a certes révélé les probables pots-de-vin ayant servi au financement de la campagne de Balladur, mais tout s’est arrêté là. Les victimes ont été abandonnées.

Le journaliste trouve à Karachi de l’aide auprès d’une jeune lieutenante pakistanaise et d’un homme droit, fidèle aux valeurs du travail bien fait et de la loyauté. Mais il progresse dans une jungle de mensonges politiques avant de s’apercevoir que la vérité de Karachi ne se trouve pas dans les journaux mais peut-être dans les poèmes que tous récitent.

Des personnages attachants et une enquête rigoureuse nous plongent dans les mystères de la ville de Karachi, mais nous dévoilent aussi les luttes de pouvoir régionales et syndicales en France. Un thriller remarquable, furieusement décoiffant, au rythme addictif.

L’auteur : Né à Dax en 1964, Olivier Truc est un journaliste et écrivain.
Il rejoint Montpellier en cours de licence afin de s’investir dans le journalisme. Il y démarre au quotidien régional « Midi libre » en 1986. Il travaille ensuite pour divers médias (journaux et télévisions) traitant des sujets de société.
Il habite Stockholm depuis 1994 et est correspondant au journal « Le Monde » pour les pays nordiques et baltes. Il est aussi documentariste pour la télévision, réalisateur notamment de Les bâtards du Reich (26’, Arte, 2002), La dernière plongée, (réalisé avec Frédéric Vassort, 52’, France 5, 2006, Prix spécial du jury Figra 2007).
Il amorce sa carrière littéraire en 2006 avec la publication de L’Imposteur, une enquête sur un rescapé français du Goulag. En 2008, il publie avec Christian Catomeris, une enquête sur le destin dramatique des anciens plongeurs de l’industrie pétrolière en mer du Nord (« Dykaren som exploderade« , en suédois, 2008, Norstedts).
Il est également l’auteur du roman policier Le Dernier Lapon qui a obtenu près de 20 prix dont le prix Quai du polar 2013 et le prix Mystère de la critique 2013, et de sa suite Le Détroit du Loup, qui parait en 2014.
En 2015, il s’est associé avec le scénariste belge Sylvain Runberg pour Le sourire du Faucon, premier tome de la BD Infiltrés.

En 2016, il publie La Montagne rouge, en mars 2019, La cartographie des Indes boréales, un roman d’aventure, puis Les chiens de Pasvik en 2021.

Extraits :
« Elle accéléra. S’éloigner du camp de morts. Le son revint d’un coup, les cris, la douleur hurlée, les corps disloqués qui se lamentaient, tout la poursuivait maintenant, elle accéléra encore. Elle se concentra sur la route. Par où devait-elle passer maintenant ? Le café Al Murad, attentat en septembre 2009, puis le long du terminal containers Pak Pacific, attentat en février ou mars 2006. Ensuite le quartier de Jamali Goth, attentat à l’automne 2012. La géographie noire de Karachi. Le portrait en creux de sa ville où vingt millions d’habitants en étaient réduits comme elle à perdre pied dans leur cité, toute compréhension du monde dévorée par cette litanie macabre. Comment Sara pourrait-elle un jour avoir des enfants et leur raconter sa ville ? En suivant ce fil rouge sang ? Pour la première fois depuis l’explosion du parc, elle entendit le cri des enfants meurtris. Pour la première fois, elle tourna la tête vers la droite, vit les vitres maculées de sang. Les sirènes hurlèrent. Elle roulait sur un champ de mort, insensible, hallucinée. Un autre poète prit le relais. Encore un de ceux que Shaheen lui avait fait découvrir au Urdu Bazar. Elle ne se souvenait plus de son nom. Elle pensait qu’il était contemporain. Il faudrait vérifier.
« … Karachi n’est plus une ville. Mais un cri de détresse. Qui résonne. Des quatre côtés. On ne tire plus en l’air à Karachi. Les balles atteignent désormais les rêves des habitants… » »
« – Je songeais à cette fille de Heidelberg, reprit Jef. Tu es chez toi, dans ton pays, en paix, en vacances, insouciante, et puis ça…
– Et puis ça…
– Je ne sais pas ce qui est pire, être blessée dans ces conditions, être une victime par hasard, sans pouvoir comprendre quoi que ce soit, ou…
La phrase resta en suspens quelques secondes.
– Ou comme un fabricant d’armes dans une ville violente d’un pays lointain et mystérieux en état de guerre larvé où le danger est partout, où les services secrets et les gangs menacent à tous les instants, où tu prends des risques en connaissance de cause, comme le soldat d’une guerre sans nom ? C’est plus exotique, c’est ça ? »

La chronique jubilatoire de Dany

 

Les sentiers obscurs de Karachi, Olivier Truc

Si vous avez fait connaissance avec l’auteur en Laponie, vous serez surpris de le croiser au Pakistan. C’est là que nous entraîne son intrigue, tel un roman d’aventure, loin d’un guide touristique. Une fiction prend-il le soin de nous informer car il serait incongru … ou pas, d’y voir le rétablissement de la vérité sur l’attentat de 2002. Avec la précision qu’on lui connait, Olivier Truc va nous faire découvrir les coulisses du cette affaire d’Etat.

