La tour des enfants perdus, Pierre Willi

Le livre : La tour des enfants perdus de Pierre Willi. Paru le 2 février 2021 chez Cairn dans la collection Du Noir au Sud. 12€. (394 p.) ; 18 x 12 cm

4e de couv :

La tour des enfants perdus

Une tour oubliée où survivent des enfants, et des prédateurs qui rôdent…

La Garonne insouciante lèche les quais de Bordeaux où les commerces sont florissants, l’urbanisme flamboyant.

Une jeune professeur des écoles et un jeune policier tentent de sauvegarder quelques illusions.

Un gamin trop malin veut venger ses copains. Le feu et la violence couvent dans les ruines jusqu’à l’emballement final.

L’auteur : Un parcours sinueux et hétéroclite : éléve infirmier psychiatrique, employé de bureau, chauffeur routier, analyste programmeur. Et puis la maladie qui va lui permettre de s’intéresser enfin aux choses sérieuses : écriture, peinture, théâtre, musique…
Dans une autre vie, Pierre Willi traverse deux fois l’Altantique sur un voilier de huit mètres, remonte le fleuve Orapu et la rivière Counana en Guyanne.
Il est l’auteur d’une dizaine de romans inspirés de l’air du temps. En 2018, il a publié Le dernier dinosaure dans la collection Du Noir au Sud.

 

Extrait : 
Nous crachons sur les écolos-cyniques qui interdisent les pailles en plastiquent mais autorisent les supermarchés à vendre leurs marchandises sous blister.
Nous crachons sur les écolos-cyniques qui nous vendent une planète verte depuis que l’on fait pousser de petits arbres mignons sur les toits des hypermarchés
J’ai huit ans et je voudrais pas déjà mourir.

 

 

La Kronik d’Eppy Fanny

La tour des enfants perdus de Pierre WILLI

aux Editions CAIRN

Collection Du Noir au Sud – ISBN 978-2-35068-928-9

En 1er lieu, je tiens à remercier les Editions Cairn et la Masse critique Babélio pour leur confiance. J’ai ainsi pu découvrir la plume de Pierre Willi.

 Au coeur de Bordeaux, des enfants retenus prisonniers survivent dans une tour oubliée où le temps semble suspendu. Tandis qu’une jeune professeure des écoles et un policier s’intéressent à leur disparition, un gamin trop malin tente de venger ses amis.

L’histoire : Un policier stagiaire, Arthur Rinxent, espère pouvoir accomplir sa mission. Celle pour laquelle il s’est engagé : aider ses concitoyens. Mais le commissaire Arsène Gourdon, son supérieur référent, une caricature misogyne, raciste, sans cœur, et clairement porté sur la boisson lui oppose une brutale réalité. En fait, il se complaît dans cette caricature et ne pardonne pas à Arthur de voir clair dans son jeu.

Une jeune maîtresse d’école, Julie Lyorac, qui débute sa carrière, croit en sa mission. Julie qui a quitté les forêts de son Périgord et qui refuse d’être connectée. Une extraterrestre. Sa grand-mère, qui l’héberge, est pour sa part ultra connectée. Le monde à l’envers.

Julie a alerté le directeur de l’école : trois de ses élèves ont disparu. Elle est inquiète pour Jérémie, Dorys et Bengali.

Gourdon, tel un taureau, fonce tête baissée à l’école Alfred-de-Musset où exerce Julie, avec à ses côtés, Arthur et le second lieutenant stagiaire, Edouard Fretin. Les deux stagiaires vont survivre à la conduite apocalyptique du commissaire. Pas à ses aprioris. Pour lui, les trois chiards disparus sont des rebelles, de la graine de délinquants !

Pourtant l’un des trois gamins, Bengali, a été retrouvé pulvérisé au pied de la tour Europamonde, 143 mètres de haut. Comme quoi, un apprenti délinquant ça ne sait pas voler. Pour Gourdon, le gamin devait faire partie d’un gang, jouer au con et se filmer, comme beaucoup d’autres, pour afficher ses exploits sur les réseaux. Un simple accident. Un môme d’un quartier sans intérêt. Un potentiel futur caïd de moins. La cité des Fleurs en regorge déjà.

C’est un joli nom la « cité des Fleurs », en revanche la réalité est bien autre. La cité devait être détruite et des urbanistes étaient chargés d’y créer un nouveau cadre de vie agréable. Mais les investisseurs chinois se sont tirés. La cité a été partiellement détruite et laissée en l’état. Immeubles et zone pavillonnaire ont subi la voracité des bulldozers. Une tour se dresse, résiste, la Tour Orchidée. Quelques résidents attendent d’être relogés et survivent au milieu des décombres, dont les parents de Jérémie Belakacem, que Gourdon, qui veut briller devant les deux bleus qu’il trimballe, en rajoute et agresse verbalement, car ils ne sont pas foutus de savoir où est leur gosse.

