Les fils du ciel, Philippe Morvan

Le livre : Les fils du ciel de Philippe Morvan. Paru le 24 février 2021 chez Calmann-Lévy,  – 480 pages. 20€90. (430 p.) ; 22 x 14 cm

4e de couv : 

Afrique du Sud, milieu du XIXe siècle. Abraham est le fruit d’une relation adultère entre un riche propriétaire terrien et une domestique issue d’une lignée de guerriers zoulous. Élevé aux côtés de ses demi-frères blancs, bercé par les légendes zouloues que lui racontent ses grands-parents maternels, il grandit tiraillé entre deux mondes que tout oppose, et nulle part à sa place.

Et le destin n’aura pour lui aucune pitié. Sa très grande histoire d’amour avec la douce Elize se transforme en un drame affreux, et Abraham va tout perdre. Ou du moins le croit-il. Les épreuves qu’il traverse bravement, pris dans les tourments de l’Histoire, le mèneront-elles sur le chemin de la réconciliation entre ses deux identités, et du bonheur, enfin ?

L’auteur : Philippe Morvan est né en 1962 à Clermont-Ferrand. Auteur pour la célèbre Bibliothèque verte dans ses jeunes années, il renoue depuis 2012 avec sa passion, l’écriture, et a publié notamment plusieurs romans noirs sous pseudonyme.

 

 

Extrait : 
— Pourquoi les van der Merwe ne nous aiment pas ?
François savait pertinemment que son fils voulait dire « ne m’aiment pas ».
— Parce que ce sont de fieffés imbéciles. Et quoi qu’on fasse, il est très difficile de lutter contre la bêtise des hommes.
— Nous sommes pourtant tous des Burghers ?
— Absolument, nous sommes tous des Burghers. Toi le premier. Tu sais, mon garçon, notre nation est née dans le rejet et la douleur. Nos ancêtres ont été chassés
d’Europe comme des moins-que-rien. Mais il y a une chose plus forte que tout, qui nous soude et fait de nous ce que nous sommes : notre foi !
— Et c’est tout ? Pourquoi ma couleur de peau pose-t‑elle tant de problèmes alors ?
— Je viens de te le dire, parce que ces abrutis ont oublié d’où ils venaient. Nous, les Afrikaners, avons été rejetés au début de notre histoire, et malgré ça, nous persistons nous-mêmes à rejeter les autres. Nous excluons, nous nous renfermons pour nous protéger, au lieu de nous ouvrir…

La Kronik d’Eppy Fanny

LES FILS DU CIEL de Philippe MORVAN chez CALMANN LEVY

ISBN 978-2-7021-6742-7 – Paru le 24/02/2021

Je n’avais jamais lu cet auteur, et je l’ai découvert via ce roman.

Il nous offre, ici, un magnifique voyage dans le temps, puisque nous voici propulsés au XIX siècle, au cœur de l’Afrique du Sud. Ce récit, c’est le destin d’Abraham, fils d’un Boer et d’une domestique d’origine Zoulou. Abraham, né de cette double culture, sera tiraillé toute son existence entre les deux. Son destin se mêle à l’histoire de cette Afrique fascinante. Ce pays dont les richesses, depuis toujours, attirent les convoitises.

L’histoire : François Hugo, Boer descendant de Boer est un homme pieu. Il est calviniste et respecte rigoureusement les préceptes de sa foi.

Il est d’une fidélité sans faille envers son épouse… mais :

Extrait page 15 : « la bible ne parlait jamais des autres femmes, les femmes noires. Celles-ci par défaut, n’étaient donc là que pour le bien-être des hommes. Pour le sien comme pour celui de son père avant lui, et pour l’agrément de ses fils après eux. La vie était ainsi faite, et personne n’y avait jamais rien trouvé à redire. »

Et Lindiwe est si belle. Il la veut. Pour lui seul. Il va faire le nécessaire pour qu’elle vienne travailler dans sa maison, aux cuisines. Il l’aura ainsi à sa portée.

