La leçon du mal, Yûsuke Kishi

Le livre : La leçon du mal de Yûsuke Kishi ; traduit du japonais par Diane Durocher. Paru le 25 août 2022 chez Belfond. 24€.  (533 p.) ; 23 x 14 cm

4e de couv :

La Leçon du mal

De l’avis de tous, Seiji Hasumi est le professeur le plus charmant, le plus séduisant, le plus charismatique du lycée Shinkô Gakuin de Machida. Adulé de ses élèves, admiré de ses collègues, apprécié de sa direction, le jeune homme est fin, drôle, toujours prêt à voler au secours des uns, à protéger les autres, à combattre les injustices et le harcèlement, à dénouer les conflits.

Hasumi est tout cela et pire encore. Hasumi est un psychopathe. Manipulateur, calculateur, pervers, capable de tout pour prendre le contrôle et asseoir son pouvoir. Un être violent, qui n’hésite pas à éliminer quiconque se met en travers de sa route.

Trois élèves l’ont percé à jour. Commence alors une traque terrifiante, aux conséquences inimaginables…

Rythme effréné, personnages détonants, narration addictive, un roman sidérant : par son envergure, par le phénomène qu’il a généré au Japon, par les thématiques qu’il aborde. Un American Psycho japonais, critique féroce et jouissive d’une société enfermée dans ses codes, sa hiérarchie sociale et ses traditions passéistes, qui finit par engendrer des monstres.

L’auteur : Né en 1959 à Osaka, Yûsuke Kishi est membre de l’association Mystery Writers of Japan. Après avoir travaillé plusieurs années dans une compagnie d’assurances, il s’est lancé dans l’écriture. Ses romans sont tous des best-sellers, régulièrement adaptés en mangas ou en films.
OEuvre culte au Japon, publié pour la première fois en France sous forme de roman, La Leçon du mal a déjà été adapté en manga chez Kana et a été porté à l’écran par le cinéaste japonais Takasho Miike.

Extrait :
« Le lycée Shinkô Machida représentait pour Hasumi un vaste plateau de jeu d’échecs où chaque prof, chaque élève s’apparentait à une pièce. Il fallait sans arrêt manœuvrer pour que tout ce petit monde se déplace dans la direction souhaitée. Tsurii était différent. Ce n’était pas une pièce, mais l’adversaire assis à la table en face de lui. »
« Ce rêve n’avait ni queue ni tête.
Il assistait à une pièce de théâtre, apparemment jouée par des lycéens. Les siens, d’ailleurs : ceux de la 1re 4, dont il était le professeur principal.
On donnait L’Opéra de quat’sous, de Kurt Weill. Le bandonéon soufflait les premières notes de « La Complainte de Mackie ». Il regarda de plus près. Les élèves, tels des pantins, étaient affublés de fils. Manipulés contre leur gré, ils s’activaient aux quatre coins de la scène avec une maladresse confondante.
Deux jeunes femmes étaient assises à ses côtés, chacune un bouquet de fleurs à la main. À sa gauche, Junko Taura, l’infirmière du lycée. À sa droite, Satoko Mizuochi, la psychologue scolaire dont le regard soucieux demeurait rivé à la scène.
Les adolescents entravés s’acquittaient de leur rôle avec diligence – la plupart d’entre eux, en tout cas. Certains se mouvaient de leur propre volonté, troublant le bon déroulement du spectacle.
Agacé, il leur lança des craies qui ratèrent leurs cibles. Alors, il pointa sur eux un fusil de stand de tir à la fête foraine et fit feu.
Il faucha un élève, puis un autre. Les victimes, plates comme des silhouettes en carton, s’abattirent pour sombrer dans les entrailles infernales de la Terre.
Le public était hilare.
Fier de son adresse, il se tourna vers ses collègues, sûr de lire l’admiration dans leurs yeux. Au temps pour lui : les jeunes femmes semblaient insensibles à ses prouesses. »

Le billet de Chantal

La leçon du mal, Yûsuke Kishi

 