La cité des Fleurs, et la tour Orchidée, sont comme une verrue sur le cul de ce nouveau Bordeaux voulu par les urbanistes. Et la Tour Orchidée est vénéneuse. Une verrue purulente…

Un nouveau corps de gamin est retrouvé. Celui-ci est amputé de ses pieds. Et ce n’est pas l’un des deux élèves de Julie toujours dans la nature. Hélas le corps de Dorys est retrouvé à la cité des Fleurs : sévices sexuels visibles et crâne éclaté. Trois gamins morts de façon différentes. Y a-t-il un lien ?

Julie et Arthur vont s’épauler pour aider Jérémie. Le dernier survivant du trio.

Un gamin qui passe plus de temps chez sa voisine que chez ses parents. Il faut dire que Madame Joséphine, cartomancienne haïtienne, un peu sorcière, est un sacré personnage.

Extrait page 145 :
«Jérémie Belakacem n’est pas prophète en sa famille… J’ai huit ans, je boîte et je hais les adultes. Dans la ZAT, on devient adulte à douze ans.
Je voudrais pas grandir si c’est pour être aussi con que les adultes. Mais je voudrais plus être petit rien que pour leur détruire leur gueule et les tuer tous.
J’ai huit ans et je vais essayer de voler une arme pour tous les zigouiller. Si ce connard de flic revient, je lui pique son flingue. Je suis sûr qu’il nous a menti, l’autre soir chez Joséphine, et qu’il cache un calibre sous son cuir. Il ne l’a pas dégainé parce qu’il a eu peur de la bavure.
Je ne voudrais plus avoir peur de Ludo et Dédé. Je voudrais ne plus sentir mon sang s’accélérer quand j’aperçois une Ford Taurus verte.
Je voudrais voir les autres tous morts, leurs tripes à l’air et le festin des rats.
Je voudrais leur enfoncer une barre à mine dans le cul jusqu’à l’oeil.
Je voudrais pouvoir oublier ce qu’ils m’ont fait. Et oublier ce qui est arrivé à Bengali.
Je voudrais pas finir dans un four à déchets.
J’ai huit ans et je voudrais pas déjà mourir. »

 

Jérémie est le plus souvent dans la Tour Orchidée, dont les derniers locataires ont été relogés. Ne reste que les squatteurs. Chaque étage correspond à un groupe, un gang. Des strates de violence. Au sein de la tour, les rivalités, la convoitise, la faim que n’arrive pas à calmer tout ce qui se renifle, se fume, s’injecte… forme un mélange prêt à exploser. Prêt à déborder. Au 15ème et dernier étage Bébert a des projets. Jérémie l’assiste.
Bébert crache sur l’héritage que les anciens ont laissé.
Extrait page 155 :
« La forêt brûle et la fumée intoxique les enfants presque autant que le souffre des cargos et des paquebots en escale à Bordeaux.
Vengeance ou revanche, je vais allumer un contre-feu symbolique qui fera trembler les certitudes toutes neuves de la Renaissance verte. Ils osent appeler Renaissance le monde de faux-semblants qu’ils bâtissent en écrasant les deux tiers de l’humanité.
L’arrogante tour Europamonde est l’emblème de cette mascarade.
Je vais la détruire. »

Le corps d’un 4ème enfant va être découvert. Quels monstres sont à l’œuvre ?

Julie et Arthur vont enquêter, officieusement.

Des pistes nombreuses, des horreurs sans noms… Le jeune flic découvrira le fin mot de l’histoire et tiendra une promesse faite.

Ce récit qui se déroule à Bordeaux, dans un monde d’après où les travers du monde actuel sont exacerbés, ne peux qu’interpeller.

Vous l’aurez compris, ce polar dénonce les travers de notre société et les utilise pour tisser un récit addictif dans un futur plausible peu reluisant.

Ce roman nous parle des êtres humains abandonnés par le système. Des enfants de ces laissés pour compte qui, dès avant leurs dix ans, rejoignent des gangs pour augmenter leur chance de vivre et de manger. Gangs que viennent grossir de jeunes migrants dont tout le monde se fout. D’une fondation omniprésente en lien avec des organisations humanitaires. D’une clinique à la pointe du progrès. De toutes les violences faites aux plus faibles et aux femmes, du racisme, de la pollution, de l’hyper connexion et ses conséquences, de l’ultra-libéralisme et du profit d’une minorité…

J’ai aimé ce récit et me suis attachée à tous ces gamins perdus. Jérémie en particulier.

Je dois avouer que j’ai en commun avec Julie le Périgord et ses forêts.

Et que je garde au cœur un peu d’espoir.

Je vous invite, à votre tour, à découvrir ce récit.

 

4 réflexions sur “La tour des enfants perdus, Pierre Willi

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