Exquis Cadavre Exquis, la 5e et dernière récap

Exquis Cadavre Exquis, la 5e et dernière récap

Arrêt sur image, venez découvrir l’état de notre exquis cadavre exquis…

Voici le final de notre Exquis cadavre exquis que vous avez suivi avec attention

Et…

peut-être avez vous aussi tenu le scalpel pour faire avancer notre histoire !

Mais cette fois c’est belle est bien terminé.

Après 68 épisode et un épilogue, notre cadavre à enfin livrait tous ses secrets.

Aussi pour vous voici les 15 derniers chapitres

Episode 55 à 68 + épilogue

 

Allez…Bonne dégustation…


Episode 55 by Mark Zellweger

Temps Mossad à Paris

À l’ambassade d’Israël à Paris, non loin des Champs-Elysées, Rebecca Leibowitz reçut une alerte code 1 sur son smartphone. Cela signifiait qu’Il y avait une urgence dans l’opération qu’elle supervisait en ce moment. Habituellement basée en Suisse et étant détachée auprès du Sword de Mark Walpen, le Mossad lui avait demandé de rejoindre la capitale française en urgence afin d’épauler l’équipe locale qui avait mis en place une opération délicate. Cela faisait plusieurs mois que, par des informateurs de la police française, le Mossad avait eu vent d’un gros trafic d’étiquettes de vin. Intrinsèquement, cela ne l’intéressait guère, sauf que cela se recoupait avec des informations signalant que ce trafic pourrait servir à en couvrir un autre, un trafic d’armes celui-là, en faveur du Hamas ! Et de cela il n’était pas question.

Dès le départ, le Mossad suivait l’affaire de près et s’était rapproché suffisamment des demi-frères Blanchard et Lalande pour avoir appris que ces deux gugusses franchissaient régulièrement la ligne rouge et utilisaient de temps à autre des tueurs à gages et autres hommes de main.

Il n’en fallut pas plus pour que l’Institut remette dans le circuit sa fameuse Amanda qu’il utilisait déjà depuis quelques années. Amanda, la star des tueuses à gages, nageait dans le darknet avec aisance et était considérée comme le must en termes d’élimination !

Si Amanda avait envoyé ce message, cela signifiait qu’un incident grave lui était arrivé et que Rebecca devait lancer au plus vite une mission de récupération de son agent. Elle se mit aussitôt à la tâche.

Pendant ce temps, dans la rue où résidait le brave Jo et sa conquête du jour, la Peugeot 306 du brigadier-chef Lerek était stationnée. Ce dernier ayant reçu l’info que quelque chose de gros se préparait là, par un de ses amis de la DGSI, il n’allait pas le rater. Surtout que ces derniers temps, sa situation se dégradait fortement au sein de l’équipe des enquêteurs de la brigade. Depuis que le petit jeune, tout juste sorti de l’école de police, le brigadier-chef Nobel, était arrivé, il n’y en avait plus que pour lui. Nobel par-ci, Nobel par-là… Lerek avait le sentiment que pour la brigade il appartenait au passé. Il lui fallait du sensationnel pour remettre ce petit morveux à sa place et ainsi montrer qui était le plus futé.

Quand Nobel lui avait demandé de le rejoindre à Lariboisière, il lui avait répondu par l’affirmative, mais il avait filé direct vers cette adresse et attendait, scrutant cette fenêtre dont la lumière restait allumée.

Une bière à la main, concentré vers le porche de l’immeuble, il ne put rater l’entrée de trois personnes qui, comme par hasard, portaient toutes des sweats à capuche et des lunettes de soleil.

« Ce coup-ci, c’est pour moi ! » fit Lerek pour lui-même en sortant de sa voiture.

Episode 56 par Elias Awad

La fesse à DN

Par la faute des deux gogols, ce connard de flic fouineur a échappé à une séance de mise à mort au cours de laquelle les deux bas-du-front auraient rivalisé de savoir-faire, tout en rigolant comme d’habitude. Il se devait d’être là pour poser les questions et entendre les réponses avant de le laisser aux bons soins des frères Mazoj. Mais disparu, l’enflure de flic, évanoui dans la nature ! Blanchard est furieux. Ils ne rient plus après leur bourde, ces deux cons ! Mais chez Anton, il y a quelque chose de louche… Le géant, le plus vicelard des deux, celui dont il aurait fallu doser les ardeurs si l’on voulait tirer quelque chose d’utile du flic, avait sur sa tronche quelque chose de plus que, juste, l’air penaud de qui a gaffé grave… Mais quoi ?! Blanchard en est là de ses réflexions quand son Galaxy S9 se met à vibrer contre sa fesse droite.

— « Quoi ?!!! Meeerde ! Quand ?! A l’arme blanche ! Et les chiens ?!… »

« C’était lui le génie, et c’est moi qui suis vivant ! », pense Blanchard. La réflexion lui traverse l’esprit pendant l’appel. Mais l’éphémère sourire qui passe au coin de sa bouche cède vite la place à la panique, en même temps qu’une sueur froide envahit instantanément son cuir chevelu ! La panique et sa copine, la parano. Qu’est-ce qu’il a, Anton ? Qu’est-ce qu’il sait qu’il garde pour lui ? Bruno voulait faire taire la vieille une fois pour toutes. « Anton, Pavel ! » crie-t-il aux deux frères en sueur en train de fendre des bûches, histoire de s’occuper.  « A l’hôpital ! La vieille ! Tout de suite !», aboie Blanchard en faisant courir son index sur sa gorge. Une fraction de seconde, Anton suspend son geste, le regard dans le vide. Une fraction de seconde qui n’échappe pas à Blanchard. « Je panique, là ! Faut que j’arrête mon cinéma !  Qu’ils dégagent la vieille, un point c’est tout. Bruno devait avoir de solides raisons de la faire taire alors même qu’il en était follement amoureux… »

— « Bouge-toi ! », hurle-t-il au grand Tchèque qui se dirigeait d’un pas lent (trop lent ?) vers la voiture où le frangin était déjà au volant.

* * *

Enfin arrivée dans la maison de l’Oise, Carole savoure chaque instant d’une douche longue et bien chaude. Elle réfléchit, tout en se débarrassant des quelques éclaboussures du sang de Bruno. Blanchard d’abord ou Amanda ? Le demi-frère a commandité l’assassinat, même si c’est Lalande qui l’a décidé. L’envoyer ad patres ne lui poserait pas plus de problème, même s’il devait être maintenant sur ses gardes. Elle sait qu’elle fera, là aussi, le geste de sang-froid. Mais cette femme dont sa jumelle était amoureuse…

L’eau coulant sur la large cicatrice de brûlure qui court sur l’arrière de sa cuisse droite, de la fesse (la fesse à DN, comme elle l’appelle) presque jusqu’au pli du genou, ramène Carole, aujourd’hui comme presque tous les jours, à l’accident. Le gros Range qui la suivait depuis un bout de temps cette nuit-là alors qu’elle rentrait de Sélestat par la D1083, qui l’a lentement doublée dans Benfeld, le passager cagoulé qui a profité de l’éclairage public pour la dévisager longuement. Puis, en rase campagne peu après la sortie de la ville, l’éblouissement des phares venant en sens inverse. Puis le choc. N’était celui qu’elle appelle depuis son “Grand Frère”, Carole aurait sûrement péri lors de l’explosion du véhicule. Après, bien après, la mémoire lui est revenue pan après pan… Les avances incessantes de Bruno quand il vivait à la maison, le viol pour la punir de l’avoir si longtemps « humilié » en lui crachant à la figure son mépris, sa propre menace de tout raconter à sa mère, et la vidéo que son beau-père avait faite pendant le viol et qu’il menaçait à son tour de montrer à Laure… Cette vidéo, expression de toute la perversité du personnage, où elle s’entendait haletant en rythme des « ouiii Bruno », des « vas-y Bruno ». C’était bien sa voix, mais retravaillée en studio pour que ses cris d’encouragement, repiqués d’une vidéo de course au sac à patates, du temps des beaux jours où tout allait bien, deviennent des feulements de femelle en rut !

