Et si, pour une fois, on leur donnait la parole ? Saison 2 Episode 7

Et si, pour une fois, on leur donnait la parole ?

Saison 2 Episode 7

Des interviews.
Mais pas les habituelles rengaines egocentrées des auteurs.
Parce que, finalement, dans un roman, qui va au charbon ? Le personnage !

Et si on leur donnait la parole ? S02E07

par Nick Gardel

Bonjour, vous m’excuserez de ne pas vous présenter, mais à vrai dire j’ai déjà du mal à savoir si vous êtes vraiment là…

Il n’y a aucune excuse à présenter. C’est une question que je me pose aussi régulièrement. En fait, je crois qu’elle n’a pas de réponse stable. Dès que j’arrive à me concentrer suffisamment pour y répondre, c’est un autre qui prend ma place.

Le flou que je perçois n’est donc pas un effet d’optique ?

C’est votre perception. Mais elle expliquerait mon état. Vous avez l’habitude de recevoir un personnage de roman. Je suis issu d’un recueil de nouvelles. Je ne peux être que multiple. Je suis tour à tour un jeune voleur, une apprentie meurtrière, un vieux serrurier. Je suis même l’auteur de cette interview !

C’est donc une forme de monologue… Est-ce que je vais pouvoir utiliser mes questions habituelles ?

Elles ne sont souvent qu’un prétexte pour faire parler celui qui n’a jamais la voix au chapitre, non ? Celle sur la durée de la création par exemple. Dans mon cas, ma « création » s’est étalée sur plus de vingt ans. Je suis un débutant et un confirmé. Bien sûr, j’ai pris un peu d’épaisseur quand il s’est agi de me compiler. Gardel, s’il faut le nommer, a battu le rappel et a convoqué les différentes identités qui me constituent. Il n’a pas pu s’empêcher de tout remanier, de redéfinir les enjeux que j’endossais, que nous endossions.

Se faire passer pour un fou est déjà une preuve de folie. Dans l’écriture, il doit en être de même.

Justement, s’il (si je ?) retravaille vos existences, on peut dire qu’il reste le maître de vos aventures, à tous.

Bien sûr qu’il est le maître. Bien sûr qu’il dicte sa loi. Tout comme une victime définit son bourreau. C’est forcément un échange. Il a d’ailleurs essayé de traiter de ce sujet dans une ou deux nouvelles. Mais ne vous y trompez pas, l’accouchement ne se fait jamais sans douleur. On emporte des bouts de lui. Un psy lui a dit une fois que se faire passer pour un fou était déjà une preuve de folie. Dans l’écriture, il doit en être de même. Un maximum de ces histoires sont écrites à la première personne, il doit y avoir de lui dedans. Peut-être pas dans la première couche de l’oignon. Mais au final, le cœur des choses…

Ce sont des drôles de rapports…

Il ne faut pas se prendre trop au sérieux non plus. Nos aventures sont pour la plupart horribles et n’ont qu’un seul but : divertir. Il se divertit lui-même en premier lieu d’ailleurs. C’est notre naissance. C’est l’instant qu’il maîtrise le moins. Il s’attache aux péripéties et alors nous en profitons, nous nous dessinons sans qu’il n’y fasse attention. Une fois l’histoire débutée, il se persuade qu’il ne pouvait en être autrement. Ses repentirs sont rares. Il est sans doute présomptueux.

En même temps, c’est lui/moi qui écrivons ces lignes. Alors elle m’a l’air plutôt assumée cette présomption !

C’est un prétentieux honteux. Ou alors un gars à la personnalité si bancale qu’il préfère ne pas revenir dessus. En définitive, nous, ses personnages, sommes totalement éloignés de lui tout en restant son reflet déformé. Des ondulations de miroir de foire en quelque sorte.

Votre vie s’achève à la fin de l’histoire ? Vous restez coincé dans cet enchaînement de péripéties ?

Gardel adore la cohérence de l’univers. Les seconds plans, les niveaux de lecture. Alors certains d’entre nous ont eu l’honneur de réapparaître. Même dans cet exercice minutieux qu’est la nouvelle, il a trouvé le moyen de faire coïncider des lieux et des détails. Pour tout dire, il adore assembler des vies indépendantes pour en faire un tout cohérent. Il a même fait cela à l’échelle d’un roman… Nous ne sommes qu’un bestiaire dans lequel il piochera pour construire, peut-être, une autre histoire. C’est très distrayant.

Je me retrouve perdu dans le déroulé de cette interview.

C’est sans doute le moment de conclure… C’est l’exercice le plus compliqué pour lui. Souvent il se tient en haleine dans ses histoires. Alors quand les enjeux sont atteints, il a tendance à laisser partir le fil narratif. Il faudrait sans doute que je parle du recueil en lui-même. Il l’a voulu comme un initiateur et une conclusion. Peut-être aussi pour démontrer qu’il savait écrire autre chose que des « polars rigolos ». Mais, s’il faut conclure, c’est indubitablement au lecteur de le faire. C’est lui qui définit l’auteur. En tant que personnage on reste à la merci de l’auteur. C’est lui qui écrit en solitaire. Mais lui n’existe pas sans lecteur. La volonté, le travail et même cet impalpable talent n’existent pas tant que l’œil du lecteur ne les a pas catalysés. Ce sont donc ceux qui sont en train de lire ces lignes qui auront le dernier mot.

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