La nooi Cornélia, la femme de François, n’est pas dupe. Elle déteste instantanément cette jeune fille lumineuse. Et la malmène avec force autant qu’elle peut. Jusqu’au drame : Lindiwe meurt sous les coups, protégeant de son corps son nouveau-né.

Car oui, les caprices des blancs fabriquent des bâtards qui n’ont leur place nulle part.

François, qui a aimé Lindiwe (à sa façon), en dépit des critiques de sa caste, fera baptiser l’enfant qui portera son nom. Abraham Hugo, le petit métis, va grandir dans la maison de maître auprès de ses deux frères. Ses grands-parents Zoulous, lui transmettront leurs connaissances, le berceront des légendes des grands guerriers du peuple Bantou, coureurs infatigables et soldats disciplinés.

Cornélia n’acceptera jamais l’enfant, cette insulte vivante sous son toit. La preuve de la souillure de son mari qui s’étend jusqu’à elle et sa famille. Dieu, qu’elle vénère tant, la rappellera à lui prématurément, ce qui permettra à Abraham de survivre à sa haine. Elle n’aura eu de cesse de monter son fils aîné Paul contre le bâtard. La relation entre les deux frères en sera compliquée. Samuel, le cadet, grandira dans l’insouciance auprès d’Abraham dont il est si proche. Une nouvelle nooi, Susanna, va régner sur François et les enfants. D’une poigne de fer.

L’insouciance s’envole avec l’adolescence, les différences se font jour. Cruellement. Et la lâcheté de ceux qu’Abraham considérait comme ses frères, sa famille, va s’exprimer.

Il est vrai qu’il est tombé amoureux de la cousine si blanche de ses frères. Qu’il l’a mise enceinte. Pour Elize et lui, il n’y a ni couleur, ni péché. Juste un amour lumineux. La famille d’Elize n’accepte pas cette déchéance. Quelle honte ! Personne ne doit savoir. Car si un Afrikaner, un Boer, peut se repaître des femmes noires et des mulâtres à sa portée, il est inacceptable qu’un homme de couleur touche une blanche, encore moins une jeune fille de la bonne société !

L’amour d’Elize et d’Abraham va être balayé, piétiné… Elize va être envoyée au loin pour que son déshonneur ne rejaillisse pas sur sa famille. Lui va être chassé de cette maison qu’il pensait sienne. Par effet rebond, ses grands-parents seront également chassés de la propriété. Leur seul recours sera de retourner dans le village Zoulou dont ils sont originaires. Les anciens ne survivront pas au trop long trajet. Ces pertes viendront accroître la colère qui bouillonne en Abraham.

Lui, rejeté par les blancs, va devoir faire profil bas pour se faire accepter par les Zoulous pour qui il est un étranger. Dans ce village, même si Elize est toujours dans ses pensées, son cœur battra pour une jeune femme.

Auprès des guerriers de la tribu, il apprendra à devenir comme eux.

La guerre fait rage. Il lui paiera un bien cher tribu.

Il combattra les anglais avec ses frères Zoulou, puis avec les anglais, ces assassins, contre les Boers…

Extrait page 270 : « Abraham était terrifié par ce qu’il voyait. L’enfer s’ouvrait sur ses pas. Des corps coupés en deux, arrachés du sol, propulsés en arrière sans même avoir eu la possibilité de se battre. Le monde, son monde, qui s’effondrait. »

L’histoire d’Abraham va être indissociable de celle de l’Afrique du Sud et des guerres de ce XIXème siècle.

Puis un jour, enfin, Abraham s’apaisera.

Vous l’aurez compris, j’ai adoré ce roman parfaitement documenté.

L’auteur nous offre une épopée formidable, où la sauvagerie des hommes s’exprime bien plus que celle de l’Afrique du Sud. Une page d’histoire fascinante est abordée avec ces guerres successives et cette quête de l’or qui dévore tant les hommes. La recherche du pouvoir et de la richesse détruisent tout, encore et toujours.

Et le dépaysement est au rendez-vous.

Je n’ai qu’un conseil : laissez-vous emporter par l’histoire d’Abraham Hugo.

 

6 réflexions sur “Les fils du ciel, Philippe Morvan

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