Des techniciens français ont été victimes d’un attentat alors qu’ils se rendaient en bus sur leur lieu de travail en 2002. Vingt ans après, la ville de Cherbourg va commémorer leur souvenir en présence des familles et des victimes survivantes. Les enfants des victimes sont partagées entre fatalisme et curiosité. Jeff, fils de Claude est journaliste et profite de cette occasion pour écrire un article de mémoire, pour lequel il va tenter de mettre en relation deux anciens protagonistes Marc, son ami et Shaneen, Pakistanais. Il sera guidé à Karachi par Sara, militaire, fille d’un médecin ayant joué un rôle déterminant, rebelle et humaniste. La face visible de cet attentat ne peut cacher les mobiles de 2002, notamment les rétrocommissions destinées à financer une campagne électorale parisienne, sous-couvert de transferts de technologies. L’auteur nous offre une vision glaçante du Pakistan actuel, en proie aux factions et aux luttes d’influence extrêmes.

Olivier Truc s’attache à ancrer son action dans les différentes cultures en présence, des canaux de communications qui ne se réfèrent pas aux mêmes valeurs, où l’éthique rivalise avec l’argent et où le souvenir côtoie désir de vengeance et de vérité. Les enjeux même aujourd’hui sont énormes car ils alimentent encore les trafics. La poésie orientale y tient une place remarquable, attisant la curiosité du lecteur sur cette culture méconnue.

J’avais aimé avoir froid avec les Lapons, j’ai « aimé » lire dans la chaleur de Karachi cette fiction réaliste et pleine d’enseignements, où les personnages attachants sont des prétextes à nous faire toucher du doigt la vérité. Notons que l’auteur a eu la très bonne idée de nous lister les principaux personnages en début de livre !

Je remercie les éditions Metaille et NetGalley pour m’avoir proposé cette découverte
#LesSentiersobscursdeKarachi #NetGalleyFrance

 

Autres extraits
« – Depuis quand tu te mêles de ce type d’histoire, toi ? Tu lis les journaux maintenant ? Première nouvelle… Allez, dis-moi, qu’est-ce que tu as lu comme médias depuis hier, depuis la semaine dernière ? T’as regardé BFM TV, c’est ça, ou ce que nos potes balancent sur Facebook ou dans notre groupe WhatsApp ? Parce que j’imagine que tu lis les articles quand il y a un attentat à Bagdad ou en Afghanistan ?
– Allez, le donneur de leçons qui remet ça ! Fais gaffe à pas te noyer dans un tonneau de cidre demain, hein…
Jef regarda Marc. Il ne voulait pas intervenir entre son fils et lui, il avait raison. Ils étaient adultes. Mais son visage parlait pour lui. Et Greg devait le sentir. Et ça devait alimenter sa hargne. »
« Marc lui avait demandé un jour comment se débrouillait un journaliste qui n’arrivait pas à prouver ce qu’il voulait avancer. Il écrit des romans, avait lancé Jef par bravade, sans en croire un mot. Rien n’était plus éloigné de lui. Marc ne l’avait plus lâché. Tu veux dire quoi, que la fiction est un alibi pour journalistes paresseux ? Ou incompétents ? L’œil malicieux de Marc n’avait rien enlevé au trouble de Jef.
Il n’était ni poète ni romancier. La poésie, pour ce qu’il en savait, était la langue, le rythme, l’exploration, un absolu détaché des contingences morales qui lui semblait mal s’accorder à cette quête de réel qui le fascinait et suffisait à satisfaire ses aspirations. Il écarta ces pensées. Il devait se concentrer. »
« On regarde d’abord devant sa porte.
– La loi du mort-kilomètre…
Shaheen regarda Jef bizarrement.
– Une espèce de loi non écrite du journalisme. On écrit d’abord sur ce qui se passe devant sa porte. Un attentat à Karachi avec 50 morts aura autant de place qu’une agression au couteau à Heidelberg que la voisine qui se tord le pied en traversant la route à cause d’un trou pas réparé par la voirie.
– La loi du mort-kilomètre, oui, ça doit être ça aussi pour la justice. »

8 réflexions sur “Les sentiers obscurs de Karachi, Olivier Truc

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