Manger Bambi, Caroline De Mulder

Le livre : Manger Bambi  de Caroline De Mulder. Paru le 7 janvier 2021 chez Gallimard dans la collection La Noire. 18€50. (198 p.) ; 21 x 14 cm

4e de couv :

Bambi, quinze ans bientôt seize, est décidée à sortir de la misère. Avec ses amies, elle a trouvé un filon : les sites de sugardating qui mettent en contact des jeunes filles pauvres avec des messieurs plus âgés désireux d’entretenir une protégée. Bambi se pose en proie parfaite. Mais Bambi n’aime pas flirter ni séduire, encore moins céder. Ce qu’on ne lui donne pas gratis, elle le prend de force. Et dans un monde où on refuse aux femmes jusqu’à l’idée de la violence, Bambi rend les coups. Même ceux qu’on ne lui a pas donnés.

 

 

L’auteur : Née à Gand le 07 aôut 1976, Caroline De Mulder est professeur de lettres.Elle est un écrivain belge de langue française. Elle réside à la fois à Paris et à Namur où elle est chargée de plusieurs cours de littérature aux Facultés Notre- Dame de la Paix.
Élevée en Néerlandais par ses parents, elle alterne ensuite des études en français et en néerlandais, primaires à Mouscron, secondaire à Courtrai, philologie romane à Namur, puis à Gand et enfin à Paris.
L’auteur qui aime dire avoir deux langues maternelles, a donc appris à écrire en néerlandais et à lire en français.
En 2010 , son premier roman « Ego Tango » (consacré au milieu du tango parisien, milieu qu’elle a elle même fréquenté assidûment), lui vaut d’être sélectionnée avec 4 autres écrivains pour la finale du prix Rossel. Elle est la cadette de la sélection et remporte le prix.
Elle publie en 2012 un premier essai : « Libido sciendi : Le Savant, le Désir, la Femme », aux éditions du Seuil. La même année, elle publie également un second roman (« Nous les bêtes traquées », aux éditions Champ Vallon) lors de la rentrée littéraire.
Chez Actes Sud, parait, en 2014, « Bye Bye Elvis » et, en 2017, « Calcaires ». 

 

Extrait :

D’instinct elle recule, le Sig Sauer caché dans le dos. Elle est toute menue et ravissante, et maquillée à faire peur. Des yeux avec des peintures de guerre et des couleurs de tranchée et de boue dévorée, mais un visage en cœur, des arêtes fines. Elle porte un jeans slim et marche pieds nus.
Nouveaux coups à la porte. Elle dit à une autre fille, qui se tient en retrait, « Vas-y toi, tu fais plus vieille. » De cette fille, à peine moins jeune, on ne distingue pas grand-chose, tant tout d’elle est occulté par trop de cheveux, d’une blondeur anormale. Elle porte une robe de satin bleu décoloré un peu grande mais, à la voir, habituée ni aux robes ni aux talons. Elle ouvre la porte de quelques centimètres, genre situation très intime :
« Vous laissez tout devant la porte, merci. »
Elle referme. Elle attend, ouvre de nouveau, prudente : le loufiat est parti, la voie est libre. Le petit chariot qu’elle tire à l’intérieur est couvert de verres et de jolis plats sous cloches métalliques. Champagne et room service. Elle dispose tout sur la table de la suite, et en dernier, le chandelier design pourvu de flammèches électriques. Dînette pour lovers. Waw. C’est beau.

 

Le post-it de Ge

Manger Bambi, Caroline De Mulder

C’est le second polar de Caroline De Mulder que je lis après « Calvaire » qui me faisait découvrir cette auteure flamande il y a quatre ans. C’est le second polar et c’est surtout la seconde claque que je prends.

Il faut dire que la puissance de l’écriture immersive de Caroline De Mulder est incroyable. Direct on entre dans le monde et la tête de Bambi, cette jeune fille frêle mais sans doute plus dangereuse qu’il n’y parait.

En effet, leader d’un gang d’adolescentes zonardes, Bambi, 15 ans, utilise les sites de sugardating pour sortir de la précarité. Loin de se laisser séduire par des hommes plus âgés, elle se défend avec force contre les violences auxquelles elle est exposée quotidiennement.

