Animus de Jean-Baptiste Ferrero

La double Chronique

Aujourd’hui sur Collectif Polar deux Flingueuses ont lu le même livre.

Aussi vont-elles vous livrez leur avis.

D’abord Sylvie, ce matin

Et cet après-midi , voici la Kronik d’Eppy Fanny


Le livre: Animus de Jean-Baptiste Ferrero Paru le 18 Août 2020 chez Ramsay. 20€ (282 pages) ;  13×21 cm

4ème de couverture:

Déchiqueté par les balles des mitrailleuses allemandes, relégué dans un hôpital militaire où l’on peut cacher ce qui reste de son corps martyrisé, Pierre Tallandier acquiert le pouvoir incroyable de s’emparer du corps d’autrui. Ivre de revanche contre le monde qui lui a volé sa vie et sa jeunesse, Pierre retrouve sa liberté au prix de celle d’autrui.

Des tranchées de la Première Guerre Mondiale aux camps de concentration nazis, il va mener une longue quête qui, d’aventure en aventure, le conduira finalement à répondre à la question qui le hante, qui nous hante tous : quel est cet inconnu en moi qui dit « Je » ?

 

L’auteur :  Jean-Baptiste Ferrero est un auteur de romans policiers.
Il est diplômé en philosophie à l’Université Paris Sorbonne (Paris 4) en 1984 et en communication à l’Université Sorbonne Nouvelle (Paris 3) en 1988.
Ancien Directeur général de la JPG Conseil, il est Directeur de la communication à la SYAGE depuis 2012.
Il écrit depuis toujours et des tas de choses dont des polars et a crée le personnage de Thomas Fiera qui, dans tous les milieux va régler les comptes qu’il ne peux pas régler et botter les culs qu’il ne peux pas botter!
Extrait : 
L’offensive fut un désastre.
Les vagues successives de l’infanterie française, qu’une doctrine militaire datant du siècle précédent avait lancées en rangs serrés à l’assaut de la forêt de Bride, furent fauchées impitoyablement par les mitrailleuses Maxim, solidement installées par les Allemands sur des positions fortifiées.
Tels des enfants balayant une fourmilière avec un jet d’eau, les mitrailleurs de la VIe armée du Kronprinz, décimèrent les pauvres pioupious affublés de pantalons garance qui, quelques semaines plus tôt, fanfaronnaient encore dans les gares et les bistrots parisiens, la fleur au fusil et le képi crânement penché sur le côté.
En quelques heures, du fait de l’incompétence d’une brochette de vieillards bornés et du cynisme de quelques princes d’opérettes accrochés à leurs empires d’un autre âge, ce sont des centaines de jeunes hommes, dont les rêves, les espoirs et l’enthousiasme furent transformés en charpie sanglante, simples morceaux de viande déchiquetés, sursautant sous les impacts de balles.
Recroquevillé derrière une souche d’arbre, le pantalon plein de pisse et de merde, pleurant et couinant de terreur pure, Pierre Taillandier essaie de se faire le plus petit possible. Il tente de devenir brin d’herbe, goutte d’eau, molécule.
Disparaître ! Se fondre dans le décor !

La Kronik d’Eppy

ANIMUS de Jean-Baptiste FERRERO aux Éditions RAMSAY

ISBN 978-2-81220-140-0

ENORME COUP DE COEUR

L’histoire : Celle de Pierre Taillandier. Un jeune homme qui a la vie devant lui, des projets de mariage avec la douce Julie, qui fait, avec des filles des boulevards ce qu’il ne pourra jamais faire avec sa promise si bien éduquée. Un homme avec une bonne situation réservée dans un ministère, même s’il se rêve écrivain. Un homme ni pire ni meilleur qu’un autre. Mais un archiduc assassiné bien loin de Paris va lui voler sa vie. A lui comme à des millions d’autres jeunes hommes.

Extraits partiels pages 17 à 19 :
« En quelques heures, du fait de l’incompétence d’une brochette de vieillards bornés et du cynisme de quelques princes d’opérettes accrochés à leurs empires d’un autre âge, ce sont des centaines de jeunes hommes, dont les rêves, les espoirs et l’enthousiasme furent transformés en charpie sanglante, simples morceaux de viandes déchiquetés, sursautant sous les impacts des balles…
La bataille de Morhange est terminée et la France vient d’essuyer la première défaite de cette guerre.
Pour Pierre la guerre est finie.
Mais tout commence… »

Pierre gît au fond d’un lit d’hôpital. Mais est-ce encore Pierre ?

