La GAV : Simone Gélin sous le feu des flingueuses seconde audition. 2/4

La GAV : Simone Gélin sous le feu des flingueuses, seconde audition. 2/4

Suite de la Garde à vue de Madame

 Simone Gélin

2e interrogatoire par Aline Gorzack

La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.

La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.

Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.

Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 4h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.

Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé,  ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !

Nous recueillons leurs confidences.

Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).

Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre ce matin et  demain après-midi.

Allez, place à la GAV de madame Simone Gélin

Aline : On peut reprendre la GAV …

Dany : Oui la Miss, je te ramène la prévenue …

Simone : Oui mesdames

Aline : Alors voyons un peu le côté technique de la chose : d’où te proviennent les idées ? Un roman ça part de quoi : un fait, un mot … ?

Simone : Une idée. C’est d’abord le premier germe. J’ai envie de parler d’un sujet. Ensuite je garde cette idée, je la laisse murir dans un coin de ma tête et j’attends… d’être prête. Alors je dessine les personnages.

Aline : « dessine » les personnages ? Une fiche tu veux dire ?

Simone : Ah non, toujours dans ma tête. En fait je garde souvent un roman dans la tête assez longtemps avant de me lancer. Quand je commence vraiment l’écriture, je suis déjà « imbibée » de l’histoire et des personnages, même si je ne sais pas tout, bien sûr, car ils vont m’en apprendre, en cours de route !

Aline : Que peuvent-ils t’apprendre en cours de route vu que c’est toi le maître du jeu ?

Simone : Pas complètement maître du jeu. Car en fait, ils se planquent dans mon inconscient et du coup, je les découvre au fur et à mesure que je les mets en scène. Parfois, ils me surprennent.
On ne fait pas toujours faire ce qu’on veut à nos personnages, tous les auteurs vous le diront !

Aline : Oui beaucoup d’auteurs le disent mais peu parviennent à expliquer le processus.
Ils vont donc avoir une vie propre. Est-il déjà arrivé que l’un d’entre eux t’échappe totalement ?

Simone : Non, pas complètement, mais ce qui m’est arrivé, c’est qu’un personnage pour lequel je n’avais pas vraiment d’empathie au départ, se révèle plus sympa que j’avais prévu et une autre fois, un personnage secondaire qui est devenu important, à mon insu ! J’y ai réfléchi et c’est pour ça que je dis qu’ils se planquent dans notre inconscient, je pense qu’au départ on n’a pas réellement conscience de ce que l’on veut faire de ce personnage, c’est enfoui dans les profondeurs, et cela se révèle au fur et à mesure que se déroule l’écriture. C’est aussi ce qui rend l’écriture passionnante, cette aventure.

Aline : Il y a une période de recherche avant le début d’écriture ?

Simone : Ah oui ! avant et pendant ! je fais beaucoup de recherches et je me documente sur le sujet que je veux évoquer, j’ai le souci de l’exactitude pour les parties historiques et pour tous les autres sujets, d’actualités, etc…

Les recherches historiques me passionnent, en ce moment, c’est ce que je fais, pour nourrir mon roman en cours.

Aline : Tu prends tes sources où ?

Simone : Ce qui est disponible sur le net, là je viens de télécharger des essais sur la période qui m’intéresse. Parfois j’achète des livres. Pour des enfants au paradis j’ai acheté plusieurs bouquins sur le monde de la finance, la fraude fiscale, et sur les ultras riches.
Je regarde aussi des vidéos. Des documentaires.

Aline : Une immersion totale en somme !

Simone : Oui ! c’est ça, je me sens immergée dans une époque, un milieu et en ce moment c’est plutôt un milieu mafieux ! hi, hi, hi !

Aline : Combien temps peut s’écouler entre les recherches et le début de l’écriture à proprement dit ?

Simone : Ça dépend des livres. Pour Des enfants au paradis, c’est l’interview par Elisabeth Quint d’un auteur d’un livre sur Jersey et la fraude fiscale, et tout ce qui en découle qui m’a donné envie d’explorer ce sujet. J’ai acheté son livre, puis un deuxième sur la corruption et j’ai imaginé mon histoire. Je me suis lancée, mais je n’ai pas cessé tout au long de l’écriture de faire des recherches et de vérifier ce que je disais.

Aline : C’est important d’être au plus près de la réalité/vérité ?

Simone : Oui, j’aime ça. J’adore tisser le vrai et le faux, c’est- à-dire, nouer une vérité sociale, ou historique ou humaine, psychologique (comme dans Adieu Lola) et la fiction, l’imaginaire. C’est ce qui me procure le plus de plaisir.

Aline : Comment se passe une séance d’écriture : toujours à la même heure, un nombre de mots ou de chapitres, fond sonore … ?

Simone : Non, je n’ai aucun rituel, je peux écrire partout, dans n’importe quel environnement. J’aime écrire le matin, car la nuit, je muris souvent mes idées et lorsque je me réveille, j’ai besoin de les mettre au propre. Mais à part ça, je n’ai aucune exigence.
Je procède plutôt par étape ; plus que par nombre de mots, je sais ce que je veux raconter, quelle scène, quel moment précis, quelle action,

Aline : Fais-tu un plan, une trame avant de te lancer dans l’écriture ?

Simone : Pas vraiment un plan, mais une ébauche. Ensuite, au fur et à mesure que j’avance dans l’écriture je fais des mises au point, j’affine, je précise et je construis ; Mais n’empêche, je revois parfois la construction une fois que le roman est terminé, c’est le cas pour des enfants au paradis, j’ai pris conscience que je pouvais agencer différemment les chapitres, afin de renforcer le caractère d’un personnage

Aline : Quel est le thème/sujet le plus difficile que tu ais eu à traiter ou que tu voudrais traiter ?

