À crier dans les ruines d’Alexandra Koszelyk

Le livre : À crier dans les ruines d’Alexandra Koszelyk. Paru le 23 août 2019 aux éditions Aux forges de Vulcain. 19 euros ; (254 p.) ; format 13 x 20 cm.

4ème de couverture :

Tchernobyl, 1986. Lena et Ivan sont deux adolescents qui s’aiment. Ils vivent dans un pays merveilleux, entre une modernité triomphante et une nature bienveillante. C’est alors qu’un incendie, dans la centrale nucléaire, bouleverse leur destin. Les deux amoureux sont sépares. Lena part avec sa famille en France, convaincue qu’Ivan est mort. Ivan, de son côté, ne peut s’éloigner de la zone, de sa terre qui, même sacrifiée, reste le pays de ses ancêtres. Il attend le retour de sa bien-aimée. Lena grandit dans un pays qui n’est pas le sien. Elle s’efforce d’oublier. Un jour, tout ce qui est enfoui remonte, revient, et elle part retrouver ce qu’elle a quitté vingt ans plus tôt.

 

Alexandra Koszelyk . Photographie de Patrice Normand.

L’auteur :  Alexandra Koszelyk est née en 1976. Elle enseigne, en collège, le français, le latin et le grec ancien. Diplômée à l’Université de Caen Normandie (1995-2001), elle travaille à Saint-Germain-en-Laye depuis 2001.

 

 

 

 

 

Extrait :
«Comme les autres. Tu es comme les autres. Dès que tu as franchi cette putain de frontière à la con, tu m’as oublié. Peu importe ce qu’on avait vécu. Pfft, du vent ! Les promesses ne tiennent que le temps d’être dites. Après, on trouve toujours des choses pour s’en détourner. Se divertir. Qu’as-tu trouvé là-bas pour y rester ? Je ne te sufisais pas ? (…)
 A Slavoutytch, y a pas une semaine sans qu’on ait un mort des radiations. Mais officiellement ce n’est pas à cause de la Centrale. Non, ça coûterait trop cher en dédommagement. Mais comment ne pas être malade ? On achète des légumes irradiés, les bêtes dans la forêt mangent de l’herbe contaminée ! Alors forcément, comment veux-tu que je crois en quelque chose ?
 Voilà, j’ai vingt ans, et je ne sais toujours pas pourquoi je continue de faire semblant ni pourquoi je t’écris cette lettre que tu ne liras jamais.
Je m’aperçois que, depuis tout ce temps, j’écris surtout pour moi. Je pose des mots sur mes noires pensées. Je panse une brûlure et une absence. Mais je ne sais plus quoi penser de toi. Le nous, quant à lui, s’est évaporé avec cette maudite explosion.»
 

Les pépites d’Isabelle

 

Grâce à Corinne Tartare et au cercle littéraire de Maffliers, j’ai eu l’occasion de participer récemment à une soirée consacrée à ce très beau livre, en compagnie de son auteure. Le Collectif Polar était bien représenté avec l’ami Mister flingueuse, Jean-Paul Dos Santos Gueirrero. Illuminés par la douce clarté des chandeliers du château de Maffliers, ces dîners prolongent et amplifient le plaisir de la lecture. Cette soirée n’a pas fait exception à la règle…

 

À crier dans les ruines d’Alexandra Koszelyk

 Les romans qui tournent autour de Tchernobyl sont rares. Comme si, depuis le 26 avril 1986, plus rien ne poussait sur le terreau irradié d’Ukraine et que cette supposée stérilité s’étendait à la littérature. Mais là-bas les herbes n’ont jamais cessé de croître, la sève circule en abondance. Ça pourrait être le paradis ou l’enfer… Eagles aurait adoré. Alexandra Koszelyk a choisi d’y faire germer un amour de conte de fée. Léna et Ivan sont inséparables. Ils ont grandi main dans la main et leur destin est tout tracé. Lorsque la Centrale explose, ils ont 13 ans. Pour Léna ce sera l’exil dans un pays inconnu. Ivan ne quittera pas l’Ukraine. Parviendront-ils à se retrouver ?

L’intrigue se résume en quelques phrases et pourtant, le cheminement de ces deux personnages est long et douloureux. La famille de la jeune fille veut effacer toute trace de sa culture. Pour ses parents, tourner le dos à son pays revient à s’éloigner le plus possible de la Centrale. Mais la fuite, le reniement, l’oubli n’effacent pas les traumatismes anciens que portent en elles, à leur insu, les nouvelles générations. C’est ce que va lui enseigner mamie Zenka. Alexandra Koszelyk est d’origine ukrainienne. Elle partage avec son héroïne Léna un lien fort avec ses origines, tissé par les récits de sa grand-mère. A ce sujet, le chapitre consacré à la famine qui a frappé l’Ukraine dans les années 30 est remarquable.

Ivan vit une expérience fort différente. Après quelques errances il renoue avec la nature auquel son père l’avait initié. Cette nature, si puissante et en même temps si affectée par la catastrophe, dont on ne sait pas vraiment s’il faut y puiser sa résilience ou la fuir comme la peste, si le salut des hommes (physique et mental) passera par elle ou loin d’elle.

La trame de ce premier roman se rapproche de celle d’un conte, les allusions aux mythes se multiplient, ce n’est pas un hasard. Alexandra, qui enseigne le grec et le latin, est fascinée par les mythes. Beaucoup de symboles autour de la catastrophe de Tchernobyl renvoient d’ailleurs aux mythes et à la religion : les enceintes de confinement ne portent-elles pas les noms de sarcophage et d’arche ?

Un dernier mot sur le titre : A crier dans les ruines, poème d’Aragon, lui a été soufflé par un autre écrivain passionnant, Gilles Marchand…

#MarsAuFéminin

15 réflexions sur “À crier dans les ruines d’Alexandra Koszelyk

  1. Un livre qui a une excellente raison d’exister. J’ai vu sur Arte la série sur Tchernobyl. Un série cash, horrible qui montre ce qui s’est passé heure par heure jusqu’à l’explosion et surtout la suite qu’évoque certainement l’auteure par le biais d’une histoire sur les racines à la terre. Je dois absolument écrire cet article sur cette catastrophe. Je ne connais pas l’auteure. Je suppose qu’elle touchera plus d’une personne par l’éloignement, comme le furent au Moyen Âge Tristan et Yseult. Merci pour cette présentation et à l’auteure de rappeler ces faits. Bises gente dame

    Aimé par 3 personnes

      • Je ne connaissais pas ce livre qui complétera très bien ce que j’ai vu dans la série, qui m’a laissée une forte impression et pour laquelle j’ai vérifié certaines choses au niveau géographique d’abord. Au fur et à mesure voir où se trouvent les villes citées et la première à lancer l’alarme depuis Kiev ? A vérifier dans ma chronique écrite et à éditer. Merci pour le titre. Quant À crier dans les ruines, je vais le commander. La période n’est pas très propice, je verrai bien. J’aime beaucoup les premiers romans et celui-ci est fort tentant.

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