* * *

Au moment où Lerek traverse la rue devant l’immeuble d’Amanda pour suivre les trois encagoulés qui sentent les ennuis à plein nez, un scooter qu’il n’avait pas vu lui démarre sous le nez. Sans doute était-il garé dans le renfoncement de l’entrée de l’immeuble, dissimulé par l’obscurité et les voitures alignées le long du trottoir … « Merde, merde et merde ! », se dit-il. « Suivre les trois barbouzes ou retourner prendre la voiture et poursuivre ce qui n’a peut-être rien à voir avec tout ça ?! »

Episode 57 by Kate Wagner

Personne ne sortira indemne

Lerek retrouva sa voiture, écrasa sa cigarette, et s’y engouffra avec une rapidité surprenante malgré les vertiges qui l’assaillaient. Il avait oublié, comme trop souvent en ce moment, de manger. Fumer lui coupait l’appétit comme aucune pilule amaigrissante magique n’était capable de le faire. Demeurer mince et affûté pour rester dans la course. Il voulait garder son physique de jeune séducteur mais, à plus de 40 ans, cela devenait de plus en plus difficile.

Il démarra dans un bruit désagréable de crissement de pneus et dans l’odeur de gomme brûlée. La décision de suivre le scooter était une fulgurance qu’il regrettait déjà mais trop tard, il devait aller jusqu’au bout. Peut-être la chance allait, pour une fois, tourner à nouveau en sa faveur. Elle ferait de lui le leader qu’il avait toujours été aux yeux de nombre de ses collègues. Féminines surtout.

Il grilla un premier feu rouge à l’angle de la rue Van Landuyt et du Boulevard Perrault. Il roulait vite mais le scooter, plus maniable, prenait de l’avance. La silhouette de cuir sombre, casquée de noir, incarnait à elle seule toutes les violences.

Lerek tourna brusquement à droite et soupira de soulagement en distinguant le deux-roues au bout de la route. Ce moment d’inattention à se focaliser sur sa cible lui coûta plusieurs précieuses secondes. Une femme traversait au passage piéton, poussant la trottinette d’une fillette en robe rouge. Détail troublant que Lerek enregistrait malgré lui. Il voyait le point d’impact se rapprocher à une allure vertigineuse. Impossible de l’éviter. Il imaginait les deux petits pantins tournoyer dans le ciel gris. Il appuya avec force sur la pédale de frein comme si l’énergie de sa rage pouvait décupler son efficacité. Il voyait à présent la couleur des yeux écarquillés de la mère. Elle ressemblait à un lapin pris dans les phares. Puis, un clignement de paupières pour s’apercevoir que sa voiture s’était stabilisée, le parechoc collé à la hanche de la petite. La sueur ruisselait le long de sa colonne vertébrale. L’odeur opiacée de la peur emplissait l’habitacle de la Peugeot.

Il ne prit pas le temps de s’apitoyer sur les piétonnes, les contourna et redémarra dans un tourbillon de gaz d’échappement. Paniqué, il chercha à visualiser le scooter. Il l’avait perdu.

Impossible. Ne pas baisser les bras. Fonce Lerek, montre-leur qui tu es, montre-leur quel seigneur ils peuvent vénérer. Il passait la cinquième, à fond au feu rouge du carrefour des Surréalistes lorsque, venant de sa gauche, une grosse BMV ne put l’esquiver. Le choc, terrible, enfonça la portière du flic pour atteindre quasiment le siège passager. Lerek, dans la carcasse fumante et le verre brisé, sentit ses os craquer, sa bouche se remplir du goût ferreux du sang et s’étonna de ne ressentir aucune douleur. Il glissait doucement dans un autre monde, revit sa vie en accéléré. Sa dernière pensée fut que personne n’allait sortit indemne de cette histoire de dingues.

Episode 58 by Jean-Paul dos Santos Guerreiro

In extremis

Dès son incorporation dans la brigade, Nobel sentit une tension constante au sein de l’équipe. Trop de meurtres, trop de questions, pas assez de réponses… La pression de leurs supérieurs devenait ingérable. Et puis, pourquoi, dès son arrivée, Lerek l’avait-il pris littéralement en grippe, malgré tous ses efforts ? Il était toujours sur son dos à essayer de le piéger!

Pourtant, s’il y en avait bien un qu’il admirait, c’était Lerek.

Que serait-il devenu sans lui ?

Un voyou, un dealer peut-être ?

Pire, sûrement !

A 15 ans, Nobel en était à son troisième braquage quand il s’était retrouvé face à ce policier qui, après l’avoir appréhendé, était venu le voir plusieurs fois en détention.  A l’époque, il avait le crâne rasé, chétif, à peine cinquante kilos, pour un mètre soixante-dix-sept. Il avait repris ses études pour celui qui était devenu « sa référence ». Quand il s’inscrivit à l’école de police, il avait fait son possible pour être dans la même brigade que Lerek, celui qui lui avait redonné un motif de vivre et une vraie envie d’aider son prochain.

Quelle fut sa surprise en arrivant ! Cheveux grisonnant et l’air bougon, Lerek l’avait tout de suite pris de haut. Nobel n’avait même pas osé lui dire qui il était et pourquoi il était là… Tous les jours, il voyait Lerek s’enfoncer dans un monde gris et taciturne. Ses doigts complètement jaunis par la nicotine à force d’enchaîner les cigarettes. Plus que des envies, c’était devenu un véritable besoin. Il les allumait nerveusement, en plus des cafés qu’il buvait à toute heure de la journée, et qui ne lui étaient plus d’aucune utilité, juste un réflexe.

Ce matin, il décida de faire à son tour quelque chose pour lui. L’envie de le mettre au pied du mur, de lui demander ce qui lui était arrivé. Il appela Lerek pour qu’il vienne à Lariboisière. Il était en bas du poste de police, et le vit arriver quelques minutes plus tard… Il s’attendait à le voir tourner sur sa droite, mais Lerek filait tout droit, dans la direction opposée. Pourquoi ? Nobel décida de le suivre. Il eut à ce moment-là, une drôle d’intuition.

* * *

Cela faisait quelques minutes que Lerek stationnait au pied d’un immeuble, une cigarette à la main, une bière dans l’autre. Nobel n’osait l’aborder. Soudain, il jeta sa cigarette à peine entamée dehors et la bière sur le siège passager, démarra en trombe pour suivre un scooter qui filait déjà à toute vitesse. Nobel démarra à son tour. Lerek roulait comme un fou, atteignant des vitesses dangereuses, évitant de justesse une jeune maman et sa fille avec une trottinette, grillant les feux et les stops. Sa chance l’abandonna quand un gros 4×4 blanc le percuta de plein fouet.

Il s’arrêta frein à main à fond et dérapa. Il sortit de son véhicule téléphone à la main et appela les urgences en leur signalant le lieu de l’accident. Les occupants de la BMW étaient sonnés mais indemnes, les airbags avaient rempli leur fonction.

L’état du véhicule obligea Nobel à passer par la portière du passager pour voir l’état du blessé.

Pas fameux. Il ne ressentait aucun pouls, ni respiration. Nobel tenta une réanimation pendant plusieurs minutes avant l’arrivée des urgences. Lerek se reveilla enfin, en hurlant… Ses jambes avaient l’air complètement broyées suite à la déformation de la portière, coincées par la boîte de vitesse.

— Putain ! Mes jambes… Ça fait un mal de chien.

— Ne bouge pas, Lerek ! Les secours arrivent !

— Ne bouge pas… Tu te fous de ma gueule ? Où veux-tu que j’aille dans cet état ? Et qu’est-ce que tu fous là, Nobel ? Tu devais pas aller à Lariboisière ?

— Il fallait que je te parle. Savoir ce qui t’étais arrivé, pourquoi tu as tant changé. Tu n’es plus le Lerek de mes souvenirs.…

— Le Lerek de tes souvenirs.… C’est quoi cette connerie encore ?

