Leur âme au diable de Marin Ledun

Le livre : Leur âme au diable de Marin Ledun – Paru le 04/03/2021 chez Gallimard – collection Série noire –  20 €. ( 608 pages) ; 14 x 20 cm

4ème de couverture :

L’histoire commence le 28 juillet 1986 par le braquage, au Havre, de deux camions-citernes remplis d’ammoniac liquide destiné à une usine de cigarettes. 24 000 litres envolés, sept cadavres, une jeune femme disparue.
Les OPJ Nora et Brun enquêtent. Vingt ans durant, des usines serbes aux travées de l’Assemblée nationale, des circuits mafieux italiens aux cabinets de consulting parisiens, ils vont traquer ceux dont le métier est de corrompre, manipuler, contourner les obstacles au fonctionnement de la machine à cash des cigarettiers. David Bartels, le lobbyiste mégalomane qui intrigue pour amener politiques et hauts fonctionnaires à servir les intérêts de European G. Tobacco.
Anton Muller, son homme de main, exécuteur des basses œuvres. Sophie Calder, proxénète à la tête d’une société d’évènementiel sportif.
Ambition, corruption, violence. Sur la route de la nicotine, la guerre sera totale.

L’auteur Marin Ledun est un romancier français et un ingénieur de recherches en sciences humaines et sociales.
Docteur en communication politique, il a été un spécialiste des questions liées au vote électronique. Il a publié un essai sur la démocratie assistée par ordinateur en 2005, et ses recherches actuelles portent sur l’émergence de nouvelles pathologies liées à l’organisation du travail.
Après un travail sur les enfants martyrs dans Modus operandi (Au Diable Vauvert, 2007), puis sur l’enfant cobaye et les biotechnologies, dans Marketing viral (Au Diable Vauvert, 2008), il poursuit sa réflexion sur le contrôle social et l’héritage culturel que le monde contemporain lègue à ses enfants dans Le Cinquième Clandestin (La Tengo, 2009) et Un Singe en Isère (Le Poulpe, 2010).
La collection « Série Noire » de Gallimard publie en mars 2010 son roman La Guerre des Vanités (Prix Mystère de la critique 2011) .
L’homme qui a vu l’homme (Prix Amila-Meckert 2014), Dans le ventre des mèresLes visages écrasés (Trophée 813 du roman français 2011; Grand Prix du roman noir 2012 du Festival International du film policier de Beaune et adapté pour Arte avec Isabele Adjani) ) ont été traduits dans de nombreux pays.
Au fer rouge sort début 2015. Suivra l’année suivante, En douce qui reçoit le Prix Transfuge du meilleur Polar 2016.
La plupart de ses romans évoquent la crise contemporaine et ses conséquences sociales.
Citoyen engagé dans le mouvement social radical, auteur de nombreux articles et ouvrages de recherche, marathonien, peintre et guitariste, Marin Ledun vit aujourd’hui dans les Landes près de la côte, au sud…
Son roman Salut à toi ô mon frère est sorti en mai 2018 (Série Noire, Gallimard) et la suite La vie en Rose en mai 2019.

Marin Ledun nous a fait le plaisir de répondre à nos questions sur son métier et ses inspirations notamment suivez le guide c’est ICI

Extraits :
« — Ma vie est un film de gangsters dans lequel je joue le rôle du salaud.
Zihan écarquille les yeux. Bartels saisit un dossier intitulé Convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé et le brandit en l’air.
— Mon métier consiste à falsifier, manipuler, abuser, tricher, corrompre pour vendre le plus de cigarettes possible et m’enrichir. Je ne sais faire que cela. »
« Que ce soient les Iraniens, les Basques ou l’Action directe de la bande à Rouillan, le terrorisme engendre un sentiment de peur. Les médias alimentent cette peur dans la durée. Or, le marketing, qui est devenu un outil indispensable pour promouvoir nos produits, se nourrit de deux choses, le sexe et la peur. La peur fait vendre, monsieur le président, c’est un fait. Plus les consommateurs de nos cigarettes ont la trouille des bombes et des tarés qui tirent dans le tas, plus ils fument. Voilà un autre fait. Le marketing et la consommation sont les clefs de voûte de l’économie. C’est ce qu’a bien compris Chirac. En donnant aux gens ce qu’ils réclament, nous les rassurons. Ce faisant, nous faisons acte de résistance et de patriotisme. Qui pourrait nous le reprocher ?
Mallet le dévisage.
— Vous êtes fou à lier !
Bartels rétorque :
— Je suis un homme d’affaires. »
« C’est le troisième plan social qu’il voit passer. Les vieux comme lui sont indestructibles, ils en ont vu d’autres, mais les jeunes, c’est différent. Les mutations, l’incertitude, les déménagements à répétition, le dépeçage des activités, les fleurons de l’économie vendus au plus offrant, les bénéfices records, ça les dépasse et, pour finir, ça les use. Ils n’ont plus le goût de la lutte, ils ne sont plus syndiqués, ils n’y croient pas. Ils imaginent que c’est leur force, mais ça les rend encore plus vulnérables. »

