THE GOOD GIRLS de Sonia Faleiro

Le livre : THE GOOD GIRLS : Un meurtre ordinaire de Sonia Faleiro,  traduit de l’anglais par Nathalie Peronny. Paru le 23 mars 2022 aux Editions Marchialy. 22€. (400 p.) ; 20 x 14 cm

4e de couv :

Un soir de mai 2014, dans un petit village du Nord de l’Inde, deux adolescentes, amies et cousines, sortent faire un tour dans les champs à proximité de leur maison. Elles ne reviendront jamais. Leurs corps sont retrouvés pendus à l’aube dans le verger derrière chez elles. Que s’est-il réellement passé durant ces quelques heures ? La vérité semble moins importante pour leur famille et les habitants de ce village que la rumeur qui enfle déjà. Il faut sauver l’honneur, à tout prix.
À partir de ce fait divers glaçant, Sonia Faleiro raconte les mécanismes d’une société ultra-hiérarchisée où la femme n’est jamais maîtresse de son destin, sauf peut-être dans la mort. Grâce à une enquête minutieuse, elle parvient à rétablir la vérité occultée et à écouter ce que ces deux jeunes femmes ont encore à nous dire.
L’auteur : Sonia Faleiro est une autrice et journaliste indienne née à Goa en 1977.
Elle fait ses études à Delhi avant de s’installer à Londres où elle habite aujourd’hui. Elle écrit dans
des revues et des magazines aussi prestigieux que The New York Times, The Guardian et Granta. Sont déjà paru en français Bombay Baby  portrait d’une bar dancer et Treize hommes (Actes Sud).  Ses précédents reportages,  ont été salués par une critique internationale unanime. Sonia Faleiro est une des nouvelles grandes voix du journalisme littéraire.
Extraits : 
« On les appelait Padma Lalli, comme si elles ne formaient qu’une seule et même personne.
« Padma Lalli ? »
« Padma Lalli ! »
« Quelqu’un a vu Padma Lalli ? »
Padma avait 16 ans, soit deux de plus que sa cousine. Du haut de son petit mètre cinquante, elle la dépassait quand même de cinq centimètres. Elle avait les yeux ovales, la peau douce et les clavicules saillantes, de longs cheveux noirs qu’elle lissait à l’eau et coiffait en tresses bien serrées histoire de s’éviter des remontrances.
Lalli flottait dans son kameez, qui pendait sur elle comme sur une corde à linge. Avec ses épaules rondes et ses traits poupins, c’était une fille romantique et discrète qui aimait lire des poèmes à voix haute. Padma avait déjà arrêté l’école, mais Lalli avait dit à son père qu’elle voulait poursuivre ses études et trouver un travail. Ce dernier avait beau adorer raconter cet échange à qui voulait l’entendre, ils savaient tous les deux que c’était impossible. L’école de Lalli avait un toit, mais pas assez de salles de classes : la plupart des cours étaient dispensés dehors, dans la poussière, avec sept enseignants pour plus de 400 élèves. Et quand bien même les conditions auraient été plus favorables, le destin d’une fille reposait entre les mains de son époux. »
« La terre apportait la sécurité dont dépendait tout le reste — le daldans leurs assiettes, les vêtements sur leur dos. La terre, c’était aussi le pouvoir. L’assurance d’attirer une future épouse de qualité, avec une bonne dote, ce qui renforçait leur sécurité et leur statut social. Mais surtout, la terre était une question d’identité. Elle faisait d’eux des cultivateurs. Sans elle, les hommes étaient réduits à l’état de paysans nomades, condamnés à chercher du travail là où il y en avait, pour ce qu’on voulait bien leur payer en échange. Ils étaient comme les gardiens de bétail de la communauté Yadav, dans le hameau voisin, dont on disait qu’ils n’avaient pas de racines et n’étaient liés à personne.
Les hommes de Katra travaillaient presque toute la journée aux champs. Leurs enfants n’étaient pas très loin puisque la bonne école, celle où on enseignait l’anglais, se trouvait près du verger. Le soir, quand les nuages s’effilochaient dans le ciel et qu’une brise fraîche faisait onduler les cultures, les femmes sortaient du village pour se rendre au puits et papoter entre elles. Les garçons tourmentaient les chiens boiteux, qui à leur tour chassaient les rats. Les filles se tenaient par petits groupes. L’air sentait la chaleur, les balles de blé et les crottes de buffle.
Quand la nuit recouvrait les champs, les hommes apportaient leurs charpoys et se pelotonnaient sous les couvertures, leurs pieux de bambous à portée de main, comme tous les fermiers à travers le district en cette période de l’année. Ils protègeraient leurs récoltes, au prix de leur vie s’il le fallait, contre les bandits armés cherchant à voler leurs motos ou les troupeaux de nilgauts en quête de graines et de racines.
Tout était là. Tout se passait là. Et c’est donc naturellement là, dans les champs, que naquit la rumeur. »

Le post-it de Ge

THE GOOD GIRLS : Un meurtre ordinaire de Sonia Faleiro

Voici un polar captivant, qui à  plus d’un titre, nous fait réfléchir sur la conditions de la femmes, des femmes un peu partout à travers le monde d’aujourd’hui.