— Mon nom n’est pas Nobel. Je m’appelle Jacques. Jacques Seyssau !

— Mais…

— Non, ne dis rien ! Laisse-moi finir. J’ai voulu suivre ton exemple Lerek, rentrer dans la police mais avec mon casier, j’ai dû me refaire une identité. Je ne t’ai pas dit non plus qui j’étais car ma vie, ma rédemption reposent sur un faux, sur un mensonge. Je ne voulais pas t’y impliquer.

— Jacques ? L’ado paumé ?

— Oui !

— Oh, Jacques !… Oh, putain !… J’crois bien que tu viens d’me sauver la vie, gamin ! dit-il en s’évanouissant de nouveau, pendant que l’auto-radio s’arrêta sur un morceau de « In Extremo ».

Au loin, on entendait déjà les sirènes hurlantes des secours…

Episode 59 by Élodie Torrente

Une folle alliée

Tandis que les pompiers s’affairaient autour de Lerek, essayant de le dégager de la carcasse, Blanchard et les frères Mazoj s’apprêtaient à en finir avec l’ex-femme de feu Bruno Lalande. Suivis de près par Sebastián Lerot qui retournait à la case départ. Celle qui avait permis aux deux molosses tchèques de lui casser la tête puis de l’enfermer pieds et poings liés dans le coffre de leur voiture.

Sur le parking, alors que Lerot se remémorait ces funestes instants, Blanchard sortit de son véhicule laissant les deux autres dans l’habitacle. Ils le rejoindraient plus tard, habillés en blanc, comme ils l’ont toujours été pour s’occuper, à coups de piqûres, de Laure Longchamps. Si, et rien n’était moins sûr, la mère de Camille et de Carole était toujours de ce monde avec la dose de sédatif qu’ils lui avaient injectée la veille.

Lerot se gara discrètement à quelques mètres des autres, derrière un gros Range Rover. Un couple et un adolescent en descendaient. Sans perdre Blanchard de vue, il engagea la conversation avec le père au visage blême. Un quadragénaire de type golfeur portant casquette et chemise Lacoste qui, au bout de quelques pas, manquât de tomber. Retenu in extremis par sa femme et le bras vigoureux de Lerot, l’homme blafard échappa de peu au sol. C’est alors que l’épouse expliqua à l’inspecteur le choc violent qu’ils venaient de subir en percutant une voiture lancée à pleine allure. Des larmes coulaient sur ses joues. Vu l’état de l’autre véhicule, le chauffeur était mort. C’était sûr ! Ils étaient devenus en un quart de seconde et malgré eux, des meurtriers. Jamais, elle ne s’en remettrait. L’adolescent silencieux avançait à leur côté, les yeux rivés sur son smartphone.

Tout en supportant le quidam et en réconfortant la femme, Lerot, ainsi joint à cette famille, entra dans l’hôpital sans attirer les soupçons de Blanchard. Une fois parvenu à l’accueil et le père de famille confié à des mains expertes, il prétexta une visite urgente pour s’éclipser et suivre, à distance, celui qu’il soupçonnait d’un prochain meurtre. Avec la casquette du mari sur la tête, offerte de bonne grâce par la femme reconnaissante, il put mieux se fondre dans les couloirs sans être démasqué par l’escroc qui empruntait la direction du service psychiatrique.

Lerot ne put s’empêcher d’être soulagé. Il avait eu peur en se garant que les trois enfoirés ne s’en prennent à sa chère Rémini. Il se promit d’ailleurs de profiter de sa venue ici pour lui faire une petite visite ensuite. Enfin, si tout se passait bien. Car, à trois contre un, même avec sa carte de flic et dans un hôpital, vu les rebondissements de cette histoire, de nouveaux emmerdements ne l’étonneraient pas. Rien ne s’était déroulé comme prévu. Même son eczéma avait disparu, sans crier gare. Lui qui, de longue date, l’empêchait de vivre sans se gratter. Il n’était donc pas à un coup de théâtre de plus.

Au bout de cinq minutes à longer les longs murs vieillots de l’hôpital du nord de la capitale, il s’arrêta à l’angle d’un couloir et, à une vingtaine de mètres, tendit l’oreille pour écouter ce que disait l’infirmier posté à l’accueil du service psychiatrique. Par chance, ce n’était pas la jeune et douce infirmière de la veille. Le soignant du jour avait une voix grave et forte.

« Madame Longchamps. Vous êtes de la famille ?

— Je suis son frère.

— C’est le service administratif qui vous a prévenus ? Déjà ?

— Prévenu de quoi ?

— Eh bien… Comment dire… Attendez, je vais appeler un médecin.

— Elle est morte ? Une pointe de soulagement transparut dans la voix de Blanchard.

— Veuillez patienter. »

L’infirmier décrocha son téléphone pendant que le demi-frère de Lalande faisait les cent pas devant le comptoir.

Lerot, qui n’en avait pas perdu une miette, espérait que la vieille n’avait pas trépassé. Elle avait des choses à lui dire. Elle était au cœur de tous ces meurtres. Il en était maintenant convaincu. Avoir été agressé et kidnappé alors qu’il était près de s’entretenir avec elle avait forcément du sens. D’autant que les Mazoj étaient déguisés en infirmiers. Il avait bien fait de réfréner son envie de se protéger en fuyant et de les suivre. Fallait qu’il contacte la brigade de toute urgence. D’autant qu’il allait se prendre un sacré savon par Fabre ! Or, avec son maudit téléphone qui n’avait plus de jus, ce n’était pas gagné. Il le sortit quand même de sa poche au cas où, par le miracle des nouvelles technologies, il redémarrerait puisqu’il en avait besoin. Mais rien. Écran noir.

Tapi dans son coin, il décida d’attendre l’arrivée du médecin. Et avant que Blanchard n’ait le temps de se retourner pour repartir et, inévitablement, le découvrir, Sebastián déguerpit, après avoir entendu le psychiatre annoncer au soi-disant frère qu’à 7 heures ce matin, l’aide-soignante de service avait trouvé la chambre de Madame Laure Longchamps vide. La patiente était partie en laissant toutes ses affaires. En dehors d’une enveloppe et de sa pièce d’identité qu’elle conservait dans le fond de son armoire, rien n’avait été emporté.

Episode 60 by Oph

Exfiltration

Après leur entretien avec Dieter, Max et Costes s’engouffrèrent dans leur voiture. Direction Paris. Le déplacement n’avait pas été vain. Les informations obtenues par leur mystérieux contact donnaient le mobile du meurtre de Camille et il était urgent d’en aviser Lerot. Enquêter en free lance c’est bien, mais ils ne pouvaient faire justice eux-mêmes. Bien que souvent border-line, les deux compères voulaient, plus que tout, que les responsables de la mort de leur petite protégée payent pour leur crime.

Cinq sonneries, répondeur… « Chiotte » s’exclama Max en jetant son téléphone sur le tableau de bord.

— Impossible de joindre Lerot. À quoi lui sert son téléphone puisqu’il ne répond jamais !

Costes lui jeta alors un regard qui voulait tout dire, il mit le contact, passa la première et fit crisser les pneus en quittant le parking de Der listige Fuchs. Dans 10 heures ils seraient de retour dans la Capitale, peut-être moins. Si d’ici là Lerot ne donnait pas signe de vie, ils se rendraient directement dans le bureau du juge Fabre.

* * *

Quand Carole avait reçu l’appel de sa mère, il lui avait fallu quelques secondes pour réaliser qu’elle ne rêvait pas… Alors qu’elle la visitait régulièrement, elle ne semblait pourtant pas la reconnaître. Que s’était-il passé ? Comment était-elle sortie de ce brouillard qui semblait la dévorer depuis son internement ? Il serait temps de lui poser ces questions quand elle l’aurait rejointe. En attendant, il fallait la sortir de cet univers de blouses blanches et la rapatrier ici, à ses côtés. Là-bas, elle était en danger, même si ce porc de Lalande était mort, Blanchard courait toujours…

« Grand-frère ? C’est moi… Je vais encore avoir besoin de ton aide.