La chronique jubilatoire de Dany

Leur âme au diable de Marin Ledun

Il y a un an, l’auteur se confiait au collectif polar sur ses pratiques et nous avions glané quelques indiscrétions sur son cru 2021 : ICI

Marin Ledun nous disait en 2020 « L’écrivain de noir propose une grille de lecture d’un phénomène qui est souvent connu ou diffusé, contrairement au lanceur d’alerte qui nous parle de quelque chose qu’a priori, on ignore, non ? »

Alors voilà, il est sorti en ce début de mois de mars, ce roman noir où se côtoient fiction (un peu pour la mise en scène) et problème sociétal bien réel : lanceurs d’alerte pour les gentils et fieffés menteurs pour les méchants.

Ce thriller regorge de tabac à chaque page, 600 pages qui piquent les yeux, sentent la cigarette et l’alcool. Ne dit-on pas que l’argent n’a pas d’odeur ? Ici l’argent sent la nicotine.

D’aucuns disent que fumer c’est la liberté … c’est du moins ce que les vendeurs tentent de faire croire aux consommateurs et le tabac n’est pas une exception car tous les produits de consommations, surtout ceux qui sont superflus, sont soumis au même traitement.

L’auteur nous introduit donc dans le monde enchanté des communicants, des falsificateurs de preuves scientifiques, des lobbystes. Ne devrait-on pas dire plutôt le monde enchanté des manipulateurs ? Tous les moyens sont bons pour pousser à consommer plus. Pas mieux non, seulement plus car plus il y aura de consommateurs, plus la fortune des consortiums grandira. Pour cette manipulation planétaire, tous les coups sont permis, toutes les corruptions, tous les montages financiers aussi.

Les marchands de cigarettes organisent tout : le commerce de poison licite comme son trafic illicite, sa contrebande et l’évasion fiscale.

Le placement de produits n’a lui non plus pas de limite et on est loin de l’image de la simple canette introduite dans nos foyers par l’écran de télévision car c’est bien de la prostitution de luxe et des objectifs assignés aux escort-girls, ces madones des circuits de motos et de formule 1, dont il est aussi question.

L’argent de la cigarette compte plus que la cigarette. Les manœuvres consistent à s’attacher la complicité de ses « ennemis », porter le masque de l’innocence et les habits du mécénat pour au bout du compte tromper son monde.

Plus de trente ans séparent le fait divers d’ouverture de ce roman noir, de son épilogue quelque peu désabusé !

Un policier va tout faire pour déjouer les pièges du lobbying, se mettre en danger, mettre en danger ses informateurs journalistes du « Consortium International des Journalistes d’Investigation », pour traquer l’homme de main, recueillir les preuves à charge.

Un roman époustouflant, documenté au-delà de l’imaginable, réaliste et nauséabond, actuel et inquiétant, interpelant et …passionnant. Il m’a rappelé, dans un autre style cependant, le roman de Michaël Mention, victime du confinement l’année dernière, De mort lente et nous pouvons valablement craindre pour notre avenir quand nous constatons que ces lobbyistes s’attaquent sans vergogne à notre santé.
Ruez-vous sur Leur âme au diable, ne reculez pas devant le nombre de pages car il n’y a ni temps mort, ni développement inutile.

Mon premier coup de cœur 2021 !

Mais dis-moi Marin, tu fumes encore après nous avoir raconté tout ça ?

Lu en version numérique 14.99 €

Autres Extraits :
« Sa stratégie marketing se résume en trois mots : visibilité, vitesse, sexe. Valentina a repris à son compte les principes publicitaires développés autour de l’actrice pin-up des années 60, Lara Lindsay, posant à demi-nue sur une Mercury Cougar à l’occasion de la Motor Trend 500 de 1967 aux côtés de Paul Newman : une star, une grosse cylindrée, une créature de rêve. »
 « Dans le monde impitoyable du tabac, on se déteste, on tue, on exploite, on organise la contrebande, on n’est d’accord sur rien, mais on pratique l’entente sur les prix.
Certains parlementaires sont de bonne foi et se font enfumer en beauté. Beaucoup ferment les yeux. »
 « 11 millions de fumeurs en France, soit 19 000 voix par circonscription, sachant que : 1) l’élection se joue à 100 ou 200 voix près, et 2) il suffit que 1 % d’entre elles se reporte contre le député favorable à une mesure antitabac. Quelle est la solution la plus raisonnable ? Se taire ou perdre son siège à l’Assemblée nationale ? »

9 réflexions sur “Leur âme au diable de Marin Ledun

Répondre à Collectif Polar : chronique de nuit Annuler la réponse.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s