Portrait de femme, chapitre 2 « Mémé Loénie

8 mars sur Collectif Polar

Portrait de femme, chapitre 2

M

Mon héroïne, mon arrière-grand-mère maternelle

par Sabine Bolzan

Mon arrière-grand-mère maternelle.

Elle s’appelait Léonie. « Mémé Léonie », pour moi.

Je ne sais pas grand-chose d’elle. Pourtant, je l’ai connue et je l’ai aimée à ma façon.

Elle m’a aimée aussi à la sienne.

Quand j’étais étudiante, je déjeunais avec elle tous les mercredis. J’aimais ce petit rituel, ce tête à tête avec elle.

Je ne me souviens plus de quoi nous parlions, de tout probablement, mais surtout pas de son passé.

On m’a toujours dit d’elle qu’elle était une femme de caractère, pas très affectueuse et très dure. Elle souriait peu mais quand elle le faisait son visage s’illuminait.

Je me souviens d’une fois, elle commençait à devenir aveugle, où je l’avais rejointe au bar que tenait André, son premier fils. Elle m’a vue ouvrir la porte, sans me reconnaitre. Elle m’a jeté alors un regard mauvais (on m’a toujours dit qu’elle détestait les femmes, sans m’en expliquer la raison. Je suis née dans une famille qui aime et entretient les secrets et le mystère autour). Quand elle a entendu ma voix, elle m’a dit « Ah, c’est toi, Sabine ! ». Tout était dans ses quatre mots : son plaisir que je sois là, son affection pour moi et… ce sourire, si rare.

Elle est née au début du 20ème siècle et est décédée quelques mois après le début du 21ème siècle.

Deux siècles en une vie, pour moi, ça force déjà l’admiration.

A 19 ans, elle était mariée. A 20 ans, elle était maman pour la première fois. A 25 ans, elle mettait au monde son 4ème enfant. Deux filles, deux garçons. Ma grand-mère est sa deuxième fille. A peine une grossesse achevée, qu’elle retombait enceinte. Cela l’a usée mais a surtout forgé ce caractère volontaire et déterminé.

A 49 ans, elle demande le divorce et en même temps envoie une lettre à Monsieur Chaban Delmas – alors maire de Bordeaux – afin qu’il lui donne du travail ainsi qu’à son plus jeune fils. Travail qu’elle a obtenu pour eux deux. Fruit du hasard ou clin d’œil de la vie, elle s’occupait de la garderie dans l’école maternelle où j’étais élève.

C’est en cela qu’elle est mon héroïne. Elle nous a montré la voie, à nous les femmes de sa famille, nous a fait comprendre et entendre que le « sexe faible » était FORT. Elle a fait preuve de courage dans une époque, 1958, où la femme ne pouvait pas gérer ses biens propres et exercer une activité professionnelle sans le consentement de son mari. (Autorisé à partir de 1966).

Je dois toutefois rendre hommage à son époux, mon arrière-grand-père, qui a accepté cette « émancipation ». Il a donné le « la » de la modernité aux hommes de ma famille.

Grâce à Léonie, j’ai en moi, cette liberté de pensées et d’actions. Cette certitude d’égalité de droits et de positions dans la vie personnelle et professionnelle.

Cette liberté, mon époux et moi-même, l’avons transmise à nos filles afin qu’elles s’épanouissent comme tout autre humain, sans clichés, sans entraves, sans diktats.

Pour moi, la femme doit être libre de mener l’existence qu’elle se choisit. C’est ce qu’a fait mon arrière-grand-mère maternelle. Même si sa vie n’a pas toujours était facile, elle a fait le choix de son indépendance.

Merci mémé Léonie…

 

4 réflexions sur “Portrait de femme, chapitre 2 « Mémé Loénie

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