La GAV : Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses, Troisième audition . 3/4

La GAV : Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses, troisième et avant dernière audition. 3/4

Suite de la Garde à vue de Monsieur

Frédéric Lepage

3e interrogatoire par Fanny Haquette

La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.

La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.

Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.

Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 4h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.

Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé,  ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !

Nous recueillons leurs confidences.

Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).

Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre hier matin et cet après-midi

Allez, place à la GAV de Frédéric Lepage

—————–séquence 3 ——————

09:59

Fanny : Hello, le prévenu est-il réveillé ?

Frederic : oui ; bonjour

Fanny : Super, asseyez-vous, nous allons pouvoir commencer. Attention, on vous suit toujours derrière la vitre.

Hello @Danièle Ortega-Chevalier

Dany : J’étais de perm cette nuit et il n’a pas arrêté de ronfler …

Frederic : je connais le principe

Fanny : Génial…

Frederic : les gardiens m’ont à la bonne, ils m’ont offert une double ration de soupe au lard

Fanny : Oui d’après votre dossier je vois que vous êtes un habitué. Je ne suis pas aussi gentille qu’eux !

Frederic : j’envisage de rester « en résidence »

Fanny : C’est NOUS qui décidons !
Commençons.

Frederic : ok

Fanny : J’aimerai savoir pourquoi les animaux, d’après les interrogatoires d’hier, ce thème est ressorti pour moi.

Frederic : ah, oui, bien sûr … J’ai produit pour la télévision des documentaires dans bien des genres. Mais le genre animalier m’a fait découvrir des problématiques philosophiques passionnantes, parce qu’elles nous ramènent à la question de notre propre identité, à travers l’idée que nous nous faisons de la frontière entre notre monde et celui des animaux. J’ai toujours spéculé sur l’idée que la frontière était très mince, et que trouver ce qui fait de l’homme un « être à part » est un défi très difficile.

Fanny : Donc est-ce dû au hasard que vous vous soyez dirigé vers eux et qu’ensuite cette pensée philosophique a cheminé en vous ? Ou était-elle cachée bien au fond ?

Frederic : qu’est-ce qui fait ce qu’on appelle l’exception anthropologique ? Le langage, la culture, les émotions, l’utilisation d’outils ? Chaque fois qu’on trouve un élément différenciant, il est balayé par la science. Aujourd’hui, tout ce qu’on sait vraiment, c’est que l’homme est un animal parmi les animaux. J’ai toujours trouvé ces thèmes passionnants, et j’ai eu envie de les traiter à travers le prisme du thriller.
En effet, où peut-on mieux se demander ce qui relève de notre animalité et ce qui dépend de notre humanité ? C’est ainsi qu’est né le sujet de Si la bête s’éveille. L’assassin est-il mû par son côté animal ou par son statut d’humain.

Geneviève : Ce thriller est fait pour moi, décidément

Frederic : C’était aussi un moyen de s’attarder sur ces clichés qu’on trouve dans les romans sur les crimes commis « bestialement ».

Fanny : Vous vous sentez donc proche du monde animal ? Jusqu’à quel point ? Une immersion en forêt ?

Frederic : Nous ne sommes pas « proches du monde animal ». Nous en faisons partie intégrante, en tant qu’animaux…
Je crains, Madame, que ma réponse à la question que vous venez de me poser puisse être retenue contre moi.
Ai-je droit au silence ?

Fanny : Non pour sortir faut répondre aux questions.
Intéressant. Et pensez-vous qu’ils pensent pareil que vous ? Qu’ils nous considèrent comme appartenant à leur règne ?

Frederic : Je réponds donc à votre question précédente, sur l’immersion en forêt. Bizarrement, j’aime avant tout la ville. La nature, pour quoi je plaide en permanence, m’ennuie. Je pense que les conservatismes naissent à la campagne, que les fanatismes naissent dans le désert, et que la civilisation naît dans les villes. Ouï, moi qui ai produit des centaines de documentaires sur la nature, j’aime les villes, leur chaos apparent, leur vibration. Je me sens mieux à Hong Kong, Sao Paulo ou New York qu’en Amazonie ou dans la savane du Serengeti. D’où l’idée d’étudier, dans mon dernier livre, la question de l’animalité de l’homme au cœur d’une mégapole.