— Je t’écoute.

— Ma mère m’a appelée…

— Quoi ?

— Oui, elle est sortie des vapes et se souvient de tout. On ne peut pas la laisser là-bas, elle est en danger. Il faut la ramener près de moi, ici elle sera en sécurité.

— Je suppose que tu veux que j’aille « l’enlever » ?

— Tu veux bien ?

— Je m’en occupe. »

Après avoir raccroché, le « grand-frère » prit la direction de l’hôpital psychiatrique.

Laure écarquilla les yeux.

« Toi ?

— C’est Carole qui m’envoie. Elle veut que je te ramène près d’elle. Maintenant que tu as retrouvé tes esprits, tu es une menace pour Blanchard. Je t’emmène auprès de ta fille.

— Carole sait-elle qui tu es vraiment ?

— Non, je ne lui ai rien dit. »

Laure se leva et embrassa l’homme que sa fille lui avait envoyé.

Quand, quatre ans plus tôt, Laure avait pris conscience du danger que Lalande représentait pour ses filles, elle avait contacté Eric, frère de son défunt mari. Militaire de carrière, Eric passait son temps en OPEX. Les jumelles avaient entendu parler de tonton Rico mais ne l’avaient jamais rencontré. Le jour de l’accident de Carole, Eric la suivait de loin. C’est ce qui avait sauvé la vie de la jeune femme. Il avait choisi de ne pas en parler à Laure tant que Carole n’avait pas recouvré la mémoire et la santé après l’accident. Il souhaitait préserver sa belle-sœur. Malheureusement, il ne se doutait pas que Laure sombrerait dans la folie.

Profitant du changement de service et de la baisse de vigilance du personnel de l’hôpital, Eric et Laure quittèrent les lieux sans se retourner. Direction la baraque campagnarde. Il était temps de recomposer ce qu’il restait de leur famille et de faire la lumière sur la mort de Camille.

Episode 61 by Nina du Resto littéraire

Direction Lalande

Amanda se retourne dans le lit, cherchant une meilleure position, mais, lui arrachant un cri, une douleur fulgurante la réveille tout à fait. Les yeux dans le vague et l’esprit dans le brouillard, elle met quelques minutes à retrouver le fil des évènements. Je suis dans mon appartement avec la fille de Max et la sonnette retentit… J’ouvre…Un violent coup de poing me percute… Je me réfugie dans un bar…Je me réveille dans cette chambre et deux silhouettes sont au-dessus de moi en train de changer mon bandage…Mais où suis-je ?… D’une main décidée, elle cherche un interrupteur. Avec la lumière, elle découvre un petit mot glissé à son intention sur la table de nuit.

« Belle Camille, si tu te réveilles, fais comme chez toi ! Je serai vite de retour. Jo »

Au moins, elle n’a pas donné son vrai nom à l’inconnu(e), Jo, son bienfaiteur ou bienfaitrice de l’instant, qui sera sûrement déçu(e) à son retour.  Remerciant sa bonne étoile d’être en vie et surtout d’avoir su tenir sa langue. Malgré la terrible sensation de coaltar, elle tente de se lever, cherche ses fringues qu’elle ne trouve pas. Elle aperçoit et saisit une boîte de calmants sur la table de nuit, en avale deux. Dans sa tête un seul leitmotiv :

 « A nous deux, Mr Lalande. Une petite visite à votre villa est maintenant nécessaire »

* * *

De retour de la pharmacie, Carole entre le digicode de l’immeuble de son « grand frère ». Impatiente comme une enfant, elle se dirige vers la porte de l’appartement. Enfin, elle va retrouver sa maman. En la voyant, elle comprend à son regard qu’elle est vraiment redevenue elle-même. Elles se jettent dans les bras l’une de l’autre. La joie est si intense que Carole fond en larmes.

« Maman ! Merci Eric, merci. Mais explique-moi, que s’est-il passé ? A chaque fois que je venais te voir, tu étais incapable de me reconnaître et là, tu l’air si… normale !

— Calme-toi, ma chérie ! Je vais t’expliquer ou plutôt, Rico va t’expliquer car il y a, encore quelques minutes, je ne comprenais pas moi-même.

— Rico… Mais il faut croire que vous avez déjà bien fait connaissance tous les deux pour que tu lui donnes un petit nom ! En même temps, je savais qu’il te plairait !

— Non, Carole, tu n’y es pas. On se connait depuis longtemps avec Eric. Assieds-toi, on va tout t’expliquer. »

Interloquée, Carole s’assoit, à la fois curieuse et inquiète de ce qui l’attend.

« Dis-moi ma chérie te rappelles-tu de ton oncle ?

— Le frère de papa ? Oui, vaguement. Pourquoi ?

— Te rappelles-tu de son prénom ?

— Attends que je réfléchisse… »

Concentrée, Carole sonde sa mémoire et d’un coup, les yeux écarquillés, l’incrédulité sur le visage, elle se tourne vers Eric.

« Tonton Rico ! Vraiment ? Mais pourquoi ne m’as-tu jamais rien dit ?!

— Sans compter ta perte de mémoire, tu étais dans un sale état après l’accident… Puis, les mois ont passé,  tu t’évertuais à m’appeler grand frère, alors j’ai laissé couler. D’autant que la mort de ton père était encore pour toi une énorme blessure que je ne voulais pas rouvrir. Désolée Carole !

— Mais pour maman ?

— J’ai autre chose à te révéler. Comme tu le sais, Blanchard et Lalande ont deux gros bras tchèques qui font tout leur sale boulot. Eh bien, l’un d’eux, Anton, est un ami, un frère d’armes et j’ai une confiance aveugle en lui, malgré la brute qu’il peut être. Lorsqu’un soir on s’est retrouvé autour d’une bière et qu’il m’a parlé de son nouveau patron, le rapprochement avec vous a été rapide dans ma tête. Je lui ai donc demandé de veiller sur vous. J’ai… ou plutôt, il a échoué pour Camille…  J’avais aussi des soupçons sur la réalité de la folie soudaine de ta mère et j’ai demandé à Anton de chercher à savoir si Lalande ne la droguait pas. Mon intuition était bonne et Anton a simplement remplacé les comprimés par d’autres identiques mais inoffensifs. Il ne restait plus qu’à attendre que les effets se dissipent et que ta mère revienne dans notre monde en espérant que ce soit possible »

Toujours assise Carole est incrédule, son « grand frère » et son oncle Rico sont une seule et même personne.  Et si Anton avait été plus malin, sa sœur serait toujours en vie. Une rage intense s’empare d’elle.

« Merci pour maman, mais cela n’efface en rien la mort de Camille, sache-le. Maintenant, on bouge et on file chez Lalande. Les flics auront certainement déguerpi et je suis sûre que Blanchard va en profiter pour passer la villa au peigne fin afin de faire disparaître toutes les preuves. Et je veux être là !

— Comment être sûr qu’ils y seront à notre arrivée?

— Envoie un SMS à ton frère d’arme, Anton ! »

Episode 62 by Solène Bakowski

Le roussi vous va si bien

Amanda se redresse avec difficulté, s’assoit d’abord, marque une pause, puis pose ses pieds sur le sol avant de tenter de se mettre debout. Mais elle vacille, emportée par le poids de sa tête qui est à présent un véritable champ de courses. Affaiblie, elle manque de tourner de l’œil. Elle doit se rendre à l’évidence : dans son état, quitter cet appartement ne sera pas une sinécure. Sans compter que le ou la dénommée « Jo » — comment savoir avec un surnom pareil ? — lui a ôté la plupart de ses vêtements.

Après quelques secondes au cours desquelles elle s’efforce de faire la mise au point sur le mobilier qui l’entoure, elle titube vers un grand placard. Elle l’ouvre et en analyse brièvement le contenu jusqu’à déduire que « Jo » est a priori un homme plutôt jeune qui semble avoir un faible pour la couleur orange. Et la cigarette, si l’on considère les relents de tabac froid exhalé par les vêtements. Amanda réprime le haut de cœur qui lui soulève l’estomac et parvient à saisir un pantalon noir et un tee-shirt citrouille affublé d’un smiley idiot qu’elle enfile en serrant les dents tant sa poitrine, son menton, ses bras, ses jambes la font souffrir. Elle coince ensuite ses cheveux dans une casquette publicitaire à l’effigie d’une marque de whisky.