Mais alors qu’elle est le début de l’histoire :

Un soir de mai 2014, deux adolescentes disparaissent dans un village du nord de l’Inde. Quelques heures plus tard, leurs corps sont retrouvés pendus dans un verger près de chez elles.

C’est l’histoire de Padma et Lalli, cousine mais aussi amie dans la vie, deux jeunes filles pleine de promesses.

Ici Sonia Faleiro, leur prête vie, elle leur invente un avenir pourtant déjà contraint. Elle adopte le point de vue de ces adolescentes et dresse leur portrait. Mais elle nous invite aussi à découvrir l’entourage de ces adolescentes.

Le meurtre de ces toutes jeunes femmes a ému l’opinion public indienne, celles des grandes villes surtout. On parle de viol collectif, un crime d’une horreur absolu et pourtant il n’en est rien, la vérité est bien autre et tout aussi horrible si ce n’est plus. Car la vérité est bien plus banal, plus cru encore.

On est là dans une communauté liée par la tradition et la coutume dans un petit village dans l’ouest de l’Uttar Pradesh où les femmes, où « la femme » doit faire preuve de modestie, de pudeur et éviter les attitudes qui pourraient menacer la réputation familiale. Une vie sociale régie par la culture de l’honneur où les jeunes femmes sont surveillées de près, et savent ce qu’on attend d’elles. Et cette culture de l’honneur prône le recours à la violence afin d’assurer la réputation de la famille et de la communauté toute entière.

On y pratique les crimes d’honneur, ces actes de violence, le plus souvent des meurtres, commis par les membres masculins d’une famille à l’encontre de ses membres féminins, lorsqu’ils sont perçus comme cause de déshonneur pour la famille tout entière. Et ces crimes sont commis en toute impunité, le plus souvent ils sont considérés comme normaux et ne sont pas puni par la loi. Pire, ils sont la loi !

Mais au-delà de cela, Sonia Faleiro nous concocte une intrigue complexe, où, bien sur il est question de ces femmes assujetties à des traditions criminelles mais pas seulement. Elle tisse une toile qui met en relief tous les cotés négatifs de la société indienne d’hier mais surtout d’aujourd’hui. Elle pointe du doigt la pauvreté dans laquelle vit ces communautés, des conditions insalubres de vie où se côtoient la technologie actuelle et le manque d’hygiène. On possède des smartphones mais on a pas accès à l’eau potable et courante. Les femmes peuvent s’éduquer et avoir accès à l’éducation mais pas à la vie professionnelle. Elle n’ont pas le droit de travailler. Mais elles contribuent à perpétuer cette hiérarchie de leur société patriarcale en inculquant ses traditions et ses valeurs à leurs fils mais aussi à leur filles.

Je vous le disais, notre autrice donne vie avec vigueur à ses personnages et on les suit dans leurs quotidiens avec une certaine fascination. L’écriture vive, tantôt onirique, parfois journalistique ou littéraire donne du rythme à cette enquête. Ce reportage littéraire, bien plus qu’une enquête sociologique est un témoignage passionnant, bouleversant. Un constat effroyable sur la la misogynie de nombreuses sociétés à travers le monde  et à travers le prisme de la société indienne contemporaine.

Un récit puissant et poignant. Sonia Faleiro reconstitue  avec minutie et finesse le déroulement de ce fait divers sordide. Une enquête parfaitement maîtrisé qui nous emporte avec elle et qui rend notre lecture addictive. J’ai dévoré ce pavé. Quatre cent pages d’une intensité folle qui m’a laissée pantelante à la fin.

Un véritable coup de cœur, un cri d’effroi et de colère aussi, un coup de point, un uppercut, vous ne sortirez pas indemne de cette effroyable histoire où le suspense vous tient en haleine jusqu’à la dernière page.

Et vous vous souviendrez longtemps de Padma et Lalli, elle vous hanteront je l’espère autant qu’elles m’ont émue.

Vous ne pouvez pas passé à coté de ce titre. « The good girl : un meurtre ordinaire » porte bien son sous-titre. C’est le bouquin qui  à n’ont pas douté, m’a le plus marqué en ce début d’année ! Et je me demande encore quel coût humain peut bien avoir la honte et le déshonneur, dans notre monde ? Je n’ose l’imaginer !

 

 

Challenge Thrillers et Polars de Sharon (du 12 Juillet 2021 au 11 Juillet 2022) ;  

Le Challenge « Le tour du monde en 80 livres » chez Bidb (Inde).

et le challenge Les dames en noir chez Zofia

3 réflexions sur “THE GOOD GIRLS de Sonia Faleiro

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