Fanny : On reste toujours dans le coté bestial de l’Homme en fait.

Frederic : Oui, absolument. Mais le mot « bestial » me gêne, car on l’a chargé d’un poids négatif qui prête aux animaux des instincts de tueurs. Il a été prouvé que les animaux sont capables de compassion. Des expériences l’ont démontré. « bestial » fait partie du vocabulaire et des clichés qu’inspire une vision superficielle du monde animal.

Fanny : Oui mais ils tuent pour se nourrir et avoir le « pouvoir » pour certains. On retrouve bien cela chez l’Homme également.

Frederic : Oui, absolument

Fanny : Et donc pensez-vous qu’ils pensent comme vous ? Que vous appartenez à leur monde ?

Frederic : La manière dont vous formulez cela est intéressante. On pourrait presque croire, comme vous le dites, que c’est leur part « humaine » qui les rend criminels.
Je ne saurai jamais si un animal « pense », et a fortiori s’il « pense comme moi ». Ce que je sais, et qui est scientifiquement prouvé, c’est qu’il existe un facteur universel, qui transcende les différences indicibles entre eux, les animaux, et nous. C’est la souffrance. On sait désormais que l’expérience de la douleur est la même chez l’ensemble des mammifères : à l’exception, sans doute, de la souffrance qu’inspire la perspective de la souffrance, mais là on entre dans la philo.

Fanny : Indicible ? Vraiment ?

Frederic : oui, car nous ne pouvons partager rien d’autre avec les animaux. Nous ne savons pas quelle est la nature de leurs émotions. Nous savons seulement qu’ils peuvent souffrir comme nous.
Je ne poursuivrai pas sur cette piste, car cela va donner de moi l’image d’un intello rébarbatif, et rien de tel n’apparaît dans mes écrits, je crois

Fanny : Pas du tout, je trouvais cela intéressant.

Frederic : Votre indulgence me confond

Fanny : Le monde animal est un sujet vaste. Autant que celui de l’Homme. Juste une dernière question sur ce sujet, avez-vous eu des animaux enfant ? Ou en ce moment ?

Frederic : J’ai passé un peu de temps à la campagne, enfant. Quand je prenais mon petit déjeuner face à la fenêtre ouverte, du côté d’Orthez, dans le Béarn, il arrivait qu’une vache vienne lécher ma confiture. Et j’ai eu un chien, Idaho, qui a partagé ma vie pendant 16 ans.

Fanny : Ah j’imagine bien, c’est top ça. Quelle race ?

Frederic : blonde d’Aquitaine, bien sûr, si vous parlez de la vache, sinon, pour le chien, un mélange étrange de braque de Weimar, labrador et griffon

Fanny : Ok, je parlais du chien. Donc enchainons sur un autre sujet, le Japon. Pouvez-vous nous parler de vos complices et de votre vie là-bas ?

Frederic : Le Japon ? J’ai travaillé avec la chaîne de télévision publique NHK depuis très longtemps. Ainsi qu’avec le plus grand compositeur japonais après Ryuchi Sakamoto, Joe Hisaishi, oui, celui qui a composé les musiques des films de Hayao Miyazaki et de Takeshi Kitano. Donc, de très nombreux séjours au Japon, dont j’aime l’univers codé et hyper policé. Un peuple, aussi, animé de complexes contradictoires, supériorité et infériorité.

Fanny : Quelle ville préférez-vous ?

Frederic : Tokyo, toujours ma préférence pour les villes géantes. Mais, au-delà du Japon, c’est avec l’Asie en général que j’ai des relations privilégiées. On me connait en Chine sous le nom de Balixiaofe pour avoir écrit le premier guide touristique de la France créé spécialement pour les Chinois, qui raconte la France selon leur propre prisme culturel.
J’ai une passion désormais douloureuse pour Hong Kong. J’ai coproduit des programmes avec la Corée et Singapour. Un deuxième domicile à Bangkok, des amis en Birmanie et au Cambodge, etc.
Mes livres sont traduits en japonais et en coréen. J’aime le dynamisme de ce continent, son optimisme, son énergie. Tout bouge, vibre, se transforme. Il faudra qu’un jour j’en fasse le cadre de mes livres…

Fanny : Tokyo au-dessus ou sa vie grouillante en-dessous ?

