Avis d’Expert, saison 2 : Affaire n°9 : Le docteur Petiot.

Avis d’Expert, saison 2 : Affaire n°9 : Le docteur Petiot.

 

 

Affaire n°9 : Le docteur Petiot.

 

   Acte 1 : L’affaire Petiot.

 

  L’Occupation est une période trouble qui offre à la criminalité de nouvelles perspectives. En effet, jamais auparavant les truands et les affairistes n’avaient amassé de fortunes aussi considérables en si peu de temps, et surtout en toute impunité. Période également propice, quand les normes ordinaires s’effacent, aux manifestations du crime les plus extrêmes. Le tueur en série Marcel Petiot en est la sinistre illustration, tant par l’ampleur de ses forfaits que par la façon dont la police y a mis fin.

 

Acte 2 : Feu de cheminée suspect.

 

   La fumée âcre et nauséabonde qui se répand rue Le Sueur, dans le 16e arrondissement de Paris, ce 9 mars 1944, incommode tant les habitants du quartier qu’il a fallu prévenir la police. La puanteur semble émaner d’un hôtel particulier sis au numéro 21. Lorsque deux gardiens de la paix se présentent, la concierge du 23 leur précise que l’hôtel en question est la propriété d’un certain docteur Petiot qui lui a laissé son numéro de téléphone en cas de besoin : Pigalle 77.11. Aussitôt averti, Petiot déclare qu’il arrive le plus vite possible et que surtout on ne touche à rien.

Mais entre-temps, les pompiers de la caserne de la place Dauphine sont arrivés sur place et ont pénétré dans la bâtisse par une des fenêtres du premier. Rapidement, ils comprennent qu’il ne s’agit pas d’un feu de cheminée car l’insupportable odeur provient du sous-sol. Éclairés par des lampes torches, ils se rendent à la cave dans laquelle se trouvent deux chaudières qui ronflent dans un bruit d’enfer. Mais le spectacle qui s’offrent à eux est tout aussi infernal : par la porte entrouverte de l’une d’elles pend un membre humain tandis que sur le sol gisent des crânes et des troncs sanguinolents.

Acte 3 : Un psychopathe?

 

  Né à Auxerre en 1897,  l’enfant Marcel Petiot manifeste des tendances criminelles en étouffant ou ébouillantant les chats !! Ses camarades de classe parlent de lui comme un garçon violent. En 1914, il est exclu pour vol du lycée où il faisait de brillantes études, ce qui ne l’empêche pas d’obtenir son bac en candidat libre deux ans plus tard. Puis il devance l’appel et s’engage dans l’infanterie où il est blessé au pied. Se plaignant d’amnésie, il est finalement réformé pour troubles psychiques et interné à plusieurs reprises. Mais il profite des facilitées accordées aux soldats démobilisés pour s’inscrire à la Faculté de Médecine de Paris de laquelle il sort diplômé avec mention très bien.

Il s’établit alors à Villeneuve-sur-Yonne où il se rend populaire en soignant gratuitement les indigents. Il sera d’ailleurs élu maire de la ville en 1926. Mais le docteur Petiot est vite rattrapé par sa personnalité : voleur compulsif et mythomane, on le soupçonne d’avoir trempé dans des affaires de disparitions troublantes. Reconnu coupable d’escroquerie, il est révoqué de ses fonctions municipales en 1933. Marié et père d’un enfant, il monte s’installer à Paris au 66, rue de Caumartin où il ouvre un cabinet médical.

Une bonne réputation et une publicité habilement menée lui valent une nombreuse clientèle. C’est rapidement le succès car le « bon docteur Petiot », équipé des technologies les plus modernes, se fait fort de soigner toutes les maladies. Mais ses vieux démons le poursuivent : pris en flagrant délit de vol à l’étalage de la librairie Joseph Gibert en 1936, il n’est pas condamné mais interné à Ivry pendant six mois.