C’est bon, ça va le faire, se dit-elle, ragaillardie à l’idée de traverser la ville déguisée en homme et donc, parfaitement incognito.

Puis :

Merde, mes chaussures.

Elle lorgne, dépitée, du côté de la petite paire d’escarpins gisant sur le sol. Elle se résout alors à attraper des baskets qui lui paraissent immenses — Mais combien chausse ce type ? Du… 48 ???? — et dans lesquelles ses petits pieds flottent allègrement.

Espérons que je n’aie pas besoin de courir, conclut-elle en se glissant à l’extérieur de l’appartement, tout en se promettant vaguement de changer de boulot. Un truc plus calme. Un truc où elle n’aurait pas besoin de se couler dans des pompes aux allures de bateau de croisière et de revêtir un tee-shirt ridicule pour buter un type et, ainsi, sauver sa peau.

* * *

Pas de Laure. Blanchard est livide.

— Mais comment c’est possible ? grogne-t-il tout en s’efforçant de contenir sa colère pour ne pas effrayer le personnel hospitalier.

N’osant pas prendre l’infirmier directement à partie, il roule des yeux furibonds vers les deux Tchèques, qui attendent légèrement en retrait.

Une cloche tinte. Comme un cheveu sur la soupe. L’agacement monte d’un cran pour Blanchard, qui, à présent feule et plisse les yeux. Son cou gonfle. On dirait un taureau prêt à charger.

Anton se dépêche d’extirper le portable du fond de sa poche. Un SMS. Qu’il n’a pas le temps de lire.

— C’est pas le moment d’échanger des mots doux ! postillonne Blanchard en expulsant le téléphone des mains d’Anton pour faire passer ses nerfs.

* * *

— Il t’a répondu ? s’inquiète Carole qui, déjà, prépare son matériel.

Son oncle secoue la tête.

— Pas encore.

— Et si ton ami ne recevait pas le message ? Et s’ils nous tendaient un piège ? Et si…

Éric s’approche doucement de Laure dont la respiration saccadée s’adoucit sensiblement.

— N’oublie pas que ta fille est une magicienne, lui souffle-t-il sur un ton apaisant, avant de lancer un clin d’œil à Carole.

*****

Le téléphone d’Anton glisse sur le sol parfaitement lustré du couloir de l’hôpital, pour venir s’écraser sur le bout de la chaussure de Sebastiàn. Dans une tentative désespérée, celui-ci s’efforce de recroqueviller ses pieds. Trop tard. Anton dirige son immense carcasse droit sur lui. Et sur son eczéma qui, bien sûr, se remet à le démanger sévère.

Episode 63  by Aline Gorczak

Va-t-on en voir la fin ?

Sebastián retient sa respiration en espérant que le type parvienne à récupérer son téléphone avant qu’il n’arrive jusqu’à lui. Peine perdue, le Tchèque se retrouve nez à nez avec le flic. Moment suspendu où chacun évalue ses « chances ». Anton ramasse son appareil tout en fixant Sebastián et lui tourne le dos sans un mot. Lerot n’en revient pas. C’est quoi ce délire ? Il s’attend à chaque seconde à ce que le duo de gros bras lui tombe dessus. Il observe Blanchard piquer sa crise sur les deux Tchèques. Dans la foulée, il comprend que Madame Longchamps n’est plus ici. Mille questions se bousculent sous son crâne. Comment une femme n’ayant plus toute sa tête, qui semble apathique, peut quitter un établissement médical sans que personne n’intervienne ? Qui l’a aidée et pourquoi ? Que sait-elle ?

C’est Valérie qui lui avait parlé de Madame Longchamps comme étant une piste possible. Chose improbable, elle s’est volatilisée, elle aussi. Elle est folle d’avoir signé cette décharge et d’être partie dans son état. Il faut absolument qu’il lui parle et pas que de l’enquête mais avec ce p….. de téléphone HS, impossible. « Allez, bouge-toi, Lerot » se sermonne-t-il.

* * *

Impensable de rester à rien faire en attendant la Scientifique. Valérie fouine un peu par-ci, par-là. Il faudrait juste un petit coup de pouce pour que cette enquête avance. Marre de faire du surplace. Dans le bureau, Rémini remarque qu’un tiroir du bureau est légèrement entrouvert.  Une pochette rouge, un CD, un carnet en moleskine. Elle enrage : avoir ça sous la main et  ne pas pouvoir y jeter un œil. Elle repère une boîte de kleenex. Cela fera l’affaire. Bon, pas le temps de lire le CD avant l’arrivée du Juge. Parce qu’à n’en pas douter, il va ramener ses fesses ici. Dans le carnet en moleskine une suite de chiffres, qui pourrait être des dates et des initiales. Des transactions douteuses ? Pot de vin ? Pas trop le temps de déchiffrer là non plus. La pochette rouge, c’est autre chose. Elle contient trois séries de clichés, étiquetées des prénoms des jumelles, une montrant Carole, une autre série de Camille, qui, toutes les deux, semblent avoir été pistées sur plusieurs mois.  Et enfin, la dernière, des clichés de Carole… morte.

* * *

Nobel trouve le temps long, très long. Un chirurgien se dirige vers lui. Son visage fermé n’augure rien de bon.

« Je regrette, nous avons fait notre possible. Nous avons dû le réanimer deux fois pendant l’intervention. La troisième fois, nous n’avons pas pu le ramener. »

Coup de massue pour Nobel.

Episode 64 By David Smaja

 Ensemble, nous sommes plus forts !

Quelques heures plus tôt, sur le chemin de Paris, Max et Costes passèrent un coup de fil à Fabre. Max, en vieux routard de la chronique judiciaire, avait des rapports fort décomplexés avec le juge, contrairement aux flics qui tremblaient à chacun de ses mots. Une relation d’échange de bons procédés et d’égal à égal face à l’information s’était installée entre eux pour le bien de la justice, en général. Sans une hésitation, il avait composé le numéro du bureau du magistrat.

— Salut Fabre, C’est Lindberg. Je reviens d’Allemagne avec Costes. On a découvert que Lalande et Blanchard seraient impliqués dans le meurtre de Camille. Elle en savait trop sur leurs magouilles. On essaie de joindre Lerot mais il ne répond jamais à son foutu portable.

— Oui, je sais, il est aux abonnés absents, ce qui devient inquiétant. On a cherché à tracer sa voiture et elle a été signalée sur le parking de Lariboisière. Pas eu le temps d’envoyer du monde, c’est le branle-bas de combat chez Lalande qui s’est fait dessouder

— Ah bon mais par qui ?

— Ça, on l’ignore encore mais une équipe se rend sur place pour trouver la réponse.

— Ok, on te rejoint là-bas ! Envoie-moi les coordonnées par SMS.

— On passe d’abord jeter un œil à Lariboisière, c’est sur le chemin, coupe Costes. C’est un ours râleur, le Lerot, ce n’est pas dans ses habitudes de rester silencieux et de fermer sa gueule.

* * *

Sebastián observe Blanchard et ses acolytes en train de s’envoyer des amabilités devant l’employé de l’hôpital qui n’en mène pas large.

Il sent alors une poussée d’adrénaline lui vriller le corps, il réfléchit pendant quelques secondes, évalue ses forces, il ne peut pas ne rien faire, c’est viscéral. Il décide de remettre en branle sa machine à baffes, peu importe les conséquences et même si ses chances d’en sortir vivant sont minimes.

C’est à ce moment précis qu’une main s’abat sur son épaule. Sebastián s’apprête instinctivement à porter un coup en se retournant et arrête son geste avant une issue douloureuse pour le propriétaire de la main.

— Putain, Costes ! lâche-t-il dans un soupir.