Frederic : Tokyo au-dessus. Comme le miroir, vous avez raison, de ce qui est en dessous

Fanny : Mais Tokyo au-dessus ne peut-être Tokyo sans le dessous.
Vous vous sentez mieux donc en Chine.

Frederic : C’est là le paradoxe du Japon. Les grouillements souterrains, les cadres qu’on retrouve ivres morts le vendredi à partir de 19h dans les caniveaux de Shinjuku, les « hikilomori » qui s’enferment chez eux pour n’en jamais ressortir, tout cela est symétrique à la vie ensoleillée du dessus. Je me sens bien dans toute l’Asie confucianiste (le confucianisme est l’un des seuls facteurs unifiants du continent).

J’ai espéré que la Chine emprunterait un autre chemin, et j’en suis déçu, mais quelle civilisation riche, puissante, inspirante ! Cinq millénaires de génie et de soubresauts

Fanny : Oui. Et au final pourquoi la Thaïlande pour une résidence secondaire ?

Frederic : Mais comment savez-vous que j’ai un tropisme asiatique ? Bangkok est un point central d’où on peut rayonner vers toute l’Asie du Sud-Est, et une étape qui rapproche de l’Asie de l’Est.
Je suis désolé, mais l’Asie n’a pas de rapport avec ce dont vous m’accusez

Fanny : Vous avez évoqué le Japon hier, simple curiosité. Nous voulons tout savoir !

Frederic : ah, d’accord

Fanny : Si ! Vos complices sont partout ! Justement, lisez-vous des auteurs asiatiques ?

Frederic : Mishima, bien sûr, Ogawa, les polars chinois

Fanny : Qu’aimez-vous chez eux ?

Frederic : les aventures du juge Bao, par exemple. J’aime qu’un récit me transporte ailleurs, m’éloigne de moi-même. C’est sans doute la raison pour laquelle mes romans ne se passent pas en France. J’aime faire voyager le lecteur, l’emmener avec moi, être son guide, par exemple à New York, comme dans Si la bête s’éveille.

Si la bête s’éveille

Au Dakota Building, immeuble célébrissime et maudit de New York, une adolescente est assassinée entre les murs d’une pièce fermée de l’intérieur. L’un des enquêteurs, Adam, paralysé à la suite d’un inexplicable règlement de comptes, ne peut se résoudre à abandonner cette affaire. Bloqué chez lui, cloué à son fauteuil roulant, il est entièrement dépendant d’une assistante de vie très particulière, Clara, un singe capucin. Très vite, l’hostilité farouche de l’animal à son encontre fait de son quotidien un enfer, jusqu’à ce qu’il parvienne à comprendre ses motivations. Et si l’on pouvait, de la même manière, décrypter la part animale du comportement des criminels ?

La méthode d’Adam permettra-t-elle d’identifier le meurtrier du Dakota avant qu’il ne fasse une autre victime ?

Je trouve que le plaisir de l’enquête joint à la découverte d’un lieu lointain qu’on n’a pas forcément les moyens d’aller visiter par soi-même, c’est une sorte de « retour sur investissement » par rapport au prix du livre

Fanny : Quelle est votre destination favorite au final, vous qui avez beaucoup voyagé ? A part la Thaïlande.

Frederic : J’aime Montréal, Rio, New York, Cape Town, j’aimais Pékin et j’avais une passion pour Hong Kong.

Fanny : Donc vous avouez avoir des complices dans le monde entier !
Bravo !

Frederic : Oui, on peut dire ça. Cela ouvre l’esprit.  Et ces complicités sont importantes pour offrir au lecteur d’autres logiques, d’autres horizons …

Fanny : Vous avez travaillé avec tous ces pays ?

Frederic : oui, entre autres

Fanny : Dans quel cadre ? Documentaires ?

Frederic : principalement mes programmes de télévision, car je me suis très tôt spécialisé dans les séries internationales, coproduites avec d’autres pays et destinées à un public mondial.