Le Japon est un pays assez fascinant, pour moi, de par sa culture si différente de la nôtre, de par son cinéma, de par ses paysages urbains, sans parler de sa langue, impénétrable à quiconque ne s’y est pas attelé. Aussi, quand un auteur japonais apparaît dans le monde du polar, mon œil s’allume ! Et j’avoue ne pas avoir été déçue par le roman de Yûsuke Kishi , même si je mettrai quelque bémol.…

Déjà, le titre, La leçon du mal, retient notre attention. Est-ce parce que j’ai été enseignante que le mot « leçon » sonne bien à mon oreille ? Je suis d’autant plus curieuse que le héros du récit, Seiji Hasumi, est professeur d’anglais dans un lycée peut-être pas très prestigieux, mais très honorable, où les élèves sont suivis, écoutés, aidés autant que faire se peut par l’équipe éducative. Et particulièrement par ce prof d’anglais, ô combien apprécié par tous, élèves , professeurs ou personnel administratif. Enfin, par tous, non. Certains élèves ont comme une réticence vis à vis de lui, malgré son charisme et sa façon d’enseigner, très dynamique.  Ces élèves décèlent comme une menace dans la personnalité d’Hasumi.

L’auteur nous fait suivre tantôt Hasumi, tantôt des élèves ou d’autres professeurs. Nous voyons le petit monde du lycée et ses classes par les yeux d’Hasumi le plus souvent, et l’on comprend vite qu’il n’est pas le bon prof’ pour lequel il se fait passer. Il a un don d’orateur certain et manipule facilement non seulement l’esprit de ses jeunes élèves mais aussi ses collègues, dont Hasumi a su trouver les failles, voire les noirceurs. Chaque faiblesse découverte chez l’un ou l’autre va lui servir de tremplin pour abaisser, humilier, mener par le bout du nez tel ou tel. Hasumi se voit tel un démiurge, ayant pouvoir de vie et de mort , écartant les obstacles d’une pichenette. Esprit retors s’il en est, menteur, hypocrite, absolument insensible … Voilà un personnage digne de se retrouver au dernier cercle des Enfers de Dante !

Les élèves sont montrés tels que des adolescents, partagés entre admiration totale et rejet, peur et courage , capables de lutter contre ce Mal sournois qui pourrit lentement mais sûrement leur lycée, mais aussi hésitants sur la conduite à tenir  Ces personnages d’adolescents sont plutôt bien décrits par l’auteur. De même, ce dernier montre bien les rapports très codifiés entre les gens, qui freinent la spontanéité et l’épanouissement. Seul l’alcool peut faire sauter les barrières, mais à quel prix parfois !

Le récit va crescendo, d’un début qui m’a paru presque un peu long avant d’entrer dans l’action véritablement, jusqu’à un final qu’on peut qualifier d’explosif, au sens propre et au sens figuré ! On jurerait un Tarantino aux manettes ! C’est là que je placerai mon bémol : l’auteur nous plonge dans une fête scolaire qui tourne au cauchemar un peu trop « gore »à mon goût. On se demande jusqu’où le récit va aller, et peut-être n’en demande-t-on pas tant, sous peine de ne plus trop souscrire au final. Mais après tout, se dit-on, des événements de ce genre n’ont-ils pas eu lieu, dans des établissements scolaires américains, (dus plutôt cependant à des élèves ou adolescents)… ?

Bref. C’est un récit qu’on ne lâche pas, même si on sent vite que ça ne sera vraiment pas un long fleuve tranquille dans le monde impitoyable du professeur Hasumi ! Pas de « feel good »  polar ici !

14 réflexions sur “La leçon du mal, Yûsuke Kishi

  1. C’est un titre que j’avais repéré sur le blog Les lectures de Marinette et que j’avais noté dans ma liste d’envie, et je dois dire que cette nouvelle chronique me donne tout autant envie de le découvrir. Je redoute un peu le côté gore vers la fin, mais le sujet m’intrigue beaucoup. Merci Chantal pour ce bel avis ! 😊

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