Là j’ai du mal à digérer ce conte cruel et trash que j’ai adoré.

J’aimerai vous en dire plus sur Bambi, sur la petite fille qu’elle a été auprès d’une mère alcoolique et mal aimante.

J’aimerai vous dire que Manger Bambi est un hymne contre les violences faites aux femmes.

Je devrais aussi vous dire que les hommes n’ont pas le bon rôle ici. Je pourrais rajouter que c’est sans doute mérité !

Manger Bambi m’a bousculée et il en faut pour me déstabiliser. Il faut dire que tout un tas de sentiment souvent contradictoire viennent vous percuter et souvent en même temps durant votre lecture. Une lecture qui ne vous laissera pas indemne, c’est certain.

Alors oui c’est cru, c’est jeune, c’est trash. Certains diront surement laid et vulgaire. Oui c’est osé, réaliste, rude, saignant, brutal. Oui c’est féroce, sauvage et violent. Oui on comprend parfois Bambi et ses motivations à vouloir sortir de la misère, oui on s’indigne car on peut penser qu’elle va trop loin, oui, on s’apitoie aussi tellement ce récit est impitoyable. On a peur, on juge, on s’attache. On est submergé par des sentiments, des émotions contradictoires.

Mais ce qui est certain c’est que cette jeune Bambi fera partie de ces héroïnes qui ne vous lâcheront plus et vous marqueront à jamais. Une héroïne déjantée et désenchantée.

Et le style tout en tension de notre autrice est inimitable.

Bravo Madame De Mulder, votre roman est brillant , tellement actuel et nécessaire, j’allais dire impérieux.

 

Autres extraits : 
« La fille ne donne pas un regard, fait semblant de ne rien entendre, presse le pas. Ses deux poursuivantes aussi. « Elle se la pète, en plus. C’est pas malin. Et c’est pas la peine, tu vas prendre cher. Me donne pas d’excuses, j’ai trop envie de me faire une tepu comme toi. » Cette fille ressemble à s’y méprendre aux petites connes qui riaient de Bambi enfant, qui l’appelaient « la triso » parce qu’elle était mal sapée et qu’elle puait le galérien et que sa mère déteignait sur elle, c’était à force d’être avec maman qu’elle marchait voûtée. Même habillée, toujours l’air en pyjama, et puis personne ne lavait ses vêtements. La tepu est donc une petite blonde bien trimée, maquillée discret, ses cosmétiques mettent en avant ses jolis yeux clairs, un peu à fleur de sa tête toute mimi, une petite salope d’allumeuse friquée, ça se voit rien qu’à sa façon de poliment balancer son boule, et toujours pas un regard. « Tu fais ta fière ? » et Bambi lui met un coup de griffe, léger, félin, dans le visage. La petite salope ne fait pas sa fière, et quoique morte de peur elle continue à marcher comme si de rien n’était, comme dans un tunnel, au fond de ses yeux brouillés, on voit qu’elle nie en bloc la situation, elle pense que continuer à marcher lui permettra de s’enfuir. »

 

« On fera quoi, ma Leï, quand on aura fait le million d’eu.
— On flambe. On claque. On se casse. Thaïlande. Caraïbes.
— Je paie un pav à maman, et on se casse ouais, tellement. »
Même pour faire les comptes de l’opération, elles ne baissent pas la voix. Deux cent cinquante-quatre euros, une Rolex, une alliance en or blanc, un MacBook Air, des produits d’hygiène, un sèche-cheveux et un couvre-lit. « Et rien à faire qu’un petit shooting et gérer le porc », ajoute Bambi, « c’est comme devenir blindées en dormant. Faudra voir, pour la quincaille, je crois bien qu’on en tirera cinq cents au moins. Et puis un jour on tombera sur le jackpot, parce qu’y a des mecs qui se promènent avec de vraies liasses, on finira par tomber sur l’un d’eux, c’est forcé. »
Leïla dit :
« Autour de sept cent cinquante dolls au total, alors ? Pour la maille, ça vaut pas la bicrave. Je fais les cinq cents facile en poussant dix grammes.
— Peut-être. Mais là y a la win. Et puis c’est trop bon, c’est carrément bon. » »

34 réflexions sur “Manger Bambi, Caroline De Mulder

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