Fanny : Qu’est-ce que cela vous a apporté de plus ? De quoi en êtes-vous sortis enrichi ?

Frederic : La sensation de parler à d’autres êtres humains, du bout du monde, comme si nous partagions un « terrain d’entente » est formidable. On se sent plus proche de ce qui est universel.

Fanny : Vous vous sentez donc plus « Terrien » que « Français » ?

Frederic : Les deux à la fois, en fait. Je me sens cosmopolite, c’est vrai, curieux de ce qui se passe dans le monde, mais je revendique mon héritage français : la philosophie des Lumières, le goût du débat et des paradoxes, la laïcité, l’épanouissement de la culture, etc.
Les deux sont compatibles et s’enrichissent mutuellement. Il faut bien être « de quelque part » si on veut avoir la sensation de se déplacer hors de là où l’on est né, et hors de soi- même.

Fanny : Hors de soi-même ? Comment cela ?

Frederic : hors des limites que nous impose notre naissance, hors des idées préconçues, hors des automatismes et du confort d’un monde autocentré

Fanny : Une introspection en somme.

Frederic : oui, jointe à une « extrospection »

Fanny : Vous vous sentez donc complétement connecté à notre monde. Et parlez-vous plusieurs langues ?

Frederic : je parle anglais, ce qui aide un peu partout, espagnol en raison de mon enfance près des Pyrénées. J’ai renoncé au chinois car ma prononciation était horrible. Je peux me faire comprendre en thaï

Fanny : Vous communiquez donc facilement.

Frederic : oui, je crois

Fanny : Vous êtes totalement ouvert au monde.

Frederic : Absolument, c’est une chance, et un privilège

Fanny : Comment faites-vous pour gérer cette richesse ? Vous devez avoir mille et une idée d’écriture ?

Frederic : Oui, c’est ma plus grande frustration, tellement d’idées que mon temps limité – et ma paresse – ne me permettent pas de faire aboutir

Fanny : Les notez-vous quelque part ?

Frederic : oui, j’ai des notes, des listes. Ce qui renforce la frustration, car un projet oublié ne vous tarabuste pas, mais quand vous le notez, il devient un reproche

Fanny : notes sur PC ?

Frederic : Oui. Jamais rien de manuscrit, comme je l’ai dit à votre consœur hier

Fanny : Ont-elles un classement ?

Frederic : Non… Pour ce qui concerne les romans, j’ai déjà en tête mes sujets pour les cinq ans qui viennent…

Fanny : Cinq ans seulement ? 🤣

Frederic : Hehehe. Peut-être six

Fanny : Et comment en prioriser un plutôt qu’un autre ?

Frederic : l’idée ne suffit pas à placer un projet en priorité. Il faut encore qu’il prenne vie dans mon esprit, que les contours s’en dessinent et que, pour les romans, j’aie déjà en tête le développement de l’histoire. Ce processus se fait assez naturellement, en « tâche de fond », comme on dit en informatique.

Fanny : Donc au ressenti, au feeling du moment ?

Frederic : non, pas vraiment, c’est un processus intellectuel plus qu’instinctif.

Fanny : Combien de temps ce processus prend-t-il avant de commencer l’écriture ?

Frederic : si l’on parle d’un projet de roman en particulier, le processus de maturation du récit, le passage de l’idée au projet, le temps du développement de l’histoire, sans doute trois mois en « tâche de fond » du cerveau, et trois mois pour l’écriture du synopsis, ou plutôt du « séquencier », pour prendre un terme scénaristique.

Fanny : Donc tout est carré

Frederic : Plutôt, oui.
Vous voyez, je n’ai rien à cacher. Tout est carré

Fanny : Mouais, on verra ça.
C’est un besoin ce « carré » ? D’avoir des règles ? Ou une nécessité ?

Frederic : non, c’est mon côté rationaliste et vous avez raison, cela facilite la vie, cela empêche de procrastiner

Fanny : Est-ce comme cela pour tous vos projets ?

Frederic : oui, même chose pour mes projets dans leur ensemble

Fanny : Comment faites-vous pour décompresser alors parfois ?