— Bah alors Lerot, le monde entier te recherche et tu ne donnes aucun signe de vie, s’exclame Costes.

— Chut ! Blanchard et ses deux hommes de mains sont juste-là. Il faut qu’on les appréhende, venez avec moi !

— Ça tombe bien, je ne suis pas sorti à poil, lance Costes en exhibant son flingue.

Muni de son distributeur de chocolats en plomb, Costes prend les devants et se positionne en face des trois hommes.

— On la boucle et on lève les mains bien gentiment, messieurs, les somme-t-il

Blanchard, avec une rapidité qui prend tout le monde de court, sort un poignard, agrippe l’infirmier par le cou et hurle à Costes :

— Tu poses ça direct ou je l’égorge devant toi !

Avant de s’effondrer, K.O. sous le poing d’Anton. Lerot, Costes et Lindberg restent immobiles, abasourdis.

— Passez-lui les menottes avant qu’il ne se relève, leur commande Anton. Je vais tout vous expliquer.

* * *

A la villa, les sources vives s’agitent. Le juge Fabre, accompagné de la brigade scientifique, a déboulé. Oui, Valérie avait raison, c’est moche, très moche même. Après les premiers prélèvements effectués et toutes les précautions prises, Valérie va enfin pouvoir consulter le CD. Son cœur bat à tout rompre, son instinct de flic ne la trompe pas, elle sent que la clé de l’énigme est là. Les fils vont enfin se dénouer. Elle introduit le CD dans l’ordinateur…

Episode 65 by Armelle Carbonel

Le diable se cache dans les détails

Éric glisse son portable dans la poche de son jean. Il n’attend pas de réponse au message envoyé à Anton. Celui-ci tenterait certainement d’entacher sa détermination à se rendre chez Lalande. Rompu à la rudesse de sa formation militaire, il n’en demeure pas moins un homme, doté de faiblesses qui portent les doux noms de Laure et Carole. Ses clefs de voiture tintent au creux de sa main tandis qu’il observe les deux femmes assises sur les sièges en cuir brûlés par le soleil. Leur impatience rime avec le silence. Un tableau de famille figé sous la morsure du soleil, et l’immensité des champs. Sans prononcer un mot, ils s’engagent sur les entrelacs de bitume qui sillonnent la campagne, bifurquent sur des axes moins fréquentés et s’enfoncent au cœur des massifs boisés où la nuit ne tardera plus à déposer son voile funeste. Les heures défilent, cadencées par le ronronnement du moteur et les souvenirs interdits que chacun garde précieusement scellés au fond d’une gorge nouée par l’angoisse. Le temps s’échappe vers une issue inéluctable. La villa de Lalande se profile enfin derrière une barrière végétale propice aux cauchemars. Noirceur et vengeance bouillonnant d’un même sang.

— Arrête-toi ! », s’écrit soudain Carole, achevant le silence si bien installé.

Par-delà les cimes, le ciel s’éclaire d’un étrange ballet de lumières. L’agitation soulevée par la brise confirme leur crainte : les flics ont investi les lieux.

« On fait quoi ? s’inquiète Laure, le teint blême.

— On se tire ».

Qu’auraient-ils pu envisager d’autre ? Une bonne nuit de sommeil — tant est que Morphée daigne se pointer — leur éclaircirait les idées. Réfléchir. Chercher une marge de manœuvre. Tuer Blanchard.

Un motel sordide à la lisière de la ville ferait l’affaire.

« Deux chambres », commande Éric, soucieux de mettre les siens à l’abri.

Carole et sa mère s’engouffrent dans la première tandis que son oncle disparait dans le capharnaüm mitoyen. La jeune femme surprend le regard pétri de tendresse dont il la couve. Elle se sent soudain mal à l’aise… Jamais auparavant il ne l’avait percée avec une telle intensité qui semblait signifier : je t’aime plus que tout.

Au plus fort de la nuit, Carole sursaute sur sa couche inconfortable. Elle constate le vide laissé par sa mère dans ce lit de misère. S’effraie du bruit d’une altercation dans la chambre voisine. Des voix qui portent, des gosiers hurlants, des menaces jetées contre les parois trop minces pour les dissimuler. L’oreille collée au mur, elle entend les bribes d’une colère terrifiante :

« Tu allais le lui dire… Je l’ai lu dans ton regard…

— Laure, s’il te plaît…

— Non ! J’ai déjà perdu une fille… Confiance… Peux pas avouer… Trahison… ».

Puis le cri d’un verre brisé, d’un crâne qui explose sous une pluie de plaintes douloureuses.

Carole se rue hors de la chambre. A cet instant, Laure apparaît sur la coursive, les mains ruisselant de la preuve écarlate de son forfait. Abasourdie, la jeune femme recule dans ce vide qui l’attire inexorablement.

« Mon dieu… Qu’as-tu fait, maman ? Éric ?

— Ce n’est pas ce que tu crois… C’était un accident… » gémit Laure.

Carole hurle après son oncle — son oncle, vraiment ? -, ce grand frère, son sauveur. Cet homme mort.

A ses yeux hallucinés, Laure Longchamps n’aurait eu aucun mal à convaincre un expert que sa place était en HP. Une unité qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Pour le bien de tous.

Episode 66 by Nathalie Mota

« Les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît »

Valérie avait la sensation qu’un concert de black métal se déroulait dans sa poitrine.  Son cœur battait si fort qu’il résonnait dans ses tempes. Le CD était introduit depuis deux minutes déjà et le vieux PC faisait autant de bruit qu’un avion qui décolle.

Ses pensées naviguaient en eaux troubles, elle n’en pouvait plus de cette enquête qui partait dans tous les sens.

Elle aurait aimé que Sebastián soit auprès d’elle pour profiter de cette découverte et elle s’étonnait de penser à lui à cet instant précis. Cet idiot l’agaçait autant qu’il….

Son téléphone sonnait. Le nom de Lerot s’affichait, enfin des nouvelles !

— C’est pas trop tôt, Lerot ! Des jours que j’essaie de te joindre !

— Salut Rémini. Je te demande pardon, j’ai eu quelques impondérables… et tu es mal placée pour me fustiger, c’est quoi cette histoire de décharge ?

— On règlera nos comptes plus tard.  Où es-tu ?

— Pas loin de toi, j’arrive dans cinq minutes et j’ai des tonnes de choses à te raconter.

La communication fut coupée. Valérie regarda son téléphone d’un air perplexe. Cet abruti commençait sérieusement à lui courir sur le haricot et ce PC qui ne démarrait pas ! Elle entendit alors des pas dans les escaliers. Si un mec de la scientifique se pointait à cet instant, elle le jetterait manu militari. La porte s’ouvrit d’un coup sec et elle eut à peine le temps de se retourner que Sebastián entrait dans le bureau et se jetait sur elle pour l’enserrer comme un Robinson qui n’avait pas vu d’autre être humain depuis 20 ans. Elle se retrouva prisonnière, étouffant dans la chemise de Lerot qui puait le mauvais after-shave.

Elle se débattit tant bien que mal mais le bougre était plus fort qu’elle et elle finit par céder. Ce n’était pas si mal, finalement…

— Je me suis fait un sang d’encre, Val. Ne me fais plus jamais un coup pareil.

— …

— Oui, je sais. Tu en as bavé mais je suis là maintenant.

— Mmmmoooootttffffff !

— Je serai toujours là pour te protéger, tu le sais. Tu l’as toujours su. Tu peux me demander n’importe quoi. Te décrocher la lune, apprendre l’accordéon, devenir pompom girl… Tout ce que tu veux, je le ferai.

Sebastián relâcha son étreinte et prit le visage de Valérie entre ses mains. C’était maintenant ou jamais, il devait le faire ou l’occasion ne se représenterait peut-être plus. Il prit une grande inspiration, plongea son regard dans celui de Valérie et là, il oublia tout. Ses emmerdes, cette putain d’enquête, son eczéma. Il approcha ses lèvres de celles de la jeune femme et l’embrassa.