Il ne reste de lui qu’un tronc sans membres, ils ont dû être amputés. Il n’a plus de mâchoire inférieure, plus de langue, plus de paupières et ses yeux restent désormais ouverts en permanence. Le médecin qui veille sur lui, Auguste Carradec, espère que la conscience de son patient, comme ses organes internes, soit endommagée.

Car quelle vie est-ce là ? S’il n’était pas médecin il mettrait fin à tout ça.

Puis il y a Agathe Piquet, l’infirmière qui soigne et nettoie ce corps. Ce corps capable d’érection lorsqu’elle le change. Cela la met mal à l’aise. Mais bien moins que ces yeux fixes. Ces yeux qui un jour la harponnent et ne la lâchent plus.

Car oui, Pierre a toujours une conscience. Elle est si forte, elle veut tant quitter la coquille vide qu’est devenu son corps que… voilà qu’il arrive à utiliser le corps d’Agathe comme vaisseau. Pas longtemps au début, mais chaque incursion affirme son « don » et quelle sensation incroyable. Être femme. Savoir ce qu’elle ressent, caresser son intimité… Et comprendre la force qui habite le sexe soit-disant faible. Sans culpabilité, sans état d’âme, il va user de ce vaisseau. Ce n’est que temporaire. Il ne fait rien de mal. Et puis merde, la vie lui doit bien ça ! Il veut vivre.

Le pilotage du corps emprunté provoque des absences au vrai propriétaire. Absences que le Dr Carradec remarque, il faut dire qu’il n’est pas insensible à Agathe. Absences que l’infirmière remarque. Elle s’inquiète. Deviendrait-elle folle ?

Auguste se sent mal à l’aise en la présence de Pierre sans comprendre pourquoi. Ces yeux qui le fixent… Il sera lui aussi utilisé à son insu comme vaisseau.

Pierre s’entraîne.

Il a compris qu’il doit être les yeux dans les yeux avec un potentiel vaisseau pour que son don fonctionne. D’entraînement en entraînement il arrive à passer de plus en plus de temps dans « ses » vaisseaux. Mais à un moment l’esprit des lieux qu’il occupe le chasse immanquablement.

Jusqu’à ce jour où un nouveau malade arrive. Un corps parfait, mais dont l’esprit a disparu. Les états de choc profond sont fréquents. La guerre est une boucherie sans nom. Une aubaine pour Pierre : une maison vide disponible !

Le voilà devenu Jean De La Viguerie et feignant l’amnésie. Pour le meilleur ou pour le pire ? C’est que Jean est une canaille et un pleutre. Qu’il a de nombreux ennemis, à commencer par son père ; homme puissant et ami de Clemenceau. Il souhaite voir son fils mourir au front !

Et « Pierre-Jean » qui se croyait enfin sauf se retrouve en 1ères lignes.

Son « don » va lui permettre de revenir en héros de cette boucherie.

Pierre s’interroge toutefois : la mémoire résiduelle des corps qu’il occupe un temps risque-t-elle de l’affecter ? Est-il toujours « lui », ce « je » qui est propre à chacun ?

Il a un projet.

Pour cela il va devoir dévoiler son don au Dr Carradec. Celui-ci ne sera pas si surpris. Il comprendra enfin d’où lui venait son malaise et ses interrogations. Ils mettront Agathe dans la confidence. Car qui mieux qu’elle pour prendre soin du corps de Pierre ? Ce vaisseau vide  auquel il est persuadé d’être toujours rattaché.

Et « Pierre-Jean » va voyager. Être tant de personnes : hommes, femmes, assassins, justiciers. Comment ne pas se perdre ? Est-il toujours « je » ? Une lassitude, une langueur s’installe et persiste. Il pourrait vivre éternellement. Mais ce don en est-il vraiment un ?

Extrait page 301 :
« J’ai reçu mon pouvoir comme s’il s’agissait d’un don, d’un simple cadeau allant de soi.
Mais il n’est pas de don en ce monde. Parfois des prêts et généralement des achats.
Sans doute est-il temps de commencer à payer l’addition. »

 

L’Histoire continue sa course. Inéluctablement. L’Allemagne prépare sa revanche. En 1933 à Berlin l’autodafé et le discours de Goebbels laisse présager le pire. Le mal incarné est en marche. La seconde guerre mondiale est là, et avec elle l’horreur des camps…

Jean-Baptiste nous offre un récit fort qui dénonce implacablement les guerres, avec une approche SF qui rend plus profondes les réflexions sur l’identité de ce « je » qui nous définit.

Des extraits de journaux intimes, lettres, articles de presse viennent rythmer ce roman et lui apporter une force, une âme, supplémentaire.

Un livre exceptionnel et difficile à oublier.

A lire d’urgence.

10 réflexions sur “Animus de Jean-Baptiste Ferrero

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