Frederic : J’ai la chance de faire ce que j’aime, ce qui m’amuse, et de partager ce que je fais. Autant dire que le besoin de décompresser n’est pas pressant. Je peux écrire où je veux, y compris au bord de la mer ou à la montagne. C’est un privilège. Mais là où je décompresse absolument, c’est dans un avion long-courrier, quand on revient à l’état fœtal, où l’on ne peut plus rien décider.
J’ai vraiment l’impression que vous n’avez pas grand-chose à me reprocher.
Abus de pouvoir, peut-être

Fanny : Non, complicité dans le monde entier déjà, une vraie mafia d’informations !

On me demande : si dans la masse de vos projets il y a une différence dans l’élaboration de l’idée entre un documentaire et un roman ?

Frederic : oui, un documentaire, cela va plus vite. Le texte d’un commentaire pour un film de 52 minutes, par exemple, c’est une dizaine de pages, à comparer aux 500 ou 600 pages d’un roman et le dossier complet d’un documentaire, c’est une centaine de pages avec de gros caractères et beaucoup d’illustrations.

Le stylo ou le clavier du romancier travaillent plus que la caméra de télévision.

Fanny : Avez-vous un ou une assistante dans la vie courante, car la masse de travail est incroyable ?

Frederic : pour la télévision, oui, et des équipes. Mais pas pour les romans : je dois métaboliser la documentation et l’enquête moi-même,

Fanny : Avez-vous besoin de l’avis de quelqu’un de proche ou non lors de la phase d’écriture ?

Frederic : Oui, il me faut des validations, parfois, mais je n’en dépends pas. Il faut que je sois capable de raconter mon histoire en moins de cinq minutes, et qu’elle plaise. Comme je le disais, l’écriture romanesque est absolument solitaire, alors que la télévision est un media collectif.

Fanny : A partir de quel moment faites-vous relire votre roman ? Et par qui en premier ?

Frederic : Au stade de l’écriture, une ou deux personnes regardent le texte. Ma sœur, en particulier. Puis vient Thierry Billard, mon éditeur, quand le manuscrit est achevé. Son regard est très affuté

Fanny : Elle travaille dans le monde de l’édition ?

Frederic : non, retraitée ancienne anesthésiste réanimatrice, passionnée de lecture

Fanny : Un avis proche et extérieur à la fois, encore une super complice ! Et hop ! On prend note !!

Frederic : rien ne vous échappe. Je vais finir par ne plus rien dire

Fanny : Et vous ne ressortirez plus jamais, libre à vous !

Frederic : ok, ok, calmez-vous. J’ai été plutôt coopératif, non ?

Fanny : Et l’avis de vos lecteurs ?

Frederic : essentiel, bien sûr

Fanny : Un exemple ?

Frederic : Je trouve que les réseaux sociaux ont fait émerger un nouveau rapport entre auteur et lecteur. Autrefois, la communication se faisait par courrier, de manière distante, espacée, indirecte. Aujourd’hui, les lecteurs parlent à haute voix, aussitôt la lecture terminée, et un cercle de blogueuses s’est institué, qui joue le rôle autrefois dévolu aux critiques littéraires, avec la compétence qu’inspirent la passion et l’enthousiasme. Leurs réactions à la psychologie des personnages sont passionnantes, car elles veillent à la cohérence. Aussi, leurs remarques sur le rythme sont productives. Un rapport nouveau s’est créé, qui encourage à écrire.

Fanny : Vous trouvez donc les réseaux sociaux indispensables sur ce sujet ?

Frederic : Je trouve qu’en matière de littérature et de livres, ils ont enrichi la relation avec les auteurs. Avant, il y avait les éditeurs, les auteurs, les journalistes et une sorte de « bruit de fond » des lecteurs. Tout cela a changé.

Fanny : On en revient à cette richesse de l’échange avec autrui.

Frederic : Oui, exact

Fanny : Avez-vous des lecteurs assidus avec lesquels vous communiquez ?

Frederic : Oui, il suffit de voir sur Instagram… et les éditeurs organisent des rencontres avec eux et elles. C’est vraiment formidable

Fanny : Je veux dire en dehors des réseaux sociaux, en message privé par exemple, des relations privilégiées afin de vous apporter un plus dans l’écriture.