Episode 67 by Fanny HATT

L’amour filial

Carole agit rapidement. Elle ramassa le téléphone de son « oncle », son portefeuille, les mit dans sa veste et fit asseoir sa mère dans leur chambre après lui avoir lavé les mains.

— Tu ne bouges pas !  lui hurla-t-elle.

Elle se précipita dehors et alla discrètement à la voiture. Elle prit le bidon d’essence plein et revint en asperger la chambre où se trouvait Eric. Elle alla voir sa mère qui lui demanda :

— Comment va ton père ?

Carole resta troublée un instant mais elle avait tout compris la veille. Avant tout, il fallait qu’elle sorte sa mère de là et qu’elle la ramène à l’hôpital. Elle ne voulait pas qu’elle finisse ses jours en prison. Elle l’installa dans la voiture et retourna vider le reste de l’essence dans leur chambre. Une allumette craqua, les vieux rideaux, le lit et la vieille moquette s’embrasèrent aussitôt. Le temps que les secours arrivent, elles seraient loin et il n’y aurait plus une trace de leur passage. Elle démarra en trombe et pleura en pensant à son père…

Lorsqu’elle arriva par l’arrière de l’hôpital, elle prit garde aux caméras. Elle conduisit sa mère à l’intérieur et sut qu’elle ne la reverrait plus.

Sa mère, sans réaction, se laissa guider quelques pas puis continua à marcher le long du couloir jusqu’à ce que Carole entende une aide-soignante lui demander ce qu’elle faisait là.

* * *

Amanda, qui stationnait plus loin, fit le reste à pied pour s’approcher de la maison de Lalande. Soudain, une camionnette noire aux vitres teintées s’arrêta à sa hauteur. Une main lui tendit un téléphone d’où une voix sortit en hébreu :

— Agent Amanda, affaire terminée, retour au bercail.

Et elle s’engouffra dans le véhicule qui se fondit dans la pénombre de la nuit.

* * *

Valérie se dégagea tendrement de ce baiser.

— Sebastián… regarde… Sur mon pc… des listes, des photos, tous les trafics de Lalande de A à Z… ses complices, son demi-frère. C’est lui qui a commandité le meurtre de Camille ! Il est également responsable de la mort de son autre belle-fille, Carole… Un vrai salaud… Il faisait administrer de la drogue à son ex-femme à l’hôpital par un complice… Il faut retourner la voir à l’hôpital.

Au même moment, leurs portable bipèrent. Ils reçurent tous deux le même sms de Nobel leur annonçant le décès de Lerek.

Dernier épisode Nick Gardel

L’amour mon cul

Le premier cube s’abîma dans le liquide bouillant. Un tour de cuillère créa un vortex qui découpa la mousse compacte. Le second sucre prit le même chemin, mais déjà l’attention n’y était plus. Le juge Favre touillait distraitement son café, l’œil dans le vague. Il attendait.

Les épaules carrées de Max plongèrent le bistrot dans une semi-obscurité quand il passa la porte.

Ils étaient seuls dans ce boui-boui qui était depuis longtemps leur point de ralliement. Le juge fit néanmoins signe au journaliste, mais reprit rapidement son air las.

— Pas la forme des grands jours, on dirait… commenta le journaliste.

— Quand tu passes ta journée à patauger dans un merdier sans nom…

— J’avais cru comprendre que ça se décantait, pourtant.

—Tu te fous de moi ? Même mon expresso est plus clair que ce bourbier. On s’ébat dans l’hémoglobine et les pressions de la moitié des ministères. Toute la chaine de commandement est court-circuitée et devine qui va servir de fusible !

— D’habitude c’est plutôt les flics qui morflent, monsieur le juge…

— Avec la médiatisation du double attentat sur Rémini, elle est quasiment intouchable, idem pour Sebastián.

— Il s’agirait surtout de leur foutre la paix…

— Et la mienne de paix ? Ils s’en tirent bien de toute façon. Ils passent leur temps à s’entre-dévorer la couenne maintenant. Les petits oiseaux et les violons. Écœurant. Tout se barre à vau-l’eau.

— Sans compter que tu as Lerek qui est resté sur le carreau.

— Et que Nobel nous joue les pleureuses. Dépression post-traumatique, le gars n’est plus étanche. Les eaux de Versailles, les sanglots des grandes épopées. Hors-service aussi.

— Encore les ravages de la passion, rigola Max. En fait toute cette histoire est une vaste histoire d’amour.

— L’amour mon cul !

— Tu es vulgaire monsieur le juge.

— Je t’en foutrai de l’amour ! C’est surtout une histoire de dinguerie. Les Longchamps et ceux qui gravitent autour. La galaxie des tarés ! Lalande, complètement à la masse, son demi-frère, Blanchard, encore plus barge. Et dans la famille « fondu du bulbe », je demande la mère ! Celle-là, elle s’enfile maintenant les cachetons comme des Smarties, par boîte entière. Complètement ravagée. Elle confond tout, elle mélange tout et la plupart du temps, elle bave ! Camille, Carole, son beau-frère, son mari, toute la palanquée de cadavres qui viennent assaisonner ce plat pourri. En tout cas, ceux qu’on a retrouvés ! Parce que les placards sont garnis de squelettes. Du coup, il ne reste que bibi pour éponger le purin.

— Tes supérieurs se réveillent ?

— Eux et leurs copains ! Le moindre péteux avec un portefeuille prend son téléphone, histoire de voir s’il ne pourrait pas, au cas où, s’en servir pour me briser les noix. Des ministres se trouvent tout à coup vachement intéressés par l’enquête de Camille… L’intérieur, les affaires étrangères, même l’autre tanche de l’agriculture…

— Ça ne devrait pas t’étonner. Avec les infos contenues dans son dossier y avait de quoi mettre en bascule pas mal de monde…

— On va surtout faire tourner les chaises et quand la musique sera arrêtée, tout le monde aura retrouvé un strapontin… Remaniement et retraite, pas plus, pas moins. Les services secrets chapeautent le ménage.

— On ne va pas y gagner en clarté…

Le journaliste fit le tour du comptoir désert, laissa couler un filet doré depuis la tireuse et se servit un demi moussu.

— En fait, seule la meurtrière de Camille s’en tire, reprit-il après sa première gorgée.

— Rien n’est moins sûr… La fantômette a été exfiltrée par ses employeurs mais le véhicule n’est jamais arrivé à destination. La version officielle sera celle d’une banale perte de contrôle et d’un tragique accident routier. C’est toujours ça de pris pour les statistiques. Trois morts carbonisés dans l’estafette.

— Ça sent le pipeau à pleins poumons… El Condor pasa à la flûte de pan…

— Dans ce milieu, la seule certitude qu’on peut avoir c’est justement de ne pas en avoir.

— Philosophe, Monsieur le juge !

— Philosophe et emmerdé. Parce que, si tu fais le compte, il ne reste plus personne à charger pour le merdier. Il y aurait bien toi… Mais honnêtement, je ne vois pas comment.

— C’est toujours un plaisir…

— N’empêche, à ta place j’éviterais les velléités de publication dans un avenir proche et je choisirais cette période pour prendre des vacances. Toi et ta fille par exemple… Les tropiques, c’est bien les tropiques. Le turquoise et les palmiers, ça détend.

— J’ai pas exactement les moyens de me payer une cavale à l’autre bout du globe…

— Le coffre de Lalande a révélé un certain nombre d’enveloppes garnies. Je suis presque certain que le compte n’en a pas été fait avec toute la rigueur nécessaire. Tu sais combien la République peut être distraite parfois.

Favre fit glisser un fourreau de Kraft sur la table ronde. Il regarda Max qui souriait. L’affaire était entendue.

— J’imagine que tu vas continuer la brasse coulée dans la merde, dit le journaliste.

— Pour le moment, mon sort est en délibération. Je fais mon benêt qui ne comprend rien. On s’interroge encore pour savoir si je suis aussi con que j’en ai l’air. Dans l’absolu tout le monde se demande si je suis plus utile ici ou perdu dans un tribunal de province à instruire les ravages de l’alcoolisme.