Simone : Celui-là, celui des enfants au paradis, c’était un sujet difficile. Je m’en rends compte en écrivant celui que j’écris en ce moment, qui me demande pourtant beaucoup de travail de recherches, mais ce n’est pas un sujet aussi « risqué » que le précédent.
Regardez les réseaux sociaux, on ne peut plus s’exprimer librement sans risquer de se faire agresser, pour de simples idées… alors imaginez les livres …

Aline : Malgré ce risque, l’auteur n’a-t-il pas un rôle de témoin de son époque ?

Simone : Oui, je le crois, c’est pas pour rien que j’ai cité Camus comme modèle… j’ai été invitée une fois par une prof de lycée et j’ai travaillé avec des élèves de 1ère sur le sujet : un écrivain doit-il être un témoin de son époque. C’était très intéressant.

Aline : Peux-tu développer cette expérience stp ?

Simone : J’étais intervenue dans un lycée de Rodez. D’abord, les élèves avaient fait un travail sur mon premier roman, La fille du port de la lune, dont les principaux personnages sont des adolescents. Ensuite, nous avons eu un débat, ils se sont exprimés très librement et comme c’était ma première expérience, cela m’a ouvert les yeux sur ce que je savais faire, ce qui les avait touchés. Ils m’ont appris beaucoup. Ensuite, le reste de l’année, j’ai échangé avec eux sur le thème que je vous ai cité, ils ont fait des exposés, des dissertations, je les ai accompagnés. Et ils ont présenté ce travail pour le bac de français.

Aline : Et selon eux l’écrivain doit être un témoin de son époque ? Ou la réponse est plus mitigée/nuancée ?

Simone : Ils n’étaient pas unanimes, mais si je me souviens bien, la majorité souhaitait que l’écrivain décrive son époque. Ce qui m’avait étonnée c’est que les personnages de mon roman ne leur correspondaient pas du tout, c’est un lycée d’un milieu privilégié, les cités, ils ne connaissent pas et pourtant, ils s’étaient parfaitement identifiés, à Malik, mon petit beur, et aux autres…

Aline : Pourrais-tu écrire autre chose que du noir ou polar ?

Simone : Oui ! il paraît que je suis « à la marge » Anne Carrière avait classé Le journal de Julia dans les romans et non dans le polar…je crois en plus que la frontière n’est plus ce qu’elle était. Que dire de Chanson douce ? ou d’Au revoir là-haut ? Le blanc et le noir ont tendance à se fondre et tant mieux. On revient à ce que c’était avant : Crime et châtiment n’est-il pas un chef-d’œuvre de la littérature ?
Donc ma réponse : j’écris sans me poser la question. Là j’écris vraiment sur des mafieux, je ne sais pas pourquoi, peut-être est-ce à cause de mon père et de ses bouquins de la série noire…
Je crois aussi que le roman noir est un bon support pour parler du monde et de la nature humaine…

Aline : Je pense aussi que c’est un bon support.

Simone : Oui, mais si on regarde bien les livres qui sortent, certains romans classés dans la littérature générale sont de purs thrillers ou romans noirs…

Aline : La nature humaine tellement belle mais aussi tellement terrifiante parfois.

Simone : Oui, je ne crois pas à la noirceur absolue de l’être humain, je pense qu’il y a toujours une petite lumière quelque part enfouie… c’est ce qui m’intéresse. Je crois que c’est Bacon qui a dit que la condition humaine est la seule alternative… et pour certains elle est impitoyable…

Aline : L’inverse est vrai aussi : il y a toujours un petit point noir au bout de chaque lumière. Il faut « juste » le bon déclencheur pour l’activer.

Simone : Vrai ! c’est un bon début de polar ça !  Le gentil qui se révèle démoniaque…

Aline : idée à creuser alors…. 

Simone : Mais par exemple, sur le sujet : je me suis toujours demandé comment ceux qui prévoient les guerres pouvaient arriver à pousser des hommes à tirer sur des types qui ne leur avaient rien fait ?

Aline : La persuasion, le conditionnement, la peur.

Simone : Quel élément déclencheur ? Pour vous faire accepter de tuer ?

Aline : Je pense qu’il est propre à chacun.

Simone : Je préfère la lettre de Boris Vian au président dans ce cas,

Aline : Le seuil de tolérance avant que le déclencheur entre en jeu est différent pour chacun.

https://www.youtube.com/watch?v=N5_vcVq_vSE

Simone : Oui, alors je travaille un peu sur le sujet en ce moment, je fais des recherches sur une période d’atrocités et je cherche à comprendre comment on peut en arriver au massacre gratuit d’innocents. Là on est dans le mal absolu. La noirceur totale.

Aline : Pour ceux qui massacrent, les innocents ne le sont pas : innocents. Ils représentent forcément quelque chose de négatif, de menaçant. Ils ont forcément un/des raisons/justifications pour leurs actes.

Simone : Oui, c’est ça, enfin c’est ce qu’ils pensent. Et souvent on trouve dans leur passé les racines de cette folie.

Aline : Vaste débat…. On va en rester là pour ce soir.

Simone : Oui d’accord, merci Aline pour cet entretien libre et spontané. Belle soirée à vous toutes.

Aline : Nouvel interrogatoire demain matin 9h avec Fanny Haquette.

Dany : Bonne soirée Simone. Bonne nuit Aline

Simone : Bonne soirée Aline et Danièle !

Aline : Bonne nuit à toutes et merci Simone pour cet échange plus qu’intéressant.

Fanny : A demain matin

Merci Les flingueuses. Belle audition Miss Aline. Reposez vous demain sera une autre journée de GAV. 

19h08, je déclare cette seconde audition terminée

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