Frederic : oui, absolument, des lecteurs qui ont été touchés et trouvent facilement mon adresse courriel sur internet ou sur mon site www.fredericlepage.com

Fanny : Encore des complices ! Et en libre accès sur le net !

Frederic : Je ne me laisse cependant pas avaler par eux.

Fanny : Voilà, j’allais justement en parler, cela doit vous prendre un temps fou.

Frederic : J’ai toujours pensé qu’il fallait créer « la demande » plutôt que la subir

Fanny : Oui sinon ce n’est pas possible avec toutes vos activités.

Frederic : Je veux dire par là que proposer au lecteur ce à quoi il n’aurait jamais pensé vaut mieux que suivre ses demandes et c’est ainsi qu’on le satisfait

Fanny : Oui et je pense que c’est bien plus intéressant pour les deux, auteur et lecteur.

Frederic : Oui

Fanny : Recherchez-vous absolument à satisfaire avant tout le lecteur ? Ou vous est-il arrivé de vous dire tant pis j’ai envie d’écrire cela on verra bien si cela plait ou pas ?

Frederic : Non, j’écris pour le lecteur, pas pour la postérité, ni pour moi-même.
J’aime l’idée d’être lu et c’est une forme de politesse

Fanny : C’est altruiste de votre part ! On vous libérera peut-être ce soir…

Frederic : Et pardon de me montrer si matérialiste, mais le lecteur paie une vingtaine d’euros pour un grand format, une dizaine d’euros pour un poche… La moindre des choses est de penser à lui. Car ces sommes peuvent paraître dérisoires à certains, mais vous savez que pour bien des gens, c’est une somme importante.

Fanny : Oh que oui. Merci de penser à nous !
Avez-vous des complices auteurs également ? Des avis dont vous avez parfois besoin ?

Frederic : Non, je ne veux pas me laisser déborder, étouffer, par l’illusion qu’une validation par des confrères est nécessaire

Fanny : Non sans parler d’un côté négatif, juste une complicité, un avis amical.

Frederic : non, et je serais bien embarrassé si un auteur me demandait mon avis…ce serait vraiment difficile. Donc je ne veux pas mettre de confrères dans le même embarras.

Fanny : Je comprends.
Donnez-moi envie de lire votre dernier livre ?
Embarquez-moi dans votre monde.

Frederic : Après l’avoir lu, vous ne regarderez jamais plus votre chien, un pigeon dans la rue ou un chat de la même manière et vous allez découvrir des univers que vous ne soupçonniez pas en vous-même. Ce livre va changer votre regard sur vos comportements ! Un livre dans lequel je parle de VOUS, de ce qui fait votre humanité, le tout autour d’une enquête sur un crime commis dans une chambre close.

Dany : un vrai teaser

Frederic : Enfin, je vous parie que vous ne comprendrez le mode opératoire qu’à la fin du livre, pas avant, sinon je vous rembourse.

Fanny : Je relève le pari !
C’est convaincant, j’avoue.

Frederic : Bien, et c’est moi qui conduirai votre interrogatoire, le moment venu

Fanny : Ce n’est pas demain la veille ! N’inversons pas les rôles !

Frederic : 😂

Fanny : Bon, sur ce, désolée mais ce n’est pas suffisant pour votre libération.

Frederic : 😔 😞

Fanny : Il faut un dernier interrogatoire, ce sera avec Dany à 16 h !!

Allez hop, on retourne en cellule pour manger du cassoulet !

Frederic : D’accord, et encore sans bavure, j’espère

Geneviève : Eh bien voilà un bien bel interrogatoire. (sans bavure comme le souligne notre auteur prévenu !

Merci messieurs-dames. Danièle mettra tout cela en forme avant d’intervenir auprès de notre suspect cet après-midi.

Alors prenez des forces en attendant.

Moi je déclare officiellement la fin de cette troisième audition.

 — FIN de la troisième audition de Monsieur Frédéric Lepage —

Une réflexion sur “La GAV : Frédéric Lepage sous le feu des flingueuses, Troisième audition . 3/4

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