De son côté, la police dresse un procès-verbal affirmant que « l’on se trouve en présence d’un homme atteint de déséquilibre mental qui, s’il ne paraît pas actuellement dangereux pour la sécurité publique, et en raison de la profession qu’il exerce, doit être tenu en observation. » Or, personne ne prendra la peine de le surveiller…

 

Acte 4 : La maison de l’horreur.

 

  En mai 1941, il achète, grâce à ses honoraires conséquents, un hôtel particulier situé au 21 de la rue Le Sueur. Il entreprend alors des travaux importants : il surélève le mur mitoyen afin de s’isoler de ses voisins ; à l’intérieur, il aménage un cabinet médical, une cave à double porte, ainsi qu’une chambre à gaz munie d’un judas. Sous le nom d’emprunt de docteur Eugène, Petiot s’improvise chef d’un réseau clandestin d’évasion vers l’Amérique du sud, plus précisément l’Argentine. Il exige des candidats à l’exil une avance importante, puis leur donne rendez-vous chez lui, de nuit, muni d’une unique valise contenant leurs biens les plus précieux ( argent, bijoux, objets de valeur). Sous prétexte de vaccination, les fugitifs étaient gazés ou empoisonnés dans une salle spécialement prévue à cet usage. Les corps étaient ensuite découpés en morceaux puis incinérés dans les chaudières du sous-sol. 27 victimes ont pu être officiellement recensées.

La première d’entre elles était un fourreur habitant dans le quartier, Joachim Guschinow qui, pressentant les persécutions à venir, décide de quitter le pays. Après la rafle du Vel’d’Hiv’ qui a lieu les 16 et 17 juillet 1942, les candidats au départ se font plus nombreux . Ainsi, d’autres familles juives subissent le même sort : les époux Basch, Stevens et Anspach ; mais Petiot s’intéresse également à des figures de la pègre trop compromis avec l’occupant et désireux de « se mettre au vert » : parmi eux on dénombre François Albertini, Charles Réocreux, Adrien Estebeteguy et Joseph Piereschi qui périront avec leurs maîtresses dans la « maison de l’horreur ».

Les soixante-douze valises retrouvées dans l’hôtel particulier de Marcel Petiot sont empilées dans la salle d’audience. Rue des Archives/©Rene Saint Paul/Rue des Archive

Acte 5 : Arrestation.

 

  Petiot, suite à l’intervention des pompiers à son domicile, a juste le temps de s’enfuir et de se réfugier chez un ancien client, domicilié rue du faubourg Saint-Honoré, à qui il se présente comme un résistant poursuivi par la Gestapo. En septembre 1944, il intègre, sous le pseudonyme de Valéry, les Forces Françaises de l’Intérieur. Devenu capitaine, il est affecté à la caserne de Reuilly où il conduit les interrogatoires dans le cadre de l’épuration.

Le commissaire Massu, en charge de l’enquête le concernant, lui tend un piège pour le démasquer. Dans un article du journal Résistance, il le présente comme un « soldat du Reich ». Petiot tombe dans le panneau. La lettre de protestation qu’il adresse au journal permet de le localiser. Il est arrêté le 31 octobre 1944 au métro Saint-Mandé. L’instruction dure seize mois, tant il s’avère compliqué pour les enquêteurs de déterminer l’identité des victimes retrouvées dans et autour des fameuses chaudières. Son procès s’ouvre le 18 mars 1946.

Acte 6 : Le procès.

 

  Son avocat : le défenseur de Petiot est maître Floriot, un avocat qui a acquis sa réputation dans plusieurs affaires retentissantes. Car il faut un défenseur de talent pour un personnage aussi peu ordinaire que Petiot, meurtrier en série qui, en d’autres circonstances, aurait pu continuer à se livrer à ses activités criminelles pendant longtemps sans que personne ne se doute de rien si un banal feu de cheminée ne l’avait démasqué. Dès le premier jour du procès, une foule nombreuse se presse devant le Palais de Justice de Paris.