— Ça laisse de la marge.

— La marge, c’est ce qui fait tenir les pages du cahier, dit le juge en quittant le bar.

* * *

Un rayon de soleil vient lui caresser l’épaule. Elle ouvre les yeux et regarde les courbes de celle qui dort encore à côté d’elle. Ses côtes lui font mal, surtout dans la position malcommode qu’elle est forcée de garder. Son bras est tendu et glisse sous le traversin jusqu’à la tête du lit. Son poignet est enserré dans un bracelet capitonné relié à un anneau dans le mur. Elle ne tire pas dessus. Elle comprend la raison de sa présence. Ce n’est pas de la résignation, c’est un gage pour celle qui s’étire maintenant à ses côtés.

Carole se tourne vers elle et plonge ses yeux dans les siens.

— Bien dormi ?

— Et toi ?

La jeune femme se redresse et lui caresse le visage. Le geste s’attarde sur son cou pour finalement venir effleurer sa poitrine bandée. Amanda retient sa respiration, anticipant la douleur.

— Tu as mal ? demande Carole.

— Un peu… Faut dire que je n’ai pas exactement la convalescence appropriée… Tu y as été fort tout de même. J’en reviens pas, où est-ce que tu as été chercher un lance-roquette ?

— Je le réservais à Lalande, mais finalement, je me suis dit qu’il pouvait aussi servir pour l’assassin de ma sœur.

Amanda déglutit. Elle tente de trouver des réponses dans les yeux de cette femme qui ressemble tant à Camille.

— …et puis il fallait bien ça pour en finir avec tes employeurs habituels, non ?

— Tu sais, ils ne sont jamais satisfaits. Surtout pas par les apparences. Ils me chercheront sans doute.

— Ça nous laisse un peu de temps au moins.

Carole saute du lit et se dirige vers la fenêtre. Son corps nu joue avec le soleil. Elle est belle. Le bracelet d’Amanda fait un cliquetis quand elle tente de changer de position.

— Ça nous met à égalité, reprend Carole. Moi aussi je suis morte après tout. Et puis tu étais si mignonne dans la carcasse de cette camionnette. Je n’ai pas eu le courage de te mettre une balle dans la tête.

Elle revient et chevauche la prisonnière qui renonce à se redresser.

— Il ne faut pas toujours tout expliquer.

De sa main libre, Amanda empaume le sein de la jeune femme qui lui plante un baiser sur les lèvres.

Il faudra du temps.

Elles en ont.

Épilogue by Cécile Pellault

Un pacte sinon rien

La sueur perlait sur son front, coulait depuis la naissance de sa colonne vertébrale jusqu’aux tréfonds de son être, tel le fleuve de sa peur. Sa mâchoire se contractait à chaque ressac de la nausée qui l’envahissait. Elle n’était pas loin de se transformer en marée qui éroderait la moindre parcelle de joie dans son cœur. L’effroi avait envahi son système nerveux, transformant chaque frisson en douleur fulgurante.

Geneviève tenait entre ses mains le dernier manuscrit de Claude France. Depuis qu’elle était son éditrice, c’est-à-dire depuis son tout premier roman, elle avait pu compter sur son poulain. Il lui fournissait toujours en temps et en heure son manuscrit qui partait ensuite à la correction, pour finir sa course en bonne place dans toutes les librairies et tous les espaces de ventes possibles et imaginables pour un thriller, vendu à des millions d’exemplaires en France et dans tous les pays friands de ses déclinaisons internationales. Les critiques étaient souvent mitigées. Les milieux littéraires bon teint le boudaient mais il était invité dans toutes les émissions de divertissement radiophoniques et télévisuelles. Et surtout, les Français et les Françaises l’adoraient, l’achetaient et étaient prêts à faire des heures de queue pour une dédicace de leur écrivain préféré.

Cependant, autant elle avait pu, jusqu’alors, transférer au pool de relectrices-correctrices le fichier annuel sans un regard approfondi, autant ce 20ème opus la plongeait dans la stupeur. Ce qu’elle avait entre les mains était une catastrophe, un délire ! Claude lui avait pitché le meurtre d’une journaliste, Camille, sur fond d’un complot international et d’une revanche familiale. Elle avait opiné, confiante dans les capacités de CF d’en faire un vrai page-turner. Mais elle avait sous les yeux plus de 60 chapitres avec autant de styles différents que de retournements de situations impossibles et inimaginables. Il avait repris la boisson, elle ne voyait que cela comme explication. Une jumelle tueuse et magicienne, la mise en scène d’écrivains connus sous des références à peine voilées, qui lui assurait une bataille juridique sévère avec les autres maisons d’éditions, un personnage principal abandonné en pleine campagne sans que l’on sache vraiment ce qu’il lui était arrivé avant un dénouement en forme de baiser… Et certains chapitres requéraient simplement l’usage de LSD pour la compréhension.

Geneviève se prit la tête entre les mains pour tenter de contenir la migraine qui brandissait l’épée de sa férocité. Qu’avait-elle fait pour mériter cela ? Il devait pourtant y avoir une explication. Claude se sabordait pour pouvoir changer de maison d’édition ? Un pari ? Une blague ? Une maladie neuronale dégénérative ? Même au pire de son alcoolisme, son écriture avait été exploitable. Pas toujours ses déclarations à la presse mais rien à voir avec ce truc qu’elle regardait avec horreur. Seule la mort de son auteur pouvait sauver cette rentrée littéraire. L’idée insidieuse fit son chemin assez facilement dans son esprit. Les chiffres de vente, la couverture médiatique commençaient à faire briller les yeux de l’éditrice qui s’étaient éteints comme des chandeliers sur lesquels un vent froid aurait soufflé à la lecture de ce machin livresque.  Qui pourrait être aussi désespéré qu’elle pour l’aider ? Son regard se posa sur la pile des manuscrits envoyés par la poste des aspirants au Saint Graal du contrat d’édition.

Qui serait assez aux abois pour accepter un pacte à la Faust ? Eliminer l’auteur célèbre contre un contrat pour le devenir. Elle lut les noms sur le tableau Excel établi par ses équipes reprenant ceux sélectionnés comme « Probables Plumes à signer », les PPS. Isabelle B, Lou V, Aurore Z, Cécile P, Elias A, Marylène LB, Michèle F, Maryse, Danièle T, Fleur, Aurélie, Caroline N, Yvan F, Eppy F, Noëlle, Lolo, Nicolas D, Yannick P, Pascal B, Frédérique-Sophie B, Fanny L, Sandrine D, Maud V, Aline G, Nathalie R, Guy R, Carlo C, Leelo D, David S, Danièle O, Céline B, Patrice G, Michel R, Marc S, Clémence, Michael C, Claude L, Lucienne C, Frédéric F, Nathalie J, Patrick F, Sylvie K, Sacha E, Sofia H, Florence L, Michael F, Loli C, Mark Z, Kate W, Jean-Paul D, (…). Autant commencer par la première de la liste, pensa-t-elle.

— « Allo, Isabelle B ? …Oui, Geneviève V des Editions Albin Sud… Seriez-vous disponible pour un rendez-vous pour discuter de votre avenir ?… Non,  pas dans nos locaux, un petit café Le Goethe… Oui, c’est ça !… A bientôt, Isabelle ! »

Geneviève raccrocha, soulagée. Avec Isabelle ou un autre, elle se sortirait de ce pétrin ou de ce cadavre de manuscrit. Un petit pacte et puis s’en ira.


Voilà cher(e)s amis lecteurs zé lectrices

Vous croyez en avoir fini avec notre cadavre exquis ? Et bien pas du tout

Il va revenir vous hanter sous forme de jeux-concours dans les jours prochains

Alors soyez attentif.

Bien à vous

Ge porte flingue de Collectif Polar

 

3 réflexions sur “Exquis Cadavre Exquis, la 5e et dernière récap

Vous avez la parole, laissez un commentaire, ça fait toujours plaisir.

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s