 

Son système de défense : l’interrogatoire permet de cerner la personnalité ambiguë du médecin, homme instable psychologiquement. Le lendemain, maître Floriot et son client organisent la défense autour de l’idée que Petiot était un résistant. Ce dernier explique que, sous le pseudonyme de docteur Eugène, il appartenait à réseau appelé « Flytox » dont il refuse de donner les noms de ses membres. Leur mission consistait à traquer et éliminer les « boches » et les « collabos » dont ils allaient ensuite enfouir les corps dans des décharges ou des bois de la banlieue parisienne. Il affirme avoir rendu des services précieux aux armées alliées en livrant des informations capitales sur une arme que les Allemands mettaient au point dans la région de Berlin car, en sa qualité de médecin, il soignait des prisonniers de guerre rapatriés pour raison de santé. Sachant parfaitement que sa version pourrait sembler par trop incroyable, Petiot émaille son récit d’une part de vérité, faisant allusion à son arrestation par la Gestapo en mai 1943. Il fut incarcéré 8 mois dans la prison de Fresnes pour finalement être relâché.

Reconstitution : le 20 mars, les familles des victimes viennent défiler à la barre, rendant peu crédible la thèse d’une filière pour permettre à ceux qui le désiraient de rejoindre l’Argentine. Les témoins rapportent que le « bon docteur » proposait à ses « clients »de les vacciner. Le président du tribunal Léser, intrigué par le fait que les victimes ne semblaient avoir reçu ni coups ni blessures, demande une reconstitution. Le 22 mars, magistrats et jurés se rendent au 21 de la rue Le Sueur accompagnés de l’accusé dûment encadré par des policiers. Sur place, il affirme que son cabinet ne présente aucun intérêt, que la petite salle triangulaire attenante n’est qu’une salle de radiologie, et qu’il ignore la destination de la fosse remplie de chaux ainsi que la fonction du four installé dans la cave.

Changeant de tactique, il explique, avec un aplomb inimitable, que ces accessoires étaient destinés à faire disparaître les cadavres des traîtres exécutés par son réseau. Jusqu’au 30 mars, la cour continue d’entendre les témoignages des familles des victimes ainsi que les dépositions de ceux qui, souvent pour des motifs dérisoires, lui ont échappé. Comparaissent également les rabatteurs de Petiot, des individus douteux.

Le docteur Marcel Petiot, accusé du meurtre de vingt-sept personnes sous l’Occupation. Ici lors de son procès aux Assises de la Seine en mars 1946. Rue des Archives/Credit ©Rue des Archives/AGIP

Condamnation : face aux accusations, il reste d’un calme cynique. Quand on lui reproche la mort de 27 personnes, il s’écrit : « Vingt-sept ? Vous voulez dire soixante-trois ! » Car il n’en démord pas : ce sont bien soixante-trois personnes qui ont péri dans le sous-sol de son hôtel particulier. Mais quand on lui demande pourquoi on a retrouvé chez lui et chez son frère les valises de ses victimes, parmi lesquelles des femmes et des enfants, il refuse de répondre. Idem quand on lui demande où il a caché les sommes d’argent et les bijoux dérobés, dont la valeur est estimée à 250 millions de francs.

Malgré les témoins cités par la défense et attestant de la bonté et de l’altruisme du docteur Petiot, et malgré la plaidoirie de son avocat, les neuf jurés, après une longue délibération, le déclarent « coupable » et le condamnent à la peine capitale, sans que soit évoquée sa démence. L’accusé, qui ne s’est pas manifesté pendant la lecture de la sentence, est emmené dans sa cellule par trois gendarmes. En attendant son exécution prévue pour le 25 mai 1946 au matin, il rédige quelques notes. Le jour dit, Petiot monte à la guillotine avec assurance et mépris. Et quand pour la dernière fois on lui demande où il a caché l’argent et les biens de ses victimes, il déclare : « Je suis un voyageur qui emporte ses bagages ! »

Malgré les témoins cités par la défense, attestant de la bonté du docteur, et la plaidoirie